Note : Test écrit à partir d'un code éditeur. Les captures d'écrans proviennent de la page eShop ou de la page Stream du jeu.

Editeur : Chucklefish

Développeur : Pixpil

Date de sortie : 21/09/2021

J'ai toujours envié les gens qui avaient grandi avec la super Nes. Secret Of Mana, Illusion Of Time, The Legend Of Zelda : A Link To The Past… autant de jeux que je rêvais de faire et auxquels je n'ai jamais touché. Pour certains j'ai pu me rattraper sur Game Boy Advance, voire sur Switch avec par exemple Collection Of Mana, mais toujours avec le sentiment de prendre le train en marche, d'arriver après tout le monde, quand toutes les discussions passionnées se sont arrêtées et que les joueurs sont passés à autre chose. Si je vous raconte cela c'est parce que Eastward m'a permis de compenser cette frustration d'enfance, d'avoir l'impression de jouer à un jeu Super Nes en même temps que tout le monde, et de pouvoir hocher la tête avec conviction quand tout le monde chante les louanges de ce jeu qui les mérite.

C'est beau, riche et bien raconté

Eastward nous raconte l'histoire de John - un vieux mineur à la barbe bien fournie - et de Sam - sa fille adoptive trouvée dans une cuve tout au fond d'une galerie minière. Tous deux vivent une vie bien réglée sur l'île cocotte, une ville située en profondeur, bien à l'abri de la surface, présentée comme un endroit mortel. Sans trop en dire, sachez juste que les circonstances forceront notre duo à quitter leur foyer pour aller vers ladite surface. Ils visiteront plusieurs localités, feront de nombreuses rencontres et lèveront le voile sur le miasme, la menace qui plane comme une épée de Damoclès sur ce monde.

Si je me suis limité à ce résumé succinct, pas forcément très vendeur, c'est afin de vous en révéler le moins possible sur l'histoire. Celle-ci est très bien écrite et engageante, même si elle met un peu de temps à démarrer. Ici les histoires ne finissent pas toujours bien, mais elles ne finissent pas pour autant systématiquement mal. Les personnages secondaires ont tous fait l'objet d'un soin particulier. Ils ont une histoire, une personnalité et un objectif. Certains veulent être aimés, d'autres veulent protéger l'être aimé. Les PNJ sont plus basiques, mais ils ont quand même plus de choses à nous raconter que dans la plupart des jeux. Et que dire de notre duo de protagonistes ! Si John fait partie de la famille des héros muets, ses animations, ses actions et les réactions de ceux qui l'entourent suffisent à nous le faire connaître. Et Sam, toujours de bonne humeur et entraînante, s'émerveillant pour un rien et toujours prête à aider les gens ! Tout le monde dans le jeu la trouve mignonne, et je suis de cet avis. On s'attache vite à eux deux et l'envie de les accompagner jusqu'au bout de leur voyage pourrait très facilement vous envahir.

Et pour aider cette narration il y a la beauté du monde qui les entoure. Qui invite au voyage et donne envie d'en voir plus, malgré les menaces et les tragédies qui peuvent frapper à tout moment. Eastward est un jeu magnifique, avec une direction artistique soignée. Chaque endroit donne envie d'être exploré, et on est impatient de découvrir les zones qui nous attendent dans la suite du jeu. Les animations sont tout aussi travaillées, avec une minutie d'orfèvre. Quand je dis que John parvient à avoir de la personnalité grâce à elles, je ne plaisante pas. Le voir s'inquiéter pour Sam, voir cette dernière sauter de joie à l'idée de se voir offrir une paire de bottes, voir une femme amoureuse désireuse de capter l'attention de son aimé, toutes les émotions sont très bien retranscrites. Du coup même si les personnages secondaires ont un intérêt scénaristique variable selon leur implication dans le récit, ils arrivent quand même à avoir tous l'air réels. Même les plus insignifiants ont l'air d'avoir une histoire. Notons aussi quelques détails qui ont l'air de rien mais qui apportent un vrai plus : Aucun doublon dans les modèles des PNJs, de vraies lignes de dialogues pour tout le monde, et des PNJs qui changent de place dans leur ville au fur et à mesure que l'histoire avance. Tous ces petits rien rendent le monde de nos héros vraiment vivant, à tel point que même au bout des 20-25 heures nécessaires pour finir le jeu, on en reprendrais bien pour 5 ou 10 supplémentaires.

Je finirai sur la musique qui est une franche réussite et accompagne toujours bien l'action et le scénario. Certains morceaux sont vraiment marquants et la plupart du temps il savent rendre les combats de boss épiques, ou rendre touchants les moments d'émotion. Certains morceaux méritent d'être écoutés, juste pour le plaisir de se rappeler de toutes les scènes auxquels ils sont liés.

Jouer à plusieurs, mais tout seul

Pendant tout le jeu vous serez au contrôle aussi bien de John que de Sam. Chacun a ses caractéristiques : John est le gros bras, capable de traîner les objets lourds, se battant avec sa fidèle poêle au corps-à-corps, et avec des fusils ou lance flamme à distance ; Sam est capable d'utiliser des pouvoirs spéciaux, capables de paralyser les ennemis (sauf les boss) ou d'interagir avec certains éléments du décor. Les combats seront majoritairement gérés avec John, même si le pouvoir paralysant de Sam peut être très utile. Les énigmes par contre devront être résolues avec les deux personnages. La grande majorité nécessite de passer de l'un à l'autre, voire de les séparer pour leur faire faire certaines actions chacun de leur côté. On est ici dans un jeu solo en coopération (sachant que le jeu n'offre pas la possibilité de jouer avec un second joueur). La réflexion reste assez facile car les énigmes ne vont jamais au bout de leur concept et restent toujours très simples et accessibles. Je serais surpris que vous butiez sur l'une d'entre elle.

Par contre les combats sont plus relevés, notamment car les ennemis peuvent se montrer assez agiles et vous enlever pas mal de vie par coup. Ce n'est pas la partie la plus réussie du jeu car la moitié des monstres que vous rencontrerez ont un pattern qui peut se résumer à « vous foncer dessus », du coup soit vous voulez combattre de façon propre et ça risque de durer pas mal de temps, soit vous bourrez les coups en limitant les dommages au minimum, car un ennemi qui meurt vite c'est un ennemi qui tape moins souvent et une phase de jeu qui devient pénible moins vite.

Les armes les plus utiles dans ces moments sont les armes à distance de John, qui nécessitent toutes des munitions. Se battre avec la poêle est tout à fait possible (j'ai fait la majorité du jeu avec, en combinaison avec le pouvoir paralysant de Sam), mais quand le jeu vous met à disposition un petit robot capable de vous donner des munitions avec un temps de recharge de quelques minutes, il est inutile de se montrer trop économe. De plus le jeu devient très vite avare en cœurs, mais je pense que c'est pour vous forcer à utiliser la cuisine. Vous récolterez des ingrédients dans les donjons et les extérieurs, ou vous les achèterez en ville, et ensuite vous les mélangerez pour créer des plats aux effets variés. Très vite ces plats deviendront votre source principale de soins. D'autant que la santé est partagée entre Sam et John, ainsi que les collisions. Une grande partie des dégâts que j'ai pris venaient de mon second personnage, resté dans mon dos, mais toujours vulnérable. Et le prendre en compte en plein combat n'a rien d'instinctif.

Les combats n'ont rien d'atroce ni de rébarbatif, mais ils sont vraiment la partie la moins réussie du jeu, sauf contre les boss qui offrent de vrais combats stratégiques et prenants, comme si tout avait été fait pour ces moments en particulier. Et encore même ainsi, le fait d'avoir deux zones de collision pour deux fois plus de dégâts font que certains écrans de game over ne sonnent pas très juste.

Note de l'auteur : J'en profite aussi pour signaler que si le jeu est fluide à tout moment, j'ai eu une chute de framerate permanente contre un boss, le poisson sismique. Le jeu a ralenti pendant tout le combat, puis après ma victoire tout est revenu à la normale. J'espère que ce sera patché. Sinon pas d'inquiétude, c'est très pénible mais ça n'arrive qu'une fois.

Vers l'Orient, toujours vers l'Orient

Pour parler du level design sachez qu'il est assez dirigiste. Les zones extérieures sont déconnectées les unes des autres et servent surtout à nous permettre d'aller dans les différents donjons. Elles sont de taille raisonnable : on les parcourt en moins d'une heure, et il est facile de rusher vers une destination une fois le chemin connu. Les donjons sont eux beaucoup plus long. Voire trop, car on sent qu'ils ont clairement été étirés. Certains commencent à lasser vers la fin. Mais ce n'est pas bien grave car la majorité du temps que vous passerez dedans sera agréable, grâce à un dosage entre énigmes et combats plutôt équilibré. Soyez prévenus que le jeu est tellement dirigiste qu'à plusieurs moments vous changerez de zone et vous n'aurez jamais la possibilité de revenir dans les zones précédentes. En activité annexe vous aurez juste la recherche de toutes les recettes de cuisine (pour ceux que ça intéresse), la recherche des quarts fragments de cœur et Earthborn, un mini jeu vidéo dont Sam est une grande fan, qui se joue comme un Dragon Quest et est lié à la quête principale de façon beaucoup plus poussée qu'on ne pourrait le croire. Par contre ce mini jeu annexe est assez dur.

En conclusion Eastward est un excellent jeu. C'est presque un hommage à tous les action-RPG de l'époque Super NES dans ce qu'ils faisaient de meilleur. Une petite capsule temporelle qui ravivera de beaux souvenirs à tous les trentenaires ou quarantenaires qui veulent se rappeler de leurs émerveillements devant les jeux cités en introduction, et un très bon jeu qui créera des souvenirs à tous les autres joueurs qui veulent une aventure émouvante et marquante. Certes les combats ne sont pas une grande réussite, mais l'ensemble reste bien ficelé et tellement marquant qu'il serait dommage de passer à côté. Une fois fini il me manquait déjà. Pour un premier jeu du studio Pixpil, c'est un coup de maitre, et j'attends avec impatience de voir ce qu'ils feront à l'avenir.

Ce jeu est pour vous si :

- Vous aimez les histoires poignantes et bien construites

- Vous aimez les jeux dirigistes qui vous contraignent régulièrement à suivre une voie donnée pour ne pas ralentir le rythme de l'intrigue

- Vous aimez l'idée de faire des énigmes en coopération, sans avoir besoin d'un second joueur

Ce jeu n'est pas pour vous si :

-  Vous voulez un système de combat complexe et précis

- Vous voulez explorer un monde sans que le jeu ne vous remette sur les rails à la moindre tentative d'indépendance

- Vous êtes allergiques aux longues séquences de dialogue, surtout quand on vous fait ensuite marcher sur deux écrans pour en relancer une

Test réalisé par Luciole