Le JRPG traditionnel est un genre tellement codifié qu'il est souvent délicat d'innover sans risquer de perdre le public qui attends tout de même un respect de certains codes. Même des grands noms comme Final Fantasy se sont perdus dans les méandres de l'Action-RPG. Alors forcément quand un studio colombien nous propose des mécaniques uniques de gestion de la temporalité et qu'en plus la direction artistique sort clairement des sentiers battus on est tout ouïe. Cris Tales de Dreams Uncorporated (aidé par SYCK), édité par Modus Games et distribué par Just For Games vient enfin de sortir après nous avoir pas mal fait vibrer d'impatience (l'excellente Démo dispo sur l'eShop aidant).

Retour Vers le Futur

Crisbell est une jeune fille adoptée par un orphelinat de la ville de Narim. Sa mission quotidienne consiste à s'occuper du beau jardin de roses de l'orphelinat. Mais sa vie va basculer lorsqu'elle croise le chemin d'une étrange grenouille orange portant un chapeau. Mattias, puisque tel est son nom va rapidement lui faire comprendre qu'elle n'est pas une jeune fille comme les autres mais un mage temporel comme il en existe peu. Mais elle n'aura que peu de temps pour comprendre ce qui lui arrive que la ville est attaquée par des monstres. Il va non seulement falloir fuir la ville, mais également parcourir le monde pour trouver les cathédrales de quatre autres villes pour développer ses pouvoirs. Ce n'est ainsi qu'elle sera suffisamment puissante pour déjouer les plans de l'impératrice du temps, bien décidée à déployer son armée de monstres sur le monde. Le scénario ne trompe pas, on est bien dans les classiques du JRPG, à base de sauvetage du monde par une petite fille ne connaissant pas son passé. Malgré tout, le concept de la temporalité est un argument qui n'est pas que scénaristique, mais a un impact direct dans le gameplay. Rapidement, Chrisbell obtient la capacité de voir en temps réel le passé et le futur. Concrètement, l'écran se sépare en trois zones. A gauche le passé, au centre le présent, et à droite l'avenir. Grâce à Mattias, il est possible de se projeter dans ces époques pour y interagir (écouter une conversation du passé, récupérer un objet d'une autre temporalité...). Malheureusement ce concept ne s'applique que lors des phases d'explorations des villes. En donjon, c'est une autre aptitude qui prend le relais un peu plus loin dans l'aventure, en permettant à notre héroïne d'envoyer un objet à son état d'une autre temporalité. Il est possible par exemple de reconstruire un pont cassé ou de faire s'effondrer un pilier pour passer. 

Reviens me voir quand tu seras plus grand

Qui dit JRP dit aussi combats. Cris Tales semble faire dans le classique avec un système de tour par tour (et c'est tant mieux). Mais cela n'empêche pas de proposer quelques innovations. Outre le fait de proposer des critiques et des parades en appuyant sur le bouton A avec le bon timing dans le style Paper Mario, les combats de Cris Tales innovent surtout grâce à la manipulation du temps. Si la plupart des autres personnages qui rejoindront Crisbell seront plus classiques, notre héroïne dispose de la possibilité de modifier la temporalité d'une rangée d'ennemis. Ceux à gauche de l'écran peuvent être envoyés dans le passé, et vous l'aurez compris, ceux à droite vers le futur. Certains ennemis peuvent changer selon la temporalité en devenant plus faibles ou plus forts, mais ces changements sont surtout l'occasion d'effectuer des combos puissants. Par exemple, envoyer dans le futur un ennemi empoisonné lui infligera tous les dégâts du poison d'un seul coup. Faire la même chose sur un ennemi mouillé pourra faire rouiller son armure et donc baisser sa défense. Un autre de ses pouvoir permet même de faire revenir un allié ou un ennemi à l'état précédent. Voilà une bonne manière d'annuler un gros buff ou une énorme source de dégâts. Plus classiquement, à force de combats, une jauge de synchro monte et permet une fois pleine d'effectuer une grosse attaque combo avec un autre personnage. Certains personnages peuvent scanner les ennemis pour déceler leurs points faibles ennemis ayant des affinités élémentaires, ils peuvent se regénérer ou résister à certains éléments, ou au contraire les craindre. Mieux vaut alors bien choisir le bon (petite astuce : l'élément Eau est de loin de plus efficace sur l'ensemble du jeu).

Plus c'est long moins c'est bon

Cris Tales est globalement très linéaire. A part la dernière ligne droite, on passe d'un chapitre à l'autre correspondant à chaque fois à une ville et sa petite région. Il ne sera pas possible de revenir en arrière avant la presque fin du jeu, alors essayez de ne rien rater avant de passer à la suite (heureusement un message d'avertissement apparait dans certains cas). Pour avoir la véritable fin du jeu, il faut avoir terminé toutes les quêtes annexes, donc prenez garde. Certains objets sont également uniquement disponibles dans certaines villes. Voilà qui renforce un des gros problèmes du jeu : l'équilibrage. On voit bien que le jeu a été développé par un studio peu expérimenté sur le sujet. Cris Tales propose une aventure globalement assez simple, avec de gros pics de difficulté en particulier (ce qui est étrange) le tout début du jeu. Les objets de soins étant très rares et chers à ce stade du jeu on peut rapidement se trouver bloquer sans y faire attention. Mieux vaut être prudent donc au démarrage au moins jusqu'à ce que Crisbell obtienne un sort de soin. Même par la suite, on alterne des passages un tantinet tendus avec des promenades de santé donnant peu d'expérience et qui s'avèrent plus frustrant qu'autre chose à cause de l'autre gros défaut du jeu (au moins dans la version Switch) : les temps de chargement très longs. A la louche sur la vingtaine d'heure de jeu nécessaire pour terminer le jeu (à condition de battre le boss de fin abusé), comptez bien deux bonnes heures de chargement. Heureusement, le jeu peut s'appuyer sur d'autres points forts qui lui procurent un charme indéniable, à commencer par une direction artistique singulière. Cris Tales est un peu comme une version Art déco de Paper Mario. Le cast de personnages hauts en couleurs - plus profonds qu'on pourrait le croire - joue aussi en sa faveur. Niveau musique aussi, on est rapidement emporté par les compositions dignes des plus célèbres RPG venus du Japon. D'ailleurs pour les amateurs il est possible d'acheter l'OST sur l'Epic Store  ou sur Steam

 

Mon avis à moi

Cris Tales est un titre imparfait, mal équilibré et mal optimisé. Pourtant on ne peut s'empêcher d'avoir une certaine tendresse pour lui. N'oublions pas qu'il est le fruit d'un studio indépendant qui a mis son coeur et sa passion dans son jeu. Il dégage une certaine poésie (à l'instar d'un Child Of Light d'UbiSoft) et propose des mécanismes innovants.

 

A qui s'adresse Cris Tales ?

- A ceux qui veulent déséquilibrer l'équilibre spatio temporel nom de Zeus!

- A ceux qui souhaitent un RPG original

- Aux amateurs de directions artistiques hors norme

 

A qui ne s'adresse pas Cris Tales ?

- A ceux qui n'ont aucune patience

- A ceux qui cherchent un RPG long

- A ceux qui détestent les pics de difficulté

 

 

 

Johann Barnaud alias Kelanflyter