Un jeu de guerre perturbé par la guerre


Peu de personnes le savent mais Advance Wars n’est pas le tout premier jeu de la série, connu pour être un titre phare de la Game Boy Advance, mais fait partie de la série que l’on surnomme « Nintendo Wars ».
Son ancêtre, sorti sur Famicom, s’appelait à juste titre Famicom Wars, ensuite il y a eu les Game Boy Wars et puis Super Famicom Wars sur leur consoles respectives. Ces jeux ne sont sortis exclusivement qu’au Japon et posent les bases du genre sur les consoles Nintendo.
La version Game Boy Advance était le premier jeu de la série prévu pour sortir mondialement et arrive d’abord aux états unis la veille du 11 septembre 2001… La sortie européenne est donc retardée de plusieurs mois tandis que la sortie japonaise est tout simplement annulée ! Ce n'est que 3 ans plus tard, que les Japonais pourront enfin jouer sur GBA avec une cartouche qui regroupe le 1 et le 2 (Game Boy Wars Advance 1+2).
Je ne m’attarderai pas sur les épisodes Gamecube et Wii (Battalion Wars) qui sont des STR d’une autre série d’un autre développeur que Intelligent Systems (Kuju / HeadStrong Games).
A croire que le titre est maudit mais c’est l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui va encore repousser la sortie mondiale du remake sur Switch … et on dit que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit !

Le gameplay tour par tour, entre tradition et désuétude assumée


A une époque où les consoles/PC étaient encore très limités en performance, le tour par tour était parfait pour que joueurs et machines prennent leur temps pour jouer et se répondre dans des situations complexes. En effet, la partie s’apparente à une immense partie d’échec où les pions sont bien plus nombreux et remplacés par de l’infanterie, de l’artillerie et de la cavalerie, le damier est une carte avec des villes à défendre, des routes, forêts, des reliefs donnants des avantages stratégiques.
Si on ajoute à cela le brouillard de guerre qui restreint votre vue globale du plateau de jeu, les variables sont tellement nombreuses et peuvent retourner facilement une situation que cela nécessite un temps de réflexion avant de jouer le prochain coup.

Même si le genre existe toujours et s’est largement diversifié avec le 4X (Civilization) ou bien le tactical RPG avec des unités uniques dont les caractéristiques évoluent au cours du jeu (comme Fire Emblem du même développeur Intelligent Sytems), Advance Wars reste avec la même recette originale en apportant une touche de nouveauté comme les pouvoirs spéciaux des généraux (j’y reviendrais).

Comme une immense partie de Chifoumi, chaque unité à un avantage sur un type d’adversaire mais sera fragile vis-à-vis d’un autre.
Peu coûteuse, l’infanterie, unité de combat directe (permet d’attaquer une unité adjacente juste après un déplacement sur un même tour), est faible mais peut se déplacer sur tous les types de terrain. Ce sont les seuls qui peuvent capturer une place forte (QG, ville, usine, port ou aéroport).
La cavalerie (recon et tank) est l’unité parfaite pour le combat direct avec une bonne distance de mouvement.
L’artillerie unité de combat indirect (tire ou se déplace sur un tour) atteint des cibles sur de longues distances mais ne peut pas faire de combat direct.
Le VTB, unité de transport, ne permet pas d’attaquer mais peut transporter une unité d’infanterie sur de longue distance et recharger en munitions et carburant les unités juste à côté.
Il y a aussi les unités marines pour le combat en mer, ainsi que les hélicoptères et avions pour la maitrise du ciel, sans compter leurs contre-mesures (DCA)
Volontairement, je ne fais pas l’éventail complet des unités car le jeu les met en scène au fur et à mesure avec de petits tutoriels intégrés aux missions.
L’emplacement d’une unité peut donner un bonus défensif entre 0* (route) et 4* (montagne) en contrepartie d’un déplacement plus limité.
Chaque unité à 10 pts de vie, une valeur de déplacement maximale, une quantité de carburant et de munitions. Les villes capturées permettent de récupérer 2 points de vie par tour à l’unité qui y stationne mais aussi donnent de l’argent à chaque tour. Cet argent permet de construire de nouvelles unités dans les usines, ports ou aéroports capturés et d'agrémenter votre armée en fonction de la menace ennemie.

1+2 mais l’un après l’autre

Même si vous avez déjà jouer aux opus sur GBA, ne vous attendez pas à vous jeter d’emblée sur le Black Hole Rising. Il faudra en effet respecter la chronologie en commençant obligatoirement par le 1 et finir la campagne avant.
Au début, vous incarnerez Andy, jeune général de la nation Orange Star. C’est le personnage parfait pour faire l’ensemble du jeu. Ses unités sont équilibrées et son pouvoir spécial permet de soigner toutes ses unités de 2 points de vie. Certaines missions vous permettront de gérer Max, le général spécialisé en combat direct, ses unités au corps à corps sont plus fortes et son pouvoir renforce l’attaque et la défense de ses troupes … mais en contrepartie, ses unités d’artillerie ont une portée moindre que les autres généraux. SAmi est le troisième général d’Orange Star, spécialisée dans l’infanterie. Ses unités vont plus loin et capturent une ville plus vite. Son pouvoir accentue ses effets.
En affrontant les nations de Blue Moon, Yellow Comète et Green Earth, vous affronterez leur binôme de généraux respectifs qui ont chacun des pouvoirs spécifiques. Ce pouvoir peut se déclencher après avoir monté au maximum une barre en fonction des exploits réalisés sur le champ de bataille. Surveillez bien la progression de la barre de l’adversaire … Attention au retournement de situation !
Les objectifs des missions sont variés et même parfois multiples. Une partie peut être gagnée soit en éradiquant tous les adversaires de la map ou bien en vous emparant du QG adverse. Certaines missions (les plus difficiles à mon avis) sont limitées dans le temps et doivent être bouclées en un nombre de jours maximum.

Une note sur 300 vous sera attribuée en fin de partie en fonction de la vitesse, force et technique (100 pts chacun), ainsi qu’un rang (S, A, B, C, ou D). Les points acquis peuvent s’échanger à la boutique de Hachi contre des cartes supplémentaires pour jouer contre l’IA ou en multijoueur, des thèmes musicaux, des illustrations ou bien des généraux conquis pour exploiter leurs pouvoirs.


Une fois l’Advance Wars 1 terminée, vous pourrez enfin lancer la campagne de Black Hole Rising et là vous ne manquerez pas l’occasion de jouer avec l’ensemble des généraux combattus dans le premier opus.
Parmi les nouveautés, chaque pays aura un nouveau général en plus des 2 anciens déjà connus. Il n’en faudra pas moins pour affronter les 3 nouveaux généraux de black hole.
Les pouvoirs des généraux sont subdivisés en « pouvoir » et « super pouvoir », le super donnant un meilleur avantage sur le standard mais sera plus long à remplir et arrive moins souvent au cours d’une partie …
Un nouveau tank fait aussi son apparition, à condition de remplir un objectif spécial dans certaines missions.
Les maps du 2 sont bien plus grandes et les batailles peuvent vite devenir épiques pour s’installer dans la durée.

C’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe !

Le succès commercial des jeux GBA, qui a laissé de très bons souvenirs dans l’esprit des joueurs de l’époque, est à l’origine de moulte répliques que les développeurs préfèrent présenter comme un hommage (Wargroove ou Warside prochainement) que comme une copie. Il n’était pas illogique de la part de Nintendo de laisser le champ libre sans faire un remake de ces propres jeux !
C’est Wayforward (Shantae) qui s’y est collé avec panache. L’équipe a respecté les jeux originaux, les maps, dialogues et difficultés sont identiques. Les débutants pourront choisir le mode « facile » qui permet de commencer chaque partie avec plus de ressources mais la difficulté globale des combats restera identique.
Sur GBA, on pouvait sauvegarder à tout moment et y revenir en cas de bourde dans le déplacement de vos troupes. Sur Switch, Wayforward a remplacé cette manipulation rébarbative par une option « rejouer le tour » qui permet d’annuler tous les déplacements que vous avez fait ce même jour en cas de mouvement d’unité un peu trop vite s’en réfléchir aux conséquences.
Parmi les autres nouveautés, appuyer sur la gâchette ZR permet d’accélérer les phases de déplacement des troupes adverses et gagner un temps fou sur les grandes maps de fin et un appuie long sur la touche + permet d’arrêter les phases de blabla (si on connait déjà le scénario). C’est pas mal comme avantage pour un jeu déjà bien chronophage.

Le remake est surtout esthétique, les personnages étant finement dessinés et animés. Ils parlent aussi sur quelques phrases de dialogues, même si tous les dialogues ne sont pas doublés, on les entend plus qu’un Link définitivement muet dans les jeux Legend Of Zelda, avec de petites onomatopées.
Si Intelligent Systems pensait que la terre de MacroLand était plate, Wayforward rétablit la vérité géographique en pouvant parcourir l’intégralité des continents avec une belle courbure.
Les musiques en son 16 bits ont été réorchestrés pour obtenir des vraies musiques bien plus travaillées mais toujours aussi répétitives.
Le design des troupes ont été remaniées pour leur donner un côté jouet en plastique, de plus, les bruitages ne sont pas hyper réalistes pour mieux coller avec l’ambiance jeu de plateau de la map avec ses bords en bois.
Fini la vue de dessus, le jeu se présente sous un angle de vue ¾ plongeant. Ce qui n’est pas évident quand un groupe de cases sont toutes occupées, cela peut être confus car la hauteur d’une unité cache en partie celle située sur la case du dessus. Heureusement le stick droit permet d’ajuster le zoom avec 4 niveaux possibles : du très proche 10 cases par 12 à la vue globale du plateau complet.
Le système de notation du premier Advance Wars a disparu au profit du second opus, plus compréhensible et qui s’adapte parfaitement au regroupement des deux jeux.

Ouf, le tutoriel obligatoire de 15 missions a disparu, on peut attaquer la campagne d’emblée. Les nouveaux joueurs ne seront pas lésés, un mini tutoriel optionnel de 3 missions est accessible dès le début de la campagne, reconnaissable avec son drapeau particulier.
Certaines missions du scénario du 1er opus demandent de choisir entre plusieurs généraux, la map et l’objectif sont différents pour chacun des choix et une fois terminée, on ne peut revenir en arrière dans le scénario. Ce remake permet d’y revenir pour vraiment refaire toutes les missions possibles, une fois l’histoire du 1 fini. Ce qui fait tout de même 12 missions supplémentaires.
Pour les acharnés, un mode expert 1 et expert 2 permettent de relever le niveau de difficulté d’un bon cran au-dessus.
La “zone combat” de l’épisode 1 ou “zone cartes” du suivant est logiquement remplacée par la boutique de Hachi, vu que c’était déjà lui le tenancier vendeur de cartes. Son étal est autant fourni qu’à l’origine en cumulant les 2 titres.

Un mode multi-joueurs tronqué

Parce que DTU ne se contente pas d’un code fourni gracieusement par laboite.com pour réaliser ce test, les testeurs DTU vont plus loin que tous les autres tests que vous pourrez lire ailleurs sur ce jeu en achetant aussi une cartouche du jeu pour tester les modes multi-joueurs en condition réelle !
Là où le câble link du système GBA était infaillible pour le multijoueur local, bah le système en Wi-Fi local de la Switch n’est pas encore au point. Les quelques parties faites entre une Switch OLED et une Lite n’ont pu se finir correctement en raison d’un problème de connexion au bout d’une dizaine de minutes, alors que les deux consoles sont dans la même pièce, espacées seulement de quelques mètres tout au plus. Le jeu est toujours dans sa version 1.0.0 et on espère rapidement un patch correctif pour améliorer un système qui fonctionne pourtant très bien pour des jeux comme Mario Kart 8 ou Splatoon 3 avec bien plus de joueurs en même temps.

On peut toujours faire des parties sur une même console (jusqu’à 4 joueurs aussi) où on se passe la console à tour de rôle (en hotseat). On prend le risque de faire tomber la console à cause des nombreux échanges qui vont se faire et on évitera le mode docké pour éviter la triche sur la télé, surtout si on joue avec le brouillard de guerre.
La bonne nouvelle est que le jeu multijoueur en ligne ne souffre pas de cette déconnexion intempestive. Hélas ce mode ne vous permet pas d’affronter la terre entière mais que des adversaires présents dans votre liste d’amis.
De même que pour la création de cartes, elles se partagent sur internet (ou en local) uniquement avec vos amis … On aurait apprécié un vrai échange avec la communauté un peu comme avec un Super Mario Maker 2. On notera au passage que toutes les maps peuvent se jouer avec le style du 1 ou bien avec les bonus du 2 (super pouvoir et nouvelle arme) et que tout est paramétrable à volonté.

Un remake justifié ?


Comme le chantaient les Nèg’marrons, on fait le bilan calmement en se remémorant chaque instant.
Pour les vieux joueurs Nintendo qui ont connu le temps béni des consoles Gamecube et Game Boy Advance, la nostalgie opère toujours et c’est avec bonheur que l’on replonge dedans. On apprécie le glow up du jeu sans le dénaturer. Les petits plus vont vraiment dans le bon sens. Comme toujours avec Nintendo, les nouveaux joueurs sont les bienvenus et le succès du jeu Mario et les lapins crétins peut aussi amener ses joueurs à se pencher sur ce titre qui les accueillerait à bras ouverts grâce à un tutoriel adapté inclus dans la campagne principale. On peut changer la difficulté de classique à facile si besoin, et inversement.
Ce qui est regrettable en 2023, avec une console vendue à plus de 100 millions d’exemplaires et Nintendo qui pousse à prendre un abonnement pour jouer online, c’est d’avoir volontairement limité le jeu online d’Advance Wars 1+2 : Re-Boot Camp à sa seule liste d’amis. On est clairement sur un jeu de niche par son concept, mais autant ça diminuait le potentiel de parties entre joueurs sur GBA à cause de la technique de l’époque … autant le faire aussi quand on a une énorme communauté de joueurs online en 2023, c’est plus difficile à avaler.
Seul apport dans l’air du temps une médaille qui étoffe son gamertag en fonction des succès réalisés dans les divers modes de jeu …


à qui s’adresse Advance Wars 1+2 : Re-Boot Camp:
- aux joueurs GBA
- aux jeunes joueurs curieux du style de gameplay
- aux fans du genre (et il y en a plus qu’on ne le croit)
- aux joueurs de Wargroove qui préfèreront un jeu plus équilibré

à qui ne s’adresse pas Advance Wars 1+2 : Re-Boot Camp :
- à ceux qui s’attendaient à un remaster complet
- à ceux qui n’aiment pas la difficulté liée à une stratégie pointue (la mission Danger X9 !!!)
- à ceux qui préfèrent une composante RPG ou Gestion plus poussée
- à ceux qui aiment le style rétro et ont encore leur GBA avec un stock de piles LR6 conséquent

Test réalisé par Izis