Les jeux de courses ne sont pas légion sur Switch, c'est peu de le dire. Et quand on sait que les courses futuristes sont un genre proche de l'extinction, il y a de quoi plaindre les fans, qui vivent une disette depuis plusieurs années. Quand le premier Redout est sorti, ils avaient de bonnes raisons d’être heureux, avec un jeu bien fait, accessible et exigeant. Et maintenant que le second volet est sorti, on pourrait croire qu'une série est enfin en train de naître, ce qui ferait du bien après la mort de F-Zero et la « pause prolongée » de Wipeout. Sauf que si le jeu est très bon, il a aussi poussé les curseurs de la difficulté assez loin pour se réserver à une élite bien particulière. Reste à voir si vous en faites partie.

            Redout 2 est un jeu centré sur la vitesse. A bord de votre véhicule anti gravité, pour aller parcourir les différents circuits à des vitesses folles, en dépassant régulièrement les 1000 km/h. Sur le papier ça semble grisant, et dans la pratique ça l'est. L'impression de vitesse est bluffante et nous cramponne à notre manette. Rater un virage et ralentir en raclant les bords sonne vraiment comme une punition en soi et suffit à donner envie de maîtriser le gameplay pour pouvoir faire la course parfaite. Mais pour cela il va falloir dompter le système de conduite, et ce dernier est complexe : en plus de l'accélération, du freinage et des virages, vous devrez aussi gérer les déplacements latéraux de votre véhicule sur la piste, le tangage avant et arrière et deux types de boost.

            Les déplacements latéraux sont nécessaires pour se replacer sur la piste et peuvent être combinés aux virages : quand vous tournez dans une direction, faites un déplacement latéral dans la même direction pour tourner plus sèchement, ou faites un déplacement dans le sens opposé au virage pour réaliser un drift.

            Le tangage avant et arrière est nécessaire lors des montées ou descentes brutales. Dans ce jeu en anti gravité, vous aurez sur chaque circuit des moments où vous êtes balancés dans tous les sens. Quand la montée est brutale, il faut remonter le haut de votre véhicule pour éviter qu’il frotte la piste, avec perte de vitesse si cela arrive, et quand la descente est brusque, il faut baisser l'avant sous peine de vous éjecter de la piste si vous allez vite.

Sachant que les déplacements latéraux et le tangage se contrôlent avec le stick droit, faire les deux en même temps quand c'est nécessaire peut se révéler plus compliqué que nécessaire dans la pratique et nécessite de l'entraînement.

            A cela s'ajoute la gestion des boosts. Comme je l'ai dit Redout 2 est centré sur la vitesse, et vous devrez obligatoirement user et abuser de ces derniers, même en mode facile. Le premier boost s'utilise avec la gâchette L et consomme une barre dédiée, pour un pic de vitesse qu'il vous appartiendra de conserver en évitant de toucher les murs. En cas de jauge vidée, le boost ne s'arrête pas, mais puise à la place dans la barre de vie de votre véhicule. Celle-ci ne doit pas être vidée, sous peine de faire exploser votre vaisseau, ce qui vous fera réapparaître après avoir perdu de précieuses secondes. Vous pouvez l'activer à volonté. Le second boost est l'hyperboost. Le gain de vitesse est identique, mais il fonctionne automatiquement pendant quelques secondes (quitte à vider votre barre de vie) et nécessite un cooldown. La subtilité vient surtout du fait que vous pouvez utiliser les deux en même temps, pour atteindre des vitesses folles. A haut niveau c'est votre capacité à les activer intelligemment tout en évitant l'explosion qui vous permettra de gagner.

            Vous pouvez voir que le gameplay est très complexe. On est plus dans une simulation que dans un jeu d'arcade. Ceux qui aiment cela seront aux anges, avec une grosse courbe de progression pour les retenir. Ceux qui veulent rapidement s'amuser seront bien avisés de réduire la difficulté des courses.

            Côté graphismes, pas de surprise. C'est largement inférieur aux autres versions, surtout lors des petites séquences avant les courses présentant les circuits, avec du popping de partout et des textures parties faire la sieste. Mais en contrepartie le jeu sait se montrer d'une fluidité exemplaire, et soyons honnêtes, dans ce genre de jeu c'est l'essentiel. Si vous avez un PC ou une autre console - et à moins de ne jurer que sur la portabilité – privilégiez peut-être ces supports pour jouer à Redout 2. Pour mettre l'ambiance, le jeu vous passe de la musique dynamique, qui s'adapte à votre conduite. Ça marche plutôt bien, même si le côté musique électro bourrine ne sera pas du goût de tout le monde.

 

            Sur les trois modes de jeux, nous avons le mode arcade pour jouer en solo, composé de courses contre l'IA. Vous choisirez entre plusieurs modèles de bolides aux caractéristiques variées (et non modifiables), puis entre neuf environnements, eux-mêmes divisés en trois pistes, pour un total de 27 circuits disponibles. Il existe plusieurs types de course :

  • course classique
  • course d'arène (toute mort est définitive)
  • course « dernier homme debout » (à chaque tour le dernier joueur est éliminé)
  • course vitesse (maintenir une haute vitesse pour accumuler des points)
  • contre la montre
  • course ultime (parcourir les trois circuits d'un même environnement, reliés les uns aux autres, très long et très grisant).

Les environnements sont également variés. Dans un circuit vous frôlerez la lave, dans un autre vous irez sous l'eau, et dans un troisième vous serez près d'un trou noir.

            Vous pouvez aussi opter pour le mode carrière, lors duquel vous enchaînez les circuits d'un des six modes décrits ci-dessus pour décrocher des étoiles en fonction de vos résultats. Les étoiles permettent de débloquer des améliorations pour vos véhicules, des éléments de customisation, ainsi que la suite des circuits à parcourir. Vous aurez donc intérêt à performer pour aller au bout de chaque ligue.

            Il y a aussi un mode multijoueur, mais ce dernier est en ligne uniquement, ce qui est dommage. Et le fait qu'il n'y a presque personne pour jouer avec vous sur switch rend ce mode presque inutile, malgré la possibilité de lancer une recherche de joueurs, qui tournera pendant que vous jouerez au mode solo.

 

            Mais le vrai problème de ce jeu n'est pas le multijoueur quasi inexistant, mais plutôt la gestion de la difficulté catastrophique. Les développeurs se sont vantés de proposer à la fois une expérience exigeant un haut niveau de skill, et accessible pour les nouveaux joueurs grâce à six modes de difficultés. Alors pour l'exigence c'est réussi, pour l'accessibilité on repassera. Jouer à Redout 2 ça se mérite.

            Commençons par les courses de vitesse, décrites plus haut. Il est nécessaire de jouer des boosts pour marquer des points, mais le niveau de maîtrise du vaisseau et des circuits pour obtenir une seule étoile sur les trois possibles est hallucinant, et cela dès le tutorial du mode carrière qui propose une épreuve de ce type susceptible de vous retenir plusieurs dizaines de minutes avant que vous n'arriviez à la passer. Pour les autres épreuves de ce type attendez d'être devenu un dieu de la conduite pour les essayer. C'est juste infâme. Sachant que le niveau de difficulté du jeu ne porte que sur l'IA des conducteurs, vous n'avez aucun moyen de rendre ces épreuves plus accessibles. J'espère qu'un patch corrigera cela bientôt, car le côté vicieux de ce problème est qu'en mode carrière les épreuves de vitesse sont nombreuses. Et vu qu'un joueur débutant n'a aucune chance d'y obtenir ne serait-ce qu'une étoile, il vous faut récupérer toutes vos autres étoiles sur les autres épreuves, sachant que les contre la montre sont aussi bien difficiles. Du coup vous devez surperformer les courses sous peine de vous retrouver bloqués sans pouvoir débloquer la suite de ce mode.

            Et s'il n'y avait que cela, ce serait déjà pénible, mais ce délire d'exigence, en plus de limiter fortement le public cible, touche aussi la structure même des circuits, sinon ce ne serait pas drôle ! Une des nouveautés de cet épisode est les sauts. Vous devrez parfois prendre des tremplins et négocier votre atterrissage plus loin. Pour cela vous devrez négocier la vitesse, vu qu'un saut pris sans boost se solde presque systématiquement sur un crash, vu que vous parcourez une distance trop petite. Heureusement vous pouvez lancer un boost pendant le saut, mais pas trop sinon vous irez trop loin et boom dans le décor (ou dans un mur invisible, vu que parfois le jeu n'admet juste pas que sautiez plus loin que ce qu'il a prévu). En plus vous devez gérer l'angle et le positionnement latéral de votre vaisseau, vu que la piste d’atterrissage est parfois décalée sur un côté, parfois tournée de biais par rapport à votre tremplin de départ, et souvent les deux à la fois, sur une piste assez étroite, ce qui rend le tout fastidieux à gérer et rend les sauts très rapidement désagréables.

            Vu que l'on est dans un jeu exigeant, il est nécessaire de connaître les circuits par cœur pour vraiment les réussir. Et je suppose que c'est pour ça que parfois on prend un tremplin sans arriver à voir où on est censé atterrir à cause du décor qui nous cache la piste pour atterrir. Ou que tout simplement on ne peut jamais rien voir à 10 mètres devant nous dans les montées et les descentes un peu sèches. D'ailleurs vous savez ce qui est plus exigeant qu'une montée/descente enchaînant immédiatement sur un virage impossible à prendre à 1000 km/h si vous ne saviez pas à l'avance qu'il était là ? La même, mais sans barrière pendant le virage. Ah ! La joie de voler dans le décor car certaines sections sont pensées pour vous punir si vous avez l'audace de ne pas connaître par cœur le circuit ! En sachant que chaque circuit est long, composé de nombreux virages et courbes dans tous les sens, qu'il y en a 27 avec un mode inversé, pour un total de 54 tracés à connaître (ou alors vous ne jouez que sur certains circuits). Et ça c'est pré-DLC. Si vous voulez passer beaucoup de temps sur ce jeu, vous serez aux anges, sinon ce sera l'enfer. D'ailleurs juste en passant, s'il est nécessaire de connaître les circuits par cœur, ce serait possible d'avoir une mini map ? Quitte à ne pouvoir la consulter que hors courses, ce serait bien pour étudier les tracés.

            Notons que pour vous aider vous avez la possibilité de paramétrer une IA d'aide à la conduite. Si l'idée est bonne sur le papier, elle a tendance à vous replacer quand ça lui chante, ajoutant un facteur aléatoire au jeu qui n'a vraiment pas besoin de ça. Mieux vaut la désactiver et apprendre à piloter par soi-même.

            Vous avez aussi une fonction rewind qui vous permet de rembobiner une course pour corriger une faute que vous auriez faite. Très utile sur le papier, car susceptible de réduire grandement la frustration de devoir faire un tracé parfait. Dans les faits vous ne vous en servirez pas vu qu'ELLE NE FONCTIONNE PAS SUR SWITCH. J'ai tout essayé et j'ai dû me faire une raison. Pour me convaincre que ce portage n'a pas été fait à la va-vite, bon courage.

Au moins, vous avez une option pour remapper vos touches. C'est déjà ça.

            Un multi en ligne uniquement, sans personne en ligne. Une mauvaise gestion de la difficulté des épreuves du mode solo, des tracés de circuits vicieux par moments, des sauts qui compliquent les tracés pour rien. Finalement, que reste-t-il pour le joueur qui veut juste découvrir le jeu sans s'y investir plus d'une centaine d'heures ?

            Déjà il reste les courses contre l'IA à faible difficulté, que vous pourrez monter si vous vous sentez confiants. Le jeu est à son meilleur et sait se montrer amusant à jouer, aussi bien en arcade qu'en mode carrière.

            Il reste l'espoir que les épreuves de vitesse soient patchées pour au moins rendre le mode carrière moins pénible à parcourir qu'il ne l'est aujourd'hui, sans que la menace d'être bloqué ne nous pèse au-dessus de la tête (au moins pour les premières ligues).

            Il reste l'attente de savoir ce que seront les modes « défi de saison » et « communauté », dont je n'ai pas parlé car ils sont toujours indisponibles à l'heure où j'écris ces lignes, sur switch comme sur les autres consoles, ce qui sent la sortie précipitée soit dit en passant.

Mon avis à moi

            Redout 2 est un jeu réussi dans sa technique et sa maniabilité, proposant une expérience riche et profonde, mais qui a poussé les curseurs de la difficulté beaucoup trop loin, sans réellement prendre en compte les concepts de progression et de pédagogie nécessaires pour s'adresser aux joueurs débutants. Seuls les mordus de ce genre de jeu pourront y trouver du plaisir. J'aurais voulu vous le recommander, mais dans l'état actuel je ne peux que vous recommander d'attendre quelques mois, pour voir si les erreurs signalées ont été corrigées, et si les modes encore absents sont intéressants.

 

Vous aimerez ce jeu si :

  • Vous aimez la pédagogie type « légion étrangère »
  • Vous aimez recommencer chaque épreuve encore et encore jusqu'à la maîtriser sur le bout des doigts.
  • Vous voulez juste faire des courses contre l'IA pour ressentir le plaisir de la vitesse

 

Vous n'aimerez pas ce jeu si :

  • Vous avez besoin d'une courbe de difficulté progressive pour vous impliquer dans un jeu
  • Vous voulez jouer uniquement en multi
  • Vous cherchez un jeu arcade, pas une simulation

Test réalisé par Luciole