Par un temps sombre et pluvieux, un char avance en détruisant tout sur son passage. Véritable forteresse mécanique, monstre de métal qu'aucune technologie n’arrête, il ne stoppera pas avant d'avoir atteint son objectif : un petit village campagnard du pays de Gasco, dont les habitants sont en train de se faire emporter par l'armée de l'empire Berman, leur voisin, en pleine conquête. A bord, l'équipage est composé de six enfants. S'étant enfuis pendant la rafle, ils se sont cachés dans une grotte, guidés par une voix à l'origine mystérieuse sortant d'une radio, et ont ainsi découvert le Taranis, un des derniers vestiges du monde d'antan. Ainsi commence leur quête pour retrouver et sauver leurs familles.

Ce pitch de départ résume bien l'ambiance du jeu de Cyberconnect2. Dans Fuga : Melodies Of Steel, nos héros sont tous extrêmement jeunes, avec des âges allant de 4 à 12 ans, et vont devoir combattre la puissante armée de Berman, avec tout ce que cela implique comme horreurs. Heureusement le Taranis leur servira à la fois d'arme surpuissante et de maison. Et cela ne sera pas de trop contre l'armée Berman, avec ses officiers sans pitié et même quelques armes expérimentales.

L'histoire est efficace, à la fois douce et sombre, et les événements s’enchaînent de façon fluide. Elle sait rester simple et vous maintenir en haleine pendant les 15 heures nécessaires pour en voir le bout. C'est très bon, c’est traduit en français et ça fait plaisir. Par contre elle n'atteint pas les sommets de l'excellence à cause de plusieurs points. Tout d'abord il n'y a presque aucune mise en scène, et venant du studio qui nous a sorti Asura's Wrath, c'est vraiment triste. Ensuite la moitié de l'histoire est racontée par une voix off, plutôt que par des dialogues entre personnages, et ça devient assez vite forcé. En plus les antagonistes ne sont pas du tout développés, et on doit surtout se contenter du fait que l'empire Berman est inspiré de l'Allemagne nazie de façon pas du tout subtile.

Non ! Le vrai point fort de l'histoire, qui donne envie de continuer à jouer et de voir la fin, ce sont les enfants, tous sans exception sont LA réussite du jeu pour moi. Ils sont tous très attachants, avec leur personnalité propre, même si certains clichés sont quand même éculés depuis longtemps (le gros qui ne pense qu'à manger, même moi je trouve ça lourd à force), et vous finirez par avoir vos préférés. Mais plus vous vous attacherez à ces adorables bambins, lancés malgré eux dans une guerre qui les dépasse juste pour sauver ceux qu'ils aiment, et plus vous vous mettrez à redouter de devoir utiliser l'arme la plus puissante et la plus terrifiante du Taranis : le canon des âmes. Cette abomination est d'une puissance démesurée, et accessible lors des combats de boss dès que la vie du Taranis passe en dessous d'un certain seuil. L'utiliser revient à gagner le combat automatiquement. Le problème étant qu'il ne fonctionne qu'en échange d'une vie. Vous avez bien compris : il vous faudra sacrifier l'un des enfants. Définitivement.

Si vous êtes sain d'esprit, vous refuserez de vous en servir, d'autant que sans surprise vous avez trois fins possibles. Une où tout le monde survit, une où vous avez sacrifié des enfants, et une autre où tout le monde est mort. Cependant finir le jeu sans sacrifice s'annonce être un défi assez corsé : si les ennemis de base ne sont pas trop difficiles, on ne peut pas en dire autant des boss, qui sont de vrais murs de difficulté et nécessitent une bonne préparation. Clairement ne pas faire de sacrifice et gagner proprement, ça se mérite ici, d'autant que le jeu sauvegarde automatiquement votre partie et qu'il est impossible de faire une sauvegarde manuelle. N'espérez donc pas charger une partie moins avancée pour corriger vos erreurs. Ici vous devrez assumer ou recommencer une partie du début.

Par contre si la difficulté vous fait peur ne fuyez pas pour autant : premièrement une fois le jeu fini vous pourrez lancer un New Game + en récupérant telle quelle votre puissance de fin de partie, rendant votre seconde tentative très simple en comparaison ; deuxièmement il est parfaitement possible d'obtenir la bonne fin dès la première partie en prenant les chemins les plus risqués afin de maximiser ses récompenses, c'est ce que j'ai fait et je n'ai pas vraiment rencontré de difficultés (certains combats nécessitent juste de rester concentré).

 Le jeu se compose de plusieurs niveaux qui suivent tous le même schéma sans exception : d'abord une phase dans un village, puis une phase de combat qui se termine par un boss, fin du chapitre, puis on recommence.

A partir du point de départ, le Taranis avance sur des rails, sur lesquels sont disposés à intervalles réguliers des événements de plusieurs type : batailles contre des unités ennemies (le plus fréquent), régénération de vie ou de points de compétence (pour déclencher des coups spéciaux), récupération de matériaux, découverte de ruines et interludes. L'avancée est automatique et vos interactions se limitent à choisir quel chemin vous souhaitez prendre lors d'intersections. Certains chemins sont plus sûrs, mais rapportent peu d'expérience et de matériaux, tandis que d'autres sont plus dangereux, avec des combats qui peuvent être longs et difficiles, mais rapportent plein d'expériences et des matériaux plus précieux en plus grand nombre. A vous de choisir quel chemin vous souhaitez prendre en fonction du niveau des enfants et de l'état global du Taranis. Prendre un chemin dangereux quand vous êtes en mauvais état n'est pas toujours une bonne idée, mais ne jouer que la sécurité vous garantit une « très mauvaise surprise » à terme (tousse tousse canon des âmes). Notons qu'une carte en haut de l'écran vous permet de savoir ce qui vous attend sur chaque chemin, et qu'aucun chemin n'est assez long pour qu'une partie soit hors carte. Du coup peu importe votre choix, aucune mauvaise surprise ne vous attend.

Parlons tout de suite des combats, vu que c'est sur eux que vous passerez la majorité de votre temps. Le Taranis est équipé de trois types d'armes : la mitrailleuse (bleue), peu puissante mais très précise, idéale pour les unités volantes, le canon (rouge), puissant mais peu précis, plus pensé pour les unités lourdes et résistantes, et le lance grenade (jaune), qui est entre les deux en terme de puissance et de précision, adapté aux tanks légers. Chaque enfant est associé à l'une de ces trois armes, et il faudra les placer sur les trois postes de tir en fonction de vos besoins. Sachant que la taille de votre groupe pourra monter à 12, il est parfaitement possible à terme d'aligner trois armes identiques, ou d'avoir un arsenal un peu plus varié. De plus, chaque enfant possède une aptitude de soutien qui lui est propre et dont il peut faire bénéficier un tireur s'il lui est associé. En fonction de la configuration ennemie vous allez donc pouvoir créer trois binômes parmi un grand nombre de possibilités.

Les combats se déroulent au tour par tour, selon un ordre d'action visible sur une ligne temporelle qui rappellera de bons souvenirs à ceux qui ont joué à Grandia. Vous pouvez voir l'ordre dans lequel chacun va jouer, sachant qu'il est possible de modifier cet ordre. En effet chaque ennemi se verra attribuer un ou plusieurs symboles d'une des trois couleurs citées précédemment. Si vous l'attaquez avec une arme de la couleur d'un des symboles, ce dernier disparaîtra. Une fois tous les symboles d'un ennemi enlevés, son tour se verra retardé. Cette propriété est très importante pour gérer le combat et limiter les dégâts que vous encaissez. En parallèle de cette mécanique on a des ennemis qui possèdent un blindage réduisant fortement les dégâts encaissés, qu'il faudra faire baisser sous peine d'avoir l'impression d'avoir affaire à de vrais sacs à PV. A cela s'ajoute que chaque enfant peut utiliser des compétences aux effets variés (soins, attaques de zones, debuffs, diminution du blindage ennemi,...), dont la liste grandira au fur et à mesure des montées de niveaux.

Dans la pratique les combats sont simples à prendre en main, et assez complexes pour éviter le syndrome « je prends la combinaison la plus efficace et je n'en change pas ». Ici vous changerez régulièrement votre équipe en fonction de l'équipe adverse. Ils sont très intéressants et nécessitent une attention constante, surtout si vous prenez les chemins les plus dangereux, ce que de toute façon je recommande pour l'expérience et les matériaux qui sont vraiment nécessaires pour ne pas souffrir contre les boss. Par contre, vu qu'ils prennent une part très importante du temps de jeu, ils finissent quand même à force par devenir redondants. On a vite fait le tour des ennemis et à partir de la moitié du jeu un sentiment de lassitude peut s'installer à cause de l'absence de nouveauté dans les situations rencontrées.

Dans chaque niveaux vous trouverez également l'autre partie importante du jeu : les interludes. Il s'agit de phases de repos pendant lesquelles vous pourrez vous promener dans le Taranis. Il vous sera donné un capital de 20 points d'action pour faire différentes actions de coût variable (entre 1 et 5 points) comme :

  • améliorer les armes et le blindage du Taranis. Pour cela vous aurez besoin des matériaux récupérés sur lors de l'avancée du Taranis ou à la fin des combats

  • pêcher de la ferraille pour obtenir des matériaux supplémentaires. Pratique quand il vous manque un ou deux matériaux pour une amélioration nécessaire

  • cuisiner des plats pour obtenir des buffs permanents jusqu'au prochain interlude. Très utile dans les faits

  • cultiver des fruits et légumes car cuisiner ça nécessite des ingrédients

  • faire dormir les enfants pour obtenir de l'expérience et soigner les blessures

  • visiter des ruines. Pour cela vous devrez d'abord les avoir découvertes sur la carte. Ensuite vous pourrez y pénétrer pour récupérer des matériaux précieux. Au début on croit qu'il va s'agir d'exploration (vu qu'on doit utiliser une arme pour tirer sur des ennemis et casser des éléments du décor), mais en vrai il s'agit surtout de puzzle qui nécessitent beaucoup de réflexion et un tout petit peu de skill. Et en plus ils sont assez simples dans l'ensemble.

  • faire parler les enfants entre eux pour développer leur affinité. Très très important. L'affinité monte assez vite et le premier dialogue se débloque très facilement. Sachant que faire cela permet de débloquer une attaque combinée en combat, variable selon les duos qui combattent, mais toujours très puissante (elle nécessite quand même de charger une jauge dédiée, sinon ce serait trop facile) ce serait vraiment dommage de s'en priver. En plus monter l'affinité permet aussi d'amplifier les bonus que chacun apportera à l'autre une fois placé en soutien lors de combats. Et les dialogues permettent de mieux connaître votre équipage. Notons d'ailleurs que mettre des unités en soutien pendant les combats montera aussi leur affinité.

A chaque interlude chaque enfant demandera de faire une activité spécifique, qui le mettra de bonne humeur et lui permettra de déclencher en combat un mode héroïque apportant des bonus bien sympas pendant plusieurs tours (compétences gratuites, vitesse d'attaque triplée, tous les coups sont critiques,...). Notons aussi que les interludes servent de checkpoint, auxquels vous pourrez revenir si vous perdez (pratique quand vous voulez passer un boss sans recourir au canon des âmes, et personne ne vous jugera).

Terminons cette (longue) présentation du gameplay en précisant qu'avant chaque niveau vous pourrez visiter un village pour faire du troc de matériaux, récupérer un ou deux objets de soin et obtenir les pages d'une bd à compléter au fur et à mesure de l'histoire. Sympa sans plus.

Finissons sur la technique : les graphismes sont très réussis, les niveaux sont beaux et le Taranis a fait l'objet d'un soin particulier dans son animation. La direction artistique est belle à voir et s'inscrit dans la lignée de Solatorobo : colorée, et qui flatte la rétine. Le jeu est très fluide, mais en même temps le contraire aurait été étrange. Les animations des ennemis en combat sont très simples, toute l'histoire est présentée à l'aide d'images fixes. Bref c'est beau mais ce n'est pas une claque graphique pour autant. Les musiques sont bonnes sans être marquantes, à part la musique de fin et les musiques des boss, qui sont de franches réussites et nous impliquent bien dans cette atmosphère à la fois belle et tragique.

 

 

Fuga Melodies of Steel est le premier jeu de Cyberconnect2 auto édité, et cela se sent, notamment dans le côté « jeu AA ». Néanmoins si les ambitions sont restées raisonnables, afin que le budget de développement le soit aussi, tout ce qui est fait est maîtrisé. C'est un jeu imparfait, mais dont on pardonne facilement les défauts au vu de tout ce qui nous est offert à côté. Tout comme ses héros, ce jeu est très touchant et nous fait ressentir à chaque instant son envie de bien faire. L'ensemble fonctionne et nous implique vraiment dans le destin de ce groupe. Et pour ma part il m'a donné envie de faire Solatorobo. Si je peux prolonger mon voyage dans ce monde rempli de chats et de chiens anthropomorphes je ne vais pas me priver

 

 

Ce jeu est fait pour vous si :

  • Vous aimez les histoires à la fois belles et tragiques

  • Vous aimez quand un jeu va droit à l'essentiel, sans perdre son temps en activités annexes

  • Vous cherchez un jeu de l'été qui vous marquera pour un moment

  • Vous avez aimé Solatorobo

Ce jeu n'est pas pour vous si :

  • Vous aimez qu'une histoire soit servie par de la mise en scène et des cinématiques, surtout lors des passages marquants. Ah et aussi des méchants dignes de ce nom, avec une vrai histoire et de la présence
  • Vous vous lassez assez vite quand les niveaux commencent à se ressembler
  • Vous n'aimez pas l'idée d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête sans possibilité de rattraper vos erreurs

 

 

 

Test par Luciole