Ah ! Les Visuals Novels ! Un genre qui remonte aux débuts du jeu vidéo, mais qui est longtemps resté confiné au Japon. Rares étaient les œuvres à arriver chez nous Européens. C'est un type de jeux qui n'a jamais vraiment cartonné, et restera très certainement mineur, loin de pouvoir égaler des scores comme certains FPS ou RPG. Puis les vannes ont fini par s'ouvrir petit à petit et l'accès à ces œuvres est devenu plus simple, sans avoir à passer par de l'import US ou JP. A tel point qu'aujourd'hui la Switch devient une plateforme avec un catalogue plutôt fourni, même si le PC reste toujours devant. Et pour inaugurer ce genre, DTU a choisi de vous parler de ROOT Film (de KadoKawa Games, PQube et distribué par Just For Games), une enquête policière qui se déroule dans la province de Shimane au Japon.

Je précise tout de suite que le jeu a été testé sur PS4 à partir d'un code éditeur, mais après enquête il semblerait qu'il n'y ait aucune différence avec la version Switch, à part que cette dernière est mieux adaptée au genre vu qu'elle permet de lire où vous voulez, gagnant par là même un côté « livre de poche » pas désagréable.

S'il y a presque toujours une composante gameplay, plus ou moins importante, voire dans certains cas carrément absente, on reconnaît un Visual Novel au fait qu'il y a une quantité très importante de texte. Allergiques aux dialogues à rallonge des RPGs, passez votre chemin. Root film ne déroge pas à la règle en nous proposant pour 20 heures de lecture, qui nous racontent deux histoires.

La principale met en scène Rintaro Yagumo, un réalisateur de petits films qui gagne sa vie comme il peut. Un jour se présente à lui une opportunité en or : travailler sur la relance d'un projet abandonné 10 ans auparavant dans des circonstances mystérieuses. A peine a-t-il accepté qu'il va devoir enquêter sur les circonstances en question, qui vont se révéler bien plus complexes qu'au premier abord.

La seconde histoire, plus courte, met en scène Riho, une actrice débutante, qui va se retrouver mêlée à plusieurs meurtres. La demoiselle étant fan des romans policiers se fera un devoir de résoudre les affaires rencontrées.Précisons dès maintenant que l'histoire est en anglais (comme la majorité des Visuals Novels qui sortent chez nous, jeux de niche en occident avec masse de texte oblige). Si vous pouvez lire des articles en anglais sur le net vous n'aurez aucun soucis, mais au moins vous voilà prévenus.

Si les deux histoires semblent indépendantes l'une de l'autre au premier abord, on découvrira au final qu'elles se rejoignent pour former un tout. Et ça tombe bien car si dans un visual novel l'histoire est vraiment au centre de l'expérience, celle de Root Film est vraiment réussie et bien rythmée entre les moments graves, les moments de tension, les inévitables moments d'introduction au contexte d'avant meurtre, et les moments plus légers, entre vie quotidienne, gestion d'un projet de film, et touches d'humour. Les personnages sont tous très attachants, ont tous un chara design permettant de les reconnaître immédiatement (ce qui n'est pas toujours une garantie dans le genre), et si les personnages secondaires ont une personnalité assez simple, ce n'est pas le cas de notre équipe de héros qui évitent tous l'écueil du personnage monodimensionnel. Mention spéciale à Magari, l'assistante de Yagumo, avec sa répartie cinglante, mais sur qui il pourra toujours compter.

Il faut savoir que l'histoire nous donne toujours toutes les informations nécessaires pour résoudre les enquêtes par nous-même. Rien ne nous est caché. Le bon point c'est que ça évite les moments où vous êtes bloqués en attendant que le scénario daigne faire entrer un personnage qui vous transmettra une information nouvelle et toujours étrangement pratique (A titre personnel je ne suis vraiment pas fan de ces moments visant à créer un suspens artificiel). Le revers de la médaille c'est qu'il est très facile de griller pas mal de révélations en avance, et ça c'est toujours dommage pour une histoire policière.

Dans la forme, notons que les deux histoires sont séparées en plusieurs chapitres, eux-mêmes séparés en plusieurs sous-chapitres. Idéal pour jouer aussi bien par sessions courtes ou longues, au choix.

 

Précisons que nous avons ici une histoire très linéaire : pas de fins multiples ou de choix déterminants qui influent sur l'aventure. Le joueur est actif, mais son implication consiste surtout à trouver les événements qui feront avancer l'aventure.

Il s'agit ici de la première partie du gameplay : pour faire avancer l'histoire, le joueur devra choisir un lieu sur une carte, et une fois arrivé il faudra interagir avec des lieux ou des personnages. Chaque interaction donne lieu à une petite séquence de lecture. Parfois cela est utile à l'histoire, parfois cela est l'occasion d'avoir quelques scènes en plus pas indispensables pour l'histoire mais qui restent agréables à lire. Si le jeu est parfois clair sur la destination ou l'intention de nos héros, il est parfois plus flou, nous laissant le soin de fouiller tous les lieux pour découvrir la suite. C'est d'ailleurs parfois l'occasion de quelques blocages, car certaines des interactions dont nous avons parlé précédemment nécessitent d'être répétées plusieurs fois, par exemple pour suivre une conversation jusqu'au bout. Du coup quand on ne sait pas trop quoi faire, on peut se retrouver à cliquer au même endroit jusqu'à être sûr d'avoir épuisé toutes les options, afin de le rayer de la liste des choses à faire et de recommencer ailleurs. Pourquoi ne pas avoir tout raconté dès la première fois ? Dommage.

Les dialogues ou la découverte d'indices se feront automatiquement et seront l'occasion de découvrir un talent commun à nos deux héros : la synesthésie. En gros, quand ils découvrent une information capitale, celle-ci se met à clignoter devant leurs yeux. Le joueur devra alors appuyer sur un bouton pour la stocker en mémoire, en prévision de la seconde partie du gameplay : les phases d'interrogatoire.

Ces phases vous feront penser à Ace Attorney, en plus simple. Quand Yagumo ou Riho doivent confronter quelqu'un, une séquence se lance lors de laquelle notre héros ou héroïne expose sonn argumentaire. A plusieurs moments clefs, le joueur devra sélectionner une information parmi plusieurs disponibles pour répondre aux contre arguments de notre adversaire et lui rabattre son caquet. Deux barres se situent en haut de l'écran lors de ce petit jeu de versus : une barre de notre côté, unresolved (non résolue) qui se rempli lors de nos erreurs et truth revealed (vérité révélée) qui se remplit à chaque bonne réponse. Si la barre unresolved se remplt en premier, rien de grave, vous perdez et devez recommencer l'interrogatoire (pas de panique, ils sont assez courts et se finissent après 3-4 bonnes réponses). Si la barre truth revealed se rempli t en premier, vous avez cloué le bec à votre adversaire et pouvez assister à ses aveux.

Après toutes ces explications, vous aurez compris que le gameplay est présent tout au long de l'aventure, mais reste très léger. Pas d'action, pas de choix marquant à faire, il y en a juste assez pour vous maintenir impliqué sans risquer de vous bloquer. Il est d'ailleurs impossible de perdre.

Finissons sur la partie graphique. Et là encore c'est une franche réussite. Root Film est composé de nombreux plans fixes sur lesquels on peut voir les personnages. Chaque plan est superbe, et surtout ils sont variés, nous faisant voyager dans plusieurs destinations. On n'est pas bloqué dans un seul lieu et ça fait plaisir d'avoir une telle diversité dans les visuels. Le jeu est une excellente promotion pour la province de Shimane. Si un jour je fais un voyage au Japon, il est possible que j'y fasse un crochet. Bien joué jeu! Bien joué! Pour les personnages, comme je l'ai dit plus tôt, ils sont tous différents les uns des autres dans leur visuel. Et s'ils ne sont pas animés, ils ont droit à une grande palette de postures, permettant de les rendre vivants lors des dialogues. Ça n'a l'air de rien dit comme ça, mais à titre personnel je trouve que ce genre de détail rend plus facile l'attachement qu'on peut avoir pour eux. En plus ils sont tous doublés de façon convaincante. Que demande le peuple ?

Pour ce qui est des musiques, rien de spécial à dire. Elles ne marqueront personne, mais elles vous mettent dans l'ambiance et sont toujours dans le ton. Elles aident à immerger le joueur/lecteur dans l'histoire, et c'est bien suffisant.


Mon avis à moi

Les visual novels sont une expérience que quiconque aime lire devrait tenter au moins une fois. La difficulté venant de la grande diversité d'expériences que l'on peut trouver. De mon côté je dirai simplement que si vous aimez le genre policier, Root Film est un excellent titre qui devrait combler vos attentes. Une bonne histoire (même si un peu prévisible), de beaux décors, des personnages bien écrits et intégralement doublés en font un titre que je recommande à quiconque veut se lancer dans l'aventure. A condition d'accepter d'avaler des heures et des heures de lecture en anglais. Si ce n'est pas le cas, il est probable que Root Film, et le genre du visual novel en général, vous rebute pendant encore très longtemps.

 

Vous aimerez ce jeu si :

  • Vous aimez lire
  • Vous aimez les intrigues policières
  • Vous aimez lire
  • Vous aimez les histoires de jeux vidéos qui impliquent parfois de fouiller pour débloquer la suite
  • Vous aimez lire. J'insiste.

 

Vous n'aimerez pas ce jeu si :

  • Vous êtes un monstre sans cœur, sans âme, sans respect et sans goût qui n'aime pas lire. Sentez la pluie de mon mépris vous arroser du haut de mon regard accusateur. Monstre !
  • Pour vous un jeu c'est avant tout du gameplay, le scénario c'est un prétexte
  • Vous ne lisez pas l'anglais.

 

Test par Luciole