Je me suis intéressé à Armillo pour une seule raison : vu de loin, il ressemblait à l’un de mes jeux favoris : Marble Madness. Marble Madness, c’est toute mon enfance : des heures à guider cette foutue boule dans des niveaux retors et sadiques, à apprivoiser cette physique particulière et ce level design labyrinthique. Une question de doigté où le calme se mesure à la rage. Marble Madness traçait une ligne nette entre deux catégories de joueurs : ceux qui pouvaient rester cool en toutes circonstances et les autres, qui hurlaient et pestaient contre l’écran, façon spot de prévention pour un loisir d’abrutis.
Heureusement pour l’intégrité physique du Gamepad, Armillo n’est pas aussi rigoriste que son illustre modèle. Il a parfois la rigidité et l’intransigeance de l’homme d’église. Tout comme l'habit ne fait pas le moine, il offre aussi quelques faveurs, pas vraiment des cadeaux mais au moins le ruban qui va avec..
Super Sonic Galaxy Ball
En développement depuis bientôt 3 ans chez Fuzzy Wuzzy Games, Armillo est un jeu d’aventure plateforme avec quelques composantes puzzle. Pour le décrire au joueur qui n’aurait vu ni vidéo ni image, le jeu des comparaisons et des influences marche très bien. Le système des planètes de Mario Galaxy avec différents environnements (lave, glace, base secrète…) Le côté roller coaster de Sonic avec ses grands huit au sol façon flipper. Le plateau au bord du vide et toujours plus petit de Super Monkey Ball où l’on roule sa boule.
Armillo alterne moments d’exploration et de puzzle, passages autoguidés de pure vitesse ou encore séquences classiques de plateforme.
L’ère des mascottes
A notre époque tellement rétro où le pixel et le 8 bits sont rois, Armillo ressemble à une bête curieuse qui chahute notre sens esthétique. Si Shovel Knight (qui fait d’ailleurs un clin d’½il dans le jeu) roule des pelles à la NES, Armillo chante son amour à la N64, à cette époque où l’on découvrait la 3D, ses bienfaits et ses premières limites. Il y a quelque chose d’un peu daté mais d’attachant dans la représentation visuelle d’Armillo, comme un jeu découvert au grenier qui convoquerait le peu de goût esthétique d’un Turok et l’aspect rudimentaire et direct des premiers jeux 3D. Des menus simplistes à l’utilisation des couleurs, ce vert caca d’oie, cet ocre, ce marron presque noir, Armillo fait revivre la vieille 3D, celle qu’on ne s’échange plus que dans les brocantes, quand le cours du pixel, lui, atteint des sommets.
Le passage à la 3D a aussi sonné le glas des mascottes, qui n’ont pas survécu à cette époque. Dans les traces d’un Mario ou d’un Sonic, chaque constructeur et éditeur voulait sa mascotte, capable de représenter l’esprit de la marque, son dynamisme ou sa singularité. On a vu débarquer, bouffis par la 3D, des animaux toujours plus nombreux et toujours plus exotiques, des chats, des ours, des lapins robots et surtout des machins qu’on n’arrivait pas à identifier sans un manuel de zoologie.
Armillo ressuscite cette ère préhistorique des mascottes et introduit un tatou - oui ce « mammifère d’Amérique tropicale et subtropicale appartenant à l’ordre des Cingulata au sein du super-ordre des xénarthres » (Wikipédia) - qui se roule en boule et se prête donc parfaitement au gameplay du jeu.
« Et j’vis comme une boule de flipper qui roule… »
Armillo a des ennuis. Sa paisible planète, et - voyons plus loin que le petit monde d’un tatou rouge - l’univers entier, ont été envahis par les Darkbots, des agents pollueurs. Cette attaque finale se double d’un drame tout shakespearien : le frère d’Armillo, un tatou bleu, est en fait un renégat. Heureusement, notre jeune tatou pourra compter sur les Critters, des créatures pas maladroites en piratage, commerçants à leurs heures et toujours prodigues en bons conseils. Le décor est posé, parlons jeu.
Armillo se compose de 5 mondes divisés en 4 niveaux 3D. Le dernier niveau de chaque monde oppose Armillo au traditionnel boss. Comme dans Zelda, le monde d’Armillo a son reflet noir où l’air est irrespirable pour notre tatou au-delà d’une trentaine de secondes. Ce dark world cache une capsule qui, à condition d’avoir sauvé un certain nombre de Critters, donne accès à un niveau secret en 2D. 20 niveaux 3D auxquels répondent donc 20 autres niveaux secrets en 2D. Et pour progresser jusqu’à la fin de l’aventure, il faudra terminer presque la moitié des niveaux secrets.
Gamepad en mains, Armillo se joue le plus simplement du monde : le stick gauche pour déplacer son tatou et le faire rouler, un bouton pour sauter et un autre pour dasher façon Sonic. Les boutons de la tranche permettent de faire pivoter la caméra, qui, 99% du temps, se place idéalement. Un mode gyroscope est disponible dans les options et permet de contrôler son tatou en inclinant le Gamepad. Gamepad qui affiche, sur son écran, uniquement le HUD et le plan des niveaux en 2D.
J’aime ton boule
Armillo a tous les ingrédients du bon jeu d’aventure action en 3D. La prise en main est rapide, pour peu qu’on accepte et qu’on se fasse à l’inertie particulière d’une boule, les environnements sont variés et surtout les mécaniques et les situations se renouvellent constamment. Les 20 niveaux sont un parfait catalogue du petit game et level design illustré. On y trouvera de la plateforme classique, du twin-stick shooter, des interrupteurs, des engrenages, des énigmes utilisant le dark world, des cubes fléchés à une seule direction, des clones, des altérations d’univers, des sols réversibles, des bombardements de météorites… Armillo parvient à surprendre sur la durée quand bien même il utilise des mécanismes joués ailleurs. Il les varie tellement bien et si souvent que leur simple découverte pousse le joueur à avancer.
Armillo procure un plaisir simple et immédiat : un peu d’action, un peu de réflexion et un peu de skill. Un cocktail fun au goût sucré qui enivre, avant, malheureusement, de monter un peu trop à la tête et d’éc½urer dans la deuxième moitié du jeu.
« Faut pas jouer les riches quand on n’a pas le sou… »
Si Armillo ne joue clairement pas la carte de l’ancestrale difficulté 8 bits, il peut se montrer retors, voire frustrant. Il y met les formes bien sûr avec la possibilité d’acheter, à la boutique des Critters, c½urs et vies supplémentaires mais une fois tout ce stock dépensé au gré des chutes et des attaques ennemies, il faudra recommencer le niveau et sauver à nouveau les Critters. Une façon de faire qui m’a plutôt séduit dans la première partie du jeu, mettant un peu de pression sur chaque saut et contre chaque ennemi. Mais quand Armillo augmente la difficulté et surtout complexifie son level design, l’inertie particulière de la boule teste les limites de la patience. Rien d’insurmontable avec un peu de persévérance mais il en ressort davantage de frustration que de plaisir au moment où il faut guider, pour la cinquième fois, sa boule parkinsonienne sur un chemin étroit ou sauter sur des plateformes mobiles canardées par des canons.
Pire, les niveaux 2D sont parfois un vrai calvaire (niveau 5.2, si tu me lis). Proches dans leur forme du Pixel d’Arkedo avec une physique lunaire, ils sont plutôt plaisants, quoique dispensables, dans la première moitié du jeu. Mais quand le level design monte d’un étage en complexité, c’est la encore la frustration qui remporte la bataille tant l’inertie ruine la précision nécessaire.
Extra ball ?
Côté contenu, Armillo se montre plus que généreux. Il m’a fallu 6h20 pour terminer l’aventure en normal (soit environ 60% du jeu). Les orbes qu’on récupère permettent d’acheter des améliorations dans la boutique des Critters, qui offre un bon catalogue. Trouver tous les Critters prisonniers dans les niveaux est un challenge de taille. Les 20 niveaux secrets en 2D offriront une bonne difficulté aux plus calmes ou aux plus masochistes des joueurs. Des mondes cachés à l’esthétique rétro et aux clins d’½il nombreux complètent le tableau. Le jeu propose aussi un système de scoring avec des médailles à gagner selon les points obtenus. Il y a vraiment de quoi s’amuser encore quelques heures, une fois l’aventure bouclée, si on veut compléter le jeu à 100%.
En conclusion
L’esthétique datée et référencée d’Armillo a touché chez moi une corde sensible, celle des premières consoles 3D, des mascottes un peu ringardes et des jeux directs et funs. A l’heure du pixel roi, Fuzzy Wuzzy Games a osé un jeu dans l’esprit N64 qui soigne ses mécaniques et les renouvelle constamment. Frustrant quand il oublie que la simplicité sied mieux à son gameplay et à la physique de son personnage, Armillo pourra faire rager plus d’un joueur. Il se rêve parfois trop grand pour ses moyens limités mais, sorti du grenier, il ne mérite pas de finir à la cave.
Infos complémentaires :
disponible le 3 juillet 2014 sur l’eshop WiiU en exclusivité temporaire / prix : 4,50€ au lancement et 6€ ensuite / développé par Fuzzy Wuzzy Games / 1386 Mo / 1 joueur / genre : plateforme action