Depuis que j'écris des tests pour ce blog, j'ai l'habitude de sortir des phrases type du genre « la technique gâche un peu l'expérience », ou encore « c'est plus agréable sur les autres plateformes ». Depuis la WiiU (ouch ! Comme le temps passe, j'en ai testé des jeux pas fous sur leurs performances, soit par manque de temps et de budget, soit car leur existence sur Switch était déjà assez improbable pour ne pas réclamer d'avoir exactement la même expérience qu'ailleurs. La portabilité se payait en quelque sorte. Et je me suis tellement habitué à cet état de fait que même Pokémon Ecarlate ne m'a pas plus choqué que ça. Et pourtant cette fois j'ai cédé. Le moine bouddhiste en moi, qui écarte tous les problèmes techniques avec « on est sur Switch donc c'est pas grave », a levé le drapeau blanc et s'est énervé devant ce niveau de finition.

Heureusement que les développeurs ont l'air bien décidés à patcher tout ça, même si le reste du jeu ne changera pas.

 Ce jeu a été testé à partir d’un code fourni par l’éditeur

Si vous avez regardé un trailer, vous avez sans doute compris que Rising Lords est un jeu de stratégie au tour par tour, comme un Civilisation, mais en fortement simplifié : vous êtes sur un plateau de jeu découpé en cases hexagonales. Certaines cases contiennent des ressources, d'autres sont constructibles. Comme vous le devinez, les ressources devront être exploitées en y attribuant de la main d'œuvre. De même vous pourrez construire des bâtiments, dont certains nécessiteront de cette même main d'œuvre pour fonctionner. La carte est séparée en territoires de taille fixe. Et chaque territoire a une population plus ou moins grande. Chaque portion de 250 habitants vous donne un paysan visible sur la carte. Ce paysan pourra être attribué à une ressource ou à un bâtiment, et si vous en attribuez plusieurs au même endroit, l'efficacité de l'activité (extraction de pierre, forge d'armes, etc...) est amplifiée en proportion. Tout est ici très simple, assez simple pour que même les néophytes puissent tout comprendre rapidement, voire trop simple pour quiconque souhaite s'investir dans la gestion de ses territoires.

En effet, il n'y a aucune chaîne de ressources. J'entends par là le fait de devoir utiliser une ressource pour en obtenir une autre. Par exemple, utiliser du bois pour créer des planches ou du bois à brûler, extraire un métal et du charbon pour créer des lingots, ou encore un grand classique : faire pousser du blé pour le transformer en farine, puis utiliser cette dernière avec de l'eau pour faire du pain. Rien de tout ça. Ici on récupère du bois, de la pierre, du fer et de la laine, et on en fait quelque chose d'autre en variant les combinaisons, sans aller plus loin. L'agriculture se limite à une ou deux cases par territoire sur lesquels on choisira entre blé, vache, mouton et cheval. Le blé se consomme tel quel, les vaches aussi, le mouton permet d'avoir de la laine ou peut être mangé (avec moins d'efficacité qu'avec la vache) et le cheval sert pour la guerre (car si vous voulez le manger, les vaches sont un bien meilleur choix).

De même pour les bâtiments à construire, on en fait très vite le tour : des murs et une garnison pour protéger vos territoires en absence d'armée, une forge pour construire des armes, des habitations pour augmenter la population maximale possible, des bâtiments comme la chapelle, l'église, les bains publics ou l'auberge pour augmenter la population maximale moins efficacement, mais avec un effet bonus en plus. On comprend instantanément que le plus efficace est de construire tous les bâtiments qui fournissent un bonus, puis de compléter avec des habitations. Vous pourrez utiliser des ressources pour améliorer vos bâtiments, mais cela va juste les rendre plus efficaces, sans rien apporter de plus qui nous forcerait à faire des choix et à établir une stratégie pour chaque territoire, et à préparer une gestion à l'échelle de toutes nos possessions. Il est impossible d'avoir toutes les ressources sur un seul territoire, et d'ailleurs un marchand nous permet de pallier à ce problème, mais cet aspect commerce diminue fortement dès qu'on conquiert un ou deux territoires qui possèdent les ressources manquantes. Les habitants ont beau être spécifiques à leur territoire, ainsi que leur nourriture, les autres ressources sont mutualisées, ce qui réduit l'aspect logistique potentiel du jeu (même si on peut envoyer de la nourriture d'un territoire abondant à un autre qui en manque).

Mais vous aurez aussi à mener des batailles contre les territoires ennemis. Et pour cela vous devrez monter une armée. L'interface est assez claire, et vous pourrez assez simplement ajouter des types d'unités à vos armées et leur attribuer un effectif, pour peu que vous ayez les armes et armures requises (sauf pour les paysans, qui sont gratuits). Allez-vous prendre une unique unité de piquiers, à pleine puissance, ou la séparer en deux unités pour les répartir plus efficacement sur le terrain ? A vous de faire un choix, sachant bien entendu que chaque soldat conscrit vous enlève un paysan sur votre territoire, et que plus vous prenez de soldats, plus votre armée coûtera cher à entretenir. Chaque armée devra avoir un commandant. Et celui-ci ne sera pas inactif. Vous pourrez lui former un deck de cartes à utiliser au combat. Chacune possède un effet différent, comme une meilleure résistance aux attaques à distance pour une unité, ou une capacité à riposter plus souvent aux attaques. Pour former ce deck vous devrez débloquer des cartes pour votre commandant en payant avec les points d'expérience qu'il gagne lors des combats, ou de manière passive lors de la phase de gestion.

Une fois la bataille lancée, vous devrez positionner vos unités sur une grille, et le jeu devient un tactical RPG. Le terrain a une importance (par exemple, des archers sur une colonne augmentent leur portée, et les unités ont des caractéristiques d'attaque et de défense différentes, ainsi que des avantages et résistances les unes par rapport aux autres. Vous pouvez aussi utiliser le deck de votre commandant à n'importe quel moment, tant que c'est votre tour de jouer.

Et si sur le papier cela annonce des batailles très stratégiques, dans les faits c'est la supériorité numérique qui fera la différence la plupart du temps. De plus, je n'ai jamais eu l'impression que mes cartes de deck faisaient une vraie différence.


Il y a plusieurs modes de jeu. Un mode scénario, et un mode libre, qui peut se jouer seul ou à plusieurs. Le mode scénario nous fait suivre l'histoire d'un jeune noble, qui perd très vite son père dans le tutoriel, et doit ensuite gérer son domaine dans un contexte difficile. Le scénario est sympathique sans plus. Rien de choquant, mais rien de transcendant non plus. A part la traduction bancale qui fait Google translate par moment. Pour le déroulement vous aurez des missions à remplir, parfois en temps limité, et des choix à prendre par moments. Par contre, gros carton rouge sur la façon qu'a le jeu de présenter les objectifs. C'est à vous de les déduire du scénario. Et parfois ça marche, parfois vous avez besoin d'une information qu'on ne vous donne que si vous allez regarder dans la fiche de l'objectif. Il m'est par exemple arrivé de prendre un game over car j'avais dépassé une limite de temps dont je ne connaissais pas l'existence, et c'était très énervant.

Le mode « un joueur » vous permet de décider de tous les paramètres de votre partie, comme la carte, le nombre d'IA, leur niveau, la richesse des ressources, etc. Et vous jouez comme vous le voulez, sans aucune contrainte d'objectif. Le but est juste de battre tout le monde. De même, le mode « multijoueur » vous permet de jouer en ligne contre d'autres joueurs. A noter que si le jeu a un beau nombre de cartes préparées pour l'occasion, vous pouvez le gonfler en créant vos propres cartes, ce qui est un ajout fort appréciable pour quiconque souhaite personnaliser sa partie en se basant sur sa créativité. Vous pouvez aussi décider de mener une bataille personnalisée, au lieu d'une partie stratégique complète. Et vous avez aussi un mode « défi », proposant une difficulté relevée, pendant lequel vous devrez repousser des armées de plus en plus conséquentes pendant que vous gérez votre territoire. Une sorte de mode survie, avec des événements pour pimenter la partie. Pour le coup les modes sont assez complets et variés.

A ce stade le jeu est correct. Tout y est extrêmement simple. Et si les joueurs débutants prennent vite le jeu en main, ceux qui veulent un peu de complexité et de stratégie restent sur leur faim. Si le jeu a une patte graphique très intéressante, les musiques médiévales font bien leur travail, mais deviennent vite répétitives. Bref un petit jeu vendu à petit prix pour s'offrir une pause entre deux gros jeux.


Cela aurait pu être ma conclusion, assez tiède certes, si un élément ne venait pas souffler un vent glacial afin de bien refroidir toute ardeur que j'aurais pu avoir : la technique. Alors certes on est sur Switch, ce n'est pas la première fois que j'en parle en mal, mais cette fois l'abus est total. Pour faire simple tous les défauts sont sublimés, et les qualités sont presque insignifiantes : le jeu est déjà lent de base, mais entre chaque tour on se prend un long temps d’attente pour que le jeu calcule les mouvements ennemis, et ce dès le premier tour, ce qui ralentit un rythme de jeu déjà pas élevé de base. Et quand c'est votre tour c'est pire, vu que tout rame. Bouger le curseur se fait souvent par saccade. Déjà que cette idée de mettre l'interface PC telle quelle sans l'adapter est une des pires idées que le studio pouvait avoir, vu qu'il faut viser précisément les (petits) boutons d'interface en bougeant un curseur avec un stick, mais en plus il faut rendre la sélection de chaque action infernale. D'autant que la technique à la ramasse fait que notre action est parfois prise en compte par le jeu avec du retard, quand elle n'est pas carrément ignorée. Et là je parle juste de la partie gestion. Car pour les combats on a les mêmes problèmes, mais en pire. Ils sont horribles à jouer à cause de cela, et très vite j'ai utilisé l'option « laisser l'IA calculer automatiquement le résultat », en n'oubliant pas de sauvegarder avant vu que le résultat peut varier d'une tentative à l'autre, avec les mêmes armées de chaque côté.

Et la petite cerise sur le gâteau, c'est l'incapacité du jeu à tourner sans plantage pendant plus d'une heure. Si vous décidez de jouer à ce jeu, activez la sauvegarde automatique dans les options, vu que chaque action peut entraîner un retour au menu de la Switch. Alors certes sur la version PC le studio sort des patchs assez régulièrement, mais pour le moment rien en vu sur Switch. Et pourtant j'ai attendu. Mais rien.

Et en plus de cela il y a un défaut qui sera plus compliqué à patcher : la taille des polices d'écriture. Dans les textes du scénario ça va, mais pour le reste c'est écrit petit, au point d'être quasiment illisible en portable. Voire complètement illisible, vu que pour les cartes de votre deck de combat, certaines ont une explication très longue. Du coup le texte est encore plus petit, les lettres se chevauchent et sortent du cadre. Oui, les deux en même temps. Alors certes ce n'est qu'une ou deux cartes, mais ça confirme que personne n'a testé cette version Switch avant de la mettre en ligne.

Conclusion

Rising Lords aurait pu être un jeu moyen, réservé à ceux qui veulent jouer à un jeu de stratégie simpliste, mais au final je me vois contraint de le déconseiller à tout le monde, au moins sur Switch. Si vous souhaitez quand même le tenter, prenez-le ailleurs, ou après avoir vérifié que les problèmes techniques ont été corrigés. En fait Rising Lords est un cas d'école, nous rappelant que les qualités et les défauts d'un jeu importent peu quand le confort d'utilisation est mauvais au point de rendre tout pénible ou insupportable.

Vous apprécierez ce jeu si :

  • Vous cherchez un jeu de stratégie sans complexité
  • Vous êtes un moine bouddhiste à la recherche d'une nouvelle mortification

Vous n'aimerez pas ce jeu si :

  • Vous voulez un jeu de gestion/stratégie avec un rythme rapide et un intérêt qui se renouvelle dans les parties longues
  • Vous avez des exigences sur la technique, même si elles sont basses
  • Vous aimez que l'interface d'un jeu soit fonctionnelle.

Test réalisé par Luciole