Si vous avez moins de 30 ans, les chances que vous ayez entendu parler de Wizardry sont minces et pourtant derrière ce titre se cache un jeu qui a influencé quelques-unes des plus grandes séries de RPG sur consoles et Micro-ordinateurs. A titre d'exemple les créateurs de Final Fantasy et Dragon Quest étaient de grands fans et s'en sont largement inspiré. Mais d'autres grands noms en occident comme Dungeon Master, Might & Magic ou Eye Of The Beholder n'ont jamais caché leur influence. Si lui-même pioche allégrement dans le jeu de rôle papier Advanced Dungeons & Dragons il a su imposer un certain nombre d'éléments avant-gardistes. Bref si on parle de Wizardry : Proving Grounds Of The Mad Overlord, c'est parce que Digital Eclipse s'est lancé dans une réédition moderne du jeu d'origine (sorti en 1981 sur Apple 2) pour nos supports actuels.

Trebor craint

Dans les années 80, on ne s'embarrassait que rarement de scénarios compliqués. Wizardry premier du nom n'échappe pas à la règle. On y dirige un groupe d'aventurier (une première à l'époque) qui rentre dans un donjon pour y rencontrer Trebor le maître des lieux et prouver sa valeur. Une fois cela fait on peut ensuite passer à la seconde phase de l'histoire : descendre au plus bas du donjon (10ème étage) pour y affronter le sorcier Werdna et récupérer une puissante amulette sur son cadavre. Ça parait simple, mais ça ne l'est pas du tout. Et si ce remake en profite pour adoucir un peu certains points, le jeu n'est pas réputé pour sa difficulté extrême pour rien. Terminer d'arpenter ces 10 étages de 20 cases par 20 devrait vous prendre une bonne vingtaine d'heures en profitant des aides modernes. Beaucoup plus si vous jouez à l'ancienne en mode warrior (et surtout sans guide). Avant de vous aventurer dans le donjon, il convient tout d'abord de constituer une équipe d'aventurier. Il est possible d'en créer une bonne douzaine, mais il ne sera possible d'en emmener que 6 en même temps en expédition. La création de personnages se rapproche du principe des jeux de rôle AD&D. Vous aurez placer un solde de points tiré aléatoirement dans 6 caractéristiques (force, agilité, intelligence, piété, vitalité et chance) plus ou moins utiles en fonction de votre classe de personnage. Selon la race choisie, vous aurez des valeurs de départ spécifiques. Un halfling par exemple fait un très bon voleur tandis qu'un elfe est bon pour être mage. Ensuite il sera demandé de choisir l'alignement : bon, neutre ou mauvais. La conséquence principale de l'alignement est qu'il est (pratiquement) impossible d'avoir un membre bon et un membre mauvais dans la même équipe. Mieux vaut donc se spécialiser. Les différences se font surtout sentir en fin de partie. Une partie des meilleurs équipements sont dédiés à des personnages mauvais (ils sont maudits sinon). La contrepartie pour les personnages bons, c'est qu'il existe à chaque rencontre une probabilité que les ennemis rencontrés dans le donjon soient amicaux et ne désirent pas se battre. Libre à vous d'en faire de même ou de forcer la baston, avec le risque de perdre votre alignement à force. Enfin, que ne serait pas une création de personnages sans le choix d'un nom (court à cause des limitations d'époque) et d'un portrait parmi une galerie relativement fouillée (à noter qu'il est possible d'importer des portraits custom uniquement sur la version PC). Ça y est vous êtes prêts pour une balade non sans encombres.

Un kilomètre à pied ça use les souliers

Wizardry propose pour ses donjons une vue à la première personne, case par case. Si cette représentation est coutumière de nos jours c'était assez rare à cette époque. Jeu de 1981 oblige, il n'y a normalement pas de carte automatique, et c'est au joueur de tracer les plans sur du papier quadrillé si possible. Avec une taille constante des étages c'est largement jouable normalement. Mais le jeu adore jouer avec le joueur et dispose à certains emplacements de cases de téléportations, de zones de brouillard et de plaques tournantes pour bien brouiller les pistes et perdre le joueur. Pour ajouter une difficulté, avancer dans une extrémité de la carte vous fait arriver de l'autre côté. Très rapidement, les magiciens découvrent un sortilège vital : Dumapic. Ce sortilège donne au joueur les coordonnées du groupe dans le donjon (étage, nb de cases verticales, nb de cases horizontales et la direction). Ce système fastidieux a fait criser de nombreux joueurs d'époque mais heureusement, le remake permet de rendre les choses plus intuitives (vous êtes libres de le faire à l'ancienne si vous le souhaitez). Pour commencer, une minimap des environs proches est affichée en bas à droite de l'écran. Petit bémol, elle représente la perception des personnages et peut donc être perturbée. Le sort Dumapic permets alors de corriger la perception de d'afficher la carte globale de l'étage. Cette carte peut être rappelée ensuite à volonté avec une simple touche, mais attention, elle ne se réactualise qu'avec un nouveau sort. L'exploration des lieux est assez classique, vous pourrez avancer, reculer, tourner et faire des pas latéraux. Il faudra interagir pour ouvrir une porte, actionner un mécanisme ou parfois pour tenter d'ouvrir une porte secrète. Attention, certaines portes sont à sens unique, et vu que savoir revenir rapidement à l'entrée est vitale pour votre survie, ça peut parfois provoquer un bon petit stress. Pour passer d'un étage à l'autre, il faut classiquement trouver l'escalier, mais il existe aussi des ascenseurs permettant d'accéder à plusieurs étages. Il est ainsi parfois possible de sauter des étages, mais c'est rarement une bonne idée tant que votre niveau d'expérience n'est pas assez haut et votre équipement assez bon.

Tu veux te battre ?

Lorsque vous entrez dans certaines salles spécifiques ou aléatoirement lors de vos déplacement (même simplement tourner), une rencontre vous impose un combat aléatoire. Au début de chaque tour, vous indiquerez classiquement pour chacun des personnages son action, puis le tour se déroule en fonction de l'agilité des personnages. Les ennemis apparaissent par groupe et il est impossible de cibler un ennemi précis, simplement son groupe. A noter que seuls les trois personnages de devant peuvent attaquer, les autres étant réduit à du soutien ou à des sorts. Petit ajout de confort de cette version tout de même, les voleurs peuvent se cacher dans l'ombre et faire des embuscades même de la ligne arrière. L'avantage c'est que ce sont aussi les seuls à pouvoir être attaqués par les ennemis sauf s'ils utilisent des sorts ou des souffles. Les actions sont assez classiques : attaquer, se défendre (pour diminuer les dégâts physiques), utiliser un objet, lancer un sort si le personnage est prêtre, mage ou biclassé, tenter de faire fuir les morts vivants s'il est un ecclésiastique et enfin une fonction trop souvent boudée dans les jeux mais vitale ici : fuir le combat.  En effet, le jeu est impitoyable et une simple rencontre peut parfois virer au fiasco et coûter la vie à un personnage voir au groupe entier. Si un groupe d'ennemi vous semble hors de portée, la fuite est souvent salutaire, même si le taux de réussite n'est pas toujours très élevé. Si le combat est inévitable, tentez de prendre le moins de risques possible, rester en vie est toujours la plus grosse priorité. Pensez toujours qu'un effet spécial comme le poison et la paralysie sont vos pires ennemis en début de partie car les moyens de les soigner sont rares et extrêmement couteux (en fin de partie le drain de niveau devient votre pire cauchemar). Si vous sentez que la situation devient trop dangereuse pour vous, retournez aussi vote que possible à la ville, sachant qu'il n'existe pas de téléporteur pour cela. La logique du jeu est clairement de faire de petites explorations, de plus en plus loin, cartographier un peu plus à chaque passage et revenir avant que tout ne tourne à la catastrophe.

Viens me sauver

Une fois de retour en ville, il est possible de changer son groupe d'aventurier. Ce n'est pas obligatoire, mais il est conseillé de constituer deux groupes et de tourner à chaque passage pour qu'ils montent en parallèle. C'est plus long mais plus sage. En effet, l'une des caractéristiques du jeu est que si votre groupe meurt intégralement, vous retournez en ville sans personne, et devrez constituer une autre équipe pour venir les sauver en arrivant au même endroit. Autant dire que venir sauver une équipe à l'étage 7 avec une bande de héros niveau 1 est compliqué, d'autant qu'ils ne sont pas à l'abris de décéder également. Si vous n'avez pas activé les options modernes, il est possible que des effets néfastes arrivent à vos héros laissés seuls dans le donjon à la portée des monstres. Dans le cas où au moins un des personnages est arrivé en vie en ville, il est possible de tenter de ramener vos compagnons à la vie (et de soigner certains états anormaux) moyennant une énorme somme d'argent. A noter que la résurrection peut rater, transformant le cadavre de votre ami en cendres. Une seconde résurrection ratée et il disparait définitivement. A noter que le jeu sauvegarde automatiquement l'avancée à intervalle régulière, et si quitter et relancer la partie tout de suite peut parfois fonctionner ce n'est pas systématique. Toutefois les joueurs prudents peuvent régulièrement effectuer une copie de leur sauvegarde pour revenir à un état précédent. C'est très utile en particulier lors des montés de niveaux qui s'effectuent en ville car le gain de statistiques, de points de vie et même de sortilèges est aléatoire (et dépends de paramètres comme l'âge du personnage et ses caractéristiques). En vile, il est également possible de recruter des personnages pré-créés d'un niveau au mieux égal au votre, d'identifier des objets et d'en acheter et revendre. A noter que tous les objets trouvés en donjon sont non identifiés, et que le prix d'identification est le même que le prix de vente. Il est donc impossible d'en tirer un bénéfice à moins d'avoir un évêque dans le groupe qui peut identifier tout seul. Si vous en voyez un à recruter n'hésitez pas ça change clairement la vie. Le remake simplifie pas mal la gestion du repos à l'auberge, ce qui n'est pas un mal, et en profite pour proposer un système de vigueur à la place de l'âge. La plupart des changements ne sont pas imposés et les joueurs peuvent jouer pratiquement à l'ancienne. D'ailleurs il est possible d'afficher en surimpression l'écran de jeu de l'Apple 2 soit en bas à droite, soit en plein milieu en grand. La plus grosse nouveauté réside dans l'ajout d'un bestiaire accessible à volonté qu'il faudra compléter en rencontrant les ennemis, puis en utilisant maintes fois la fonction identifier jusqu'à obtenir toutes les informations de chaque adversaire. Ce bestiaire comporte également le type de trésor possible donné par chaque ennemi qui se dévoile à mesure que vous les obtenez. Les completionistes ont donc largement de quoi faire.

Mon avis à moi

Wizardry : Proving Grounds Of The Mad Overlord est un jeu qui a marqué l'histoire et qui mérite amplement d'être découvert de nos jours. S'il est impitoyable et dispose de certains choix de game design marqués par son époque, le remake permets d'arrondir un peu les angles et de découvrir le titre dans d'excellentes conditions. Et puis si j'ai pu le terminer vous y arriverez également. Bonne chance.

A qui s'adresse Wizardry: Proving Grounds of the Mad Overlord! ?

- A ceux qui souhaitent découvrir un titre phare du jeu vidéo

- A ceux qui aiment souffrir

- A ceux qui aiment dessiner les plans à la main

A qui ne s'adresse pas Wizardry: Proving Grounds of the Mad Overlord! ?

- A ceux qui aiment tout maîtriser

- A ceux qui aiment avoir un scénario

- A ceux qui cherchent un système de combat complexe

Johann Barnaud alias Kelanflyter