Ha, les soldes ! Si jusqu’à très récemment elles m’évoquaient des sessions de shopping foireuses desquelles je rentrais souvent bredouille, depuis que le PSN et le Live ont suivi l’exemple de Steam elles riment désormais avec achats massifs de perles à petit prix. Tous ces jeux qu’on hésite à prendre, par manque de temps ou de moyens, se trouvent du jour au lendemain bradés: l’occasion idéale donc pour compléter sa culture vidéoludique… ou de perdre quelques heures. Dante’s Inferno, sorti en 2010, a ouvert le bal du désormais traditionnel rattrapage hivernal. J’étais content de le voir enfin en promo. Il faut dire qu’il m’a longtemps fait de l’oeil: j’adore God of War, et j’ai toujours trouvé intéressante la vision des enfers proposée par La Divine Comédie… La perspective de faire un GoW-like dans l’univers imaginé par Dante Alighieri m’avait logiquement excité lors de l’annonce du jeu. Pourtant, je n’ai jamais franchi le pas, refroidi par la démo et les notes mitigées de la presse spé. Je l’ai souvent sorti du rayon « occasion » de ma Fnac, pour le reposer in extremis avant le passage en caisse. J’ai longtemps pensé que ce jeu et moi étions destinés à ne pas s’aimer, mais comme dans un torchon de Marc Lévy (sic), nous avons été patients et profité des soldes du PSN pour, enfin, se faire un rencart. Heureusement pour moi, la descente aux enfers ne m’aura couté que 4 euros et quelques.

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Et honnêtement, le jeu n’en vaut pas beaucoup plus. On incarne Dante, le poète florentin, qui se trouve ici embrigadé comme soldat au temps de la Troisième Croisade. Complètement anachronique puisque Dante est né plus de 30 ans après la fin de cette guerre, et qu’il n’a jamais été soldat. Et jusqu’à preuve du contraire, il ne s’est pas cousu à même la peau sur le torse une croie rouge où ses mauvais actes pouvaient prendre vie pour lui rappeler ses pêchés. Mais soit, on a déjà vu pire dans le jeu vidéo. Ou pas. 

Pour la faire brève, à Acre Dante et ses collègues pillent, tuent et couchent en pensant que tout leur serait pardonné, endoctrinés par un prêtre malhonnête. Ces excès conduisent Dante à se faire poignarder, mais le poète déjoue la Mort et retourne à Florence retrouver sa bien aimée Béatrice. Pas de bol, elle a été assassinée. Ni une ni deux, le poète à la tronche de saumon sous morphine décide d’aller chercher sa meuf en Enfer, quitte à traverser les neuf cercles qui composent le royaume de Lucifer. Le reste de l’histoire m’a été compté petit à petit, mais entre les cinématiques ignobles, la narration soporifique et les doublages français infects, j’ai vite lâché prise. 

Dans le gameplay pourtant, Dante’s Inferno part sur de bonnes bases. Le coeur du jeu repose sur la dualité entre le bon et le mauvais : deux armes, deux arbres de compétences, deux types de magie… Et de ce côté là, c’est plutôt réussi. Au moment d’achever un ennemi, Dante peut soit le punir, soit l’absoudre. Selon l’action choisie, des points d’XP sont ajoutés à l’une des deux jauges correspondantes, qui une fois remplie débloque un niveau d’un des deux arbres de compétence. C’est dans ces derniers qu’on dépense les orbes récoltées dans des urnes -mal- cachées, afin d’améliorer une des deux armes, les traditionnelles furies, les barres de santé, de magie, de « colère »… Dernière subtilité, la présence d’artefacts à trouver et offrant à Dante des bonus contextuels. Un petit plus sympathique, permettant d’aborder avec stratégie certains combats. Le tout se prend vite en main : les menus sont clairs, la progression lisible et, dans le jeu, les commandes sont parfaitement intuitives.

Malheureusement, les réjouissances s’arrêtent là. Car tout le reste ressemble à une contrefaçon bas de gamme de God Of War. Par moment, la supercherie fonctionne à peu près, dans les combats notamment, assez nerveux quand on affronte une dizaine d’ennemis à la fois. Mais le reste du temps, ce Dante’s Inferno est au bijou de Santa Monica Studio ce que la camelote des Sénégalais de Ventimiglia est au sac Chanel. Level design ennuyeux et répétitif, mise en scène mollassonne, phases de plateforme nullissimes… le jeu n’a pas grand chose pour lui. Aucune idée ne lui semble propre, des coffres à casser aux attaques de Dante en passant par les indicateurs de grappin ou les phases d’escalade, quasiment tout le jeu semble avoir été maladroitement copié sur God of War. Tout le contraire en somme d’un Castelvania Lords of Shadow, qui a su réinterpréter si brillamment la formule. Le bestiaire se limite à une douzaine d’ennemis tout au mieux, et jamais les suppôts de Satan ne sauront se montrer à la hauteur du héros, ni assez nombreux ni intelligents pour proposer le moindre challenge. Souvent absents du chemin de Dante pendant de longues minutes, ces phases vides et monotones trahissent un rythme terriblement ennuyeux. 

Pour enfoncer le clou, le jeu est atrocement moche, et c’est encore plus flagrant en 2014 après avoir fait deux superbes God of War. Chara design, textures, direction artistiques générale… Dante’s Inferno ne brille dans aucun domaine. Et plus le jeu avance, plus les décors semblent bâclés, recyclant maladroitement des éléments vus et revus dans les niveaux précédents. Pour représenter l’Enfer,  Visceral Games a voulu jouer la carte du très mauvais gout, mais c’est un pari manqué : la plupart des stages piquent violemment les yeux. De la surreprésentation de l’or dans le Cercle de la Luxure aux métaphores digestives dans le Cercle de la Gourmandise en passant par les environnements désertiques ou forestiers totalement hors-sujets, pas un seul niveau ne se montre à la hauteur. Le héros, sa femme et ses ennemis sont tous loupés, avec une mention spéciale pour Virgile, qui tient plus ici du Punk sous Ecstasy que du poète latin. Pour rappel, en 2010 sortaient, outre les sublimes Heavy Rain ou Red Dead Redemption, Castelvania Lords of Shadow et God of War III, deux concurrents directs de ce Dante’s Inferno.  La première aventure de Kratos, sur PS2, est largement plus racée, malgré la génération d’écart les séparant. 

Sur PS3 je n’ai pas constaté de chutes de frame rate, même avec plein d’ennemis à l’écran, mais au vu de la pauvreté graphique le contraire aurait été tout bonnement inadmissible. J’ai terminé l’aventure en 6 ou 7 heures, en ne mourant qu’à cause de sauts ratés. Ca veut presque tout dire, non? 

A l’image de son histoire qui s’embourbe rapidement malgré un potentiel certain, Dante’s Inferno dégringole la tête la première après quelques dizaines de minutes de jeu, pour ne jamais se relever. Moche, mal rythmé, ennuyeux, trop court et répétitif, c’est à se demander comment EA a pu autoriser la mise en vente d’un jeu aussi insipide, alors que l’éditeur ambitionnait sérieusement de chasser sur les terres de Kratos. Le chauve peut dormir tranquille, la licence croupit actuellement en Enfer, et personne ne semble motivé à la ressusciter. En n’ayant pour lui que son interface didactique, son gameplay efficace en combat et son background original -mais très mal exploité, Dante’s Inferno ne vaut vraiment pas plus que ces quatre euros et quelques.

La messe est dite.

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