Bibibibip! *A* Bibibibip! *B*
Bibibibip!!! *B,A,Y,Y,X* HEUUUR!!! ... FUCK YOU!
Si vous comme moi vous avez joué àShenmue, vous comprendrez à quoi correspondent ces onomatopées. En
discutant avec l'ami Kokoro au sujet du dernier jeu d'un certainD.Cage, il m'est apparu qu'il y avait une mécanique de jeu qui m'insupportait au plus au point depuis des années dans le jeu vidéo,
c'est le combo Quick Time Event + Action Contextuelle. Avant
d'expliquer pourquoi j'en suis arrivé à haïr cette mécanique, je
vais faire un petit historique.
En 1983 au moment du crash du jeu
vidéo, apparaissait en arcade un jeu du nom de Dragon's Lair. En
fait de jeu il s'agissait plus d'un film interactif. Un dessin animé
ayant une forte ressemblance avec le Sword in the Stone (Merlin
l'Enchanteur) de Disney (l'un des artistes du film à travailler surDragon's Lair). Le but était simple, il fallait appuyer sur la bonne
touche au bon moment pour permettre au dessin animé de continuer sa
progression dans l'histoire. Si l'on manquait le coche, le personnage
mourait souvent dans des conditions bien comiques. La mécanique de
jeu employé était unique (dans tous les sens du terme) il ne
s'agissait que d'une épreuve de réflexe et de mémoire même. Après
avoir fini le jeu une fois, il était aisé de le terminer de nouveau
avec une seule pièce, connaissant d'avance la séquence de touche à
déclencher.
Un film interactif pour sauver une princesse blonde...pourquoi pas.
Ce principe a été repris par beaucoup
de jeu à l'avènement du CD sur console 16-bit. Ne sachant pas quoi
faire de la place disponible sur le CD, les développeurs se sont
tout simplement éclatés à coller des vidéos partout dans leur
jeu, la plupart du temps de piètre qualité. La Full Motion Vidéoétait dans un format boîte aux lettres, pixélisée à mort et de ce
que j'ai pu tester sur Sega-CD notamment, avait une fâcheuse
tendance à mettre des plombes pour charger...en bref ce n'était pas
plein écran et ça ramait. Pour en revenir au QTE, il y a eu dans
les années Sega-CD, Jaguar CD, CD-i ou encore 3DO quelques Dragon's
Lair-like tel que Time Gal ou Road Avenger. Mais ce ne sont pas
vraiment des jeux dont on se souvient aujourd'hui. D'abord parce
qu'ils étaient mauvais et n'avaient d'autre intérêt que de montrer
que l'on pouvait avoir de la vidéo sur console de salon, mais
surtout parce que leur gameplay basé uniquement sur du QTE étaient
bancale et en rien satisfaisant pour les gamers de l'époque
(rappelons le habitué à la 2D, au side-scroller). La seule chose
qui distingue vraiment Dragon's Lair des autres, c'est qu'il est
arrivé en premier et qu'il avait une belle animation. Si on se
souvient que c'est le premier jeu à avoir créé le QTE, je ne suis
pas sûr qu'il soit encore apprécié aujourd'hui pour autre chose
que cette animation.
Je parle depuis tout à l'heure de QTE,
mais ce n'est bien qu'en 1999 que le terme a été créé par Yu
Suzuki. Shenmue est à mes yeux encore aujourd'hui le meilleur jeu
auquel j'ai pu jouer pour des milliers de raison que j'ai détaillé
il y a quelques mois déjà dans cet article. D'un point de vu du
gameplay, on se situe dans un beau melting-pot. Action avec une part
d'aventure (presque des airs de Point&Clic parfois), combat avec
un système bien complexe à maîtriser et...QTE durant les
cinématique. Yu Suzuki a déterré le concept pour l'intégrer dans
ses cinématiques. Et croyez-moi pour tous ceux qui n'ont jamais
touché à Shenmue, il faut une très grosse dose de réflexe parce
que les touches n'apparaissent que l'espce d'une demi-seconde et
certaines d'entre elle peuvent tout simplement faire péter des
câbles. C'est aussi là que je trouve que Shenmue et encore plusShenmue 2 offrent quelque chose de très désagréable.
Le principe du QTE dans les deux jeux
de Yu Suzuki est punitif. Pour faire simple, réussir le QTE la
plupart du temps ne donne pas d'autre satisfaction que...d'avoir fait
avancer la cinématique. En revanche, lorsque l'on échoue à une des
épreuves de rapidité, les conséquences sont immédiatement
désagréables...il y a un moment dans Shenmue 2 qui illustre
parfaitement ceci. Lorsque Ryo et Ren se retrouve dans un immeuble à
moitié en ruine, il y a deux passages à se tirer une balle. Le
premier consiste à passer sur des planches en bois pour traverser un
bout d'immeuble effondré. Lorsque l'on loupe la séquence de QTE,Ryo tombe, meurt et on doit recommencer. Pas juste devant la planche,
mais à l'étage du dessous devant la précédente. Alors là certes,
il s'agit plus d'une erreur de game-design que d'un problème de QTE,
mais pour moi c'est le passage clair et net où une mécanique de
gameplay simple, tel que l'équilibrage du corps du personnages avec
le joystick aurait été cent fois mieux et moins frustrante qu'une
série d'actions rapides qui forcent le joueur à rester sur ses
gardes, les nerfs en pelotes. Dans ce même immeuble me semble-t-il
(où dans un autre, mais ça n'a pas d'importance) il y a une course
à pied dans les étages pour échapper à un immonde tas de graisse
qui de manière surprenante cours vraiment vite. On enchaîne les
flèches de gauche, de droite, les A pour sauter par dessus un trou,
puis dans un dernier sprint, il est demandé d'appuyer deux fois sur
la flèche du haut puis sur A...j'ai du passer quelque chose comme
cinq bonnes minutes sur ce dernier QTE, ne comprenant pas ce qu'il
fallait faire, étant donné que c'était le premier QTE composé de
telle manière.
A 4:55 c'est mon cauchemar...
De plus encore une fois, l'échec mène
immédiatement à la mort, par conséquent on doit recommencer la
séquence complète et pour peu qu'on craque un peu plus tôt dans le
couloir, on revoit cette maudite cinématique plusieurs fois
d'affilé. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi on s'embête à
nous coller ce genre de défi tout simplement inintéressant qui
n'ont rien de gratifiant en plus. Lorsqu'il s'agit de battre un boss
en enchaînant un pattern précis, d'avoir maîtriser un gameplay, on
est content d'avoir accomplis un petit exploit. Mais appuyer au bon
moment sur une touche pour ne pas mourir, ça n'est pas une question
de skill, au mieux de rapidité et à part connaître sa manette, ça
demande rien de particulièrement dingue. Cependant si comme moi on
est pas japonnais capable de décourtiquer un jeu frame par frame, on
finit par mourir régulièrement avec une vraie frustration à la
clé.
A la suite de Shenmue, un autre jeu à
poussé tout les développeurs à faire un usage abusif du QTE, en
2004; le quatrième épisode de la saga Resident Evil. Ce coup-ci le
concept a été poussé dans un autre sens. Certes les cinématique
sont parfois « interactive » mais c'est avant tout dans
le gameplay que les QTE et les actions contextuelles font leur
apparition. Esquiver un boss, se sauver d'une boule qui dévale une
colline encore une fois, un raté abouti souvent à un sympathique« Vous êtes Mort ». C'est notamment l'enchaînement de
tapotage de boutons suivi d'une combinaison de touche qui s'avère
mortel. Cependant, Shinji Mikami a eu une idée intelligente,
désormais les QTE peuvent aussi permettre d'abréger un combat de
boss par exemple. Affronter les terrifiant el Gigante ou el Garrador,
c'est une épreuve qui peut se faire à la seule force des balles,
mais avec un suffisamment bon timing, on peut également mettre à
mort sans vider des tonnes de chargeurs. Bref le QTE ou pour être
plus précis l'action contextuelle (car il s'agit plus d'être placé
au bon endroit que d'appuyer sur le bouton dans les temps)gratifiante, avec une satisfaction d'utilisation.
Malheureusement comme beaucoup d'idée,
bonne ou mauvaise d'ailleurs, celle qui consiste à intégrer des QTE
dans l'action d'un jeu est devenu monnaie courante. Pour moi c'est
vraiment pire que l'avalanche de FPS, c'est un élément tellement
redondant qu'il me fait criser dès qu'il apparaît à l'écran. Le
seul type de QTE que j'arrive à supporter sans en avoir plein le
cul, c'est le bourrinage de boutons qui simule une action violente
en prévision, comme Bayonetta qui botte le train des anges avant de
leur faire sentir le vent frais de la guillotine sur la nuque. C'est
peut-être une réminiscence des Track&Field qui demandaient de
massacrer les touches de la manette pour remporter une course, qui
sait.
Alors vous imaginez bien qu'un tel
contre-plaidoyer doit forcément aboutir à parler d'un, ou plutôt
de deux jeux récents basé sur le principe même de « zéro
cinématique, que du QTE ». L'excuse voulant qu'il y en avait
marre de sans cesse utiliser un bouton pour sauter, un autre pour
tirer, un autre pour interagir, a amené Monsieur David Cage que je
ne porte plus du tout dans mon cœur depuis la sortie d'Heavy Rain(malgré les excellents souvenirs que j'ai pu avoir sur The Nomad
Soul) à tout simplement faire tout passer par des actions
contextuelles quand il s'agissait de simplement se déplacer, et de
balancer des QTE à la chaîne quand il s'agissait de scène
d'action. A chaque test ou avis positif sur Heavy Rain, on nous parle
d'originalité. D'un point de vue global, quand on prend en
considération la totalité des productions actuelles, c'est sûrHeavy Rain sort du lot. En revanche je suis souvent très exaspéré
de constater que pour défendre ce que je vois (ça reste mon avis
basé sur la démo toujours) comme un gameplay un peu faible et pas
forcément très instinctif que l'on mette dans la balance le fait
qu'Heavy Rain est une expérience. Je suis au regret de dire que
c'est Fahrenheit l'expérience et Heavy Rain l'aboutissement.
Fahrenheit est un bon jeu. J'y ai joué
avec un certain plaisir, laissant de côté les grosses faiblesses
techniques (à l'époque déjà) pour m'intéresser à cette ambiance
assez captivante qu'a réussi à créer David Cage et son équipe
(qu'on a tendance à oublier un peu quand on parle de ses jeux).
L'histoire est sympathique au début, avec de bonnes idées comme la
possibilité de voir l'enquête sous différents points de vue.
Malheureusement, il cumule la totalité de ce qui me gonfle dans lesQTE et en profite pour élargir le spectre de l'énervement à un
point que je ne pensais pas possible après les planches de Shenmue 2.
Certains passages sont juste éreintant. Deux milles boutons à
l'écran, pas énormément de marge d'erreur et surtout des séquences
diablement longues. Ceux qui y ont joué me diront ce qu'ils ont bien
pu penser de la scène de la cuisine du héros...je n'en suis jamais
sortie.
L'interface en plein milieu de l'écran...quelle bonne idée!
C'est avec Fahrenheit que j'ai vraiment
mis le doigt sur les deux plus grosses faiblesses de cette mécanique
de gameplay. La première c'est qu'il n'y a jamais de temps mort.
Certains vont sans doute apprécié le fait de ne jamais lâcher la
manette. Mais dans un jeu qui a des prétentions cinématographiques
au niveau de la mise en scène, j'ai horreur qu'on ne me laisse pas
tranquillement suivre l'histoire durant les cinématiques. On a accuséMetal Gear Solid 4 d'être une cinématique géante, de nous voler la
manette en permanence (à juste titre ceci dit) et bien j'accuse Fahrenheit de m'empêcher de
suivre tranquillement les moments qui ne nécessite pas mon
intervention. Le deuxième vrai souci et c'est là que ça devient
vraiment gonflant, c'est qu'à l'instar d'un Guitar Hero qui au final
est un jeu de QTE rythmique avec un instrument en plastique, il est
impossible pour un être humain normalement constitué de se
concentrer à la fois sur l'enchaînement de touches qu'il doit
effectuer et sur ce qui se passe dans l'histoire du jeu. A ce sujet,
la scène du bureau avec les acariens géants de Fahrenheit estl'exemple typique de ce qu'il ne faut surtout pas faire. Bouffer tout
l'écran avec des rappels de couleur et gâché ce qui
potentiellement peut-être une scène intéressante.
Pourquoi prend-je le temps de faire un
article aussi long sur un simple bouton qui apparaît à l'écran?
Parce qu'il me semble aberrant que ce raccourcit à du gameplay
intelligent ne soit pas au moins exploité de manière solide, plutôt
que balancé comme un palliatif à la flemme d'un game-designer. Tout
dans le jeu vidéo moderne tend à nous immerger dans le jeu. Il
reste encore beaucoup de HUD, d'éléments régulièrement mis en
lumière par cet excellent chipoteur d'Upselo qui peut casser
l'immersion, et pourtant l'une des choses les plus évidentes qui est
simplement de nous faire oublier qu'on a une manette dans les mainsest aujourd'hui régulièrement brisée par l'apparition d'un bouton
au milieu de l'écran. Apparition qui est devenu une mécanique
courante et surexploitée de manière sommaire. Pourquoi doit-on dansGod of War achever un cyclope monstrueux avec un gros bouton ROND qui
tourbillonne au dessus de sa tête, alors que Shadow of the Colossusa prouvé qu'on pouvait abattre une montagne de poil et de pierresans aucune action contextuelle? Pourquoi doit-je faire tomber cinq
fois Ryo du troisième étage d'un immeuble pour pouvoir traverser un
trou alors que Lara Croft marche sur une poutre en s'équilibrant
avec ses bras? Pourquoi Leon S.Kennedy doit-il se défendre au
couteau à coup de R1 et R2, quand Batman met ko vingt-cinq ennemis
sans user d'inscription à l'écran...Vous l'aurez compris, c'est une
mécanique de jeu que désormais je déteste, d'autant plus lorsque
je vois que beaucoup de jeux fantastique s'en passent. Alors il ne me
reste qu'un défi ultime, acheter, finir et donner mon avis sur Heavy
Rain pour décider si le jeu est un pauvre amas de boutons qui
s'enchaînent, ou une vraie histoire qui me fait oublier Dragon's
Lair.