Ce FREAKING HUGE SPOILER ALERT vous est offert par la boucherie Sanzot, inspiring prank calls before the Tube Bar didOh, and also meat.

 

Il y a des moments dans notre individuelle existence dont on ne se remet jamais vraiment. Ceux qui nous prennent par surprise et affolent en l'espace d'une seconde les compteurs de tous nos sens, ceux qui donneraient bien envie de payer des royalties aux héritiers de Tex Avery pour plagier un instant son célèbre loup anthropomorphe et ainsi rendre compte du big bang qui s'opère dans notre esprit. On appelle ces instants des rencontres. Certaines vous laisseront de marbre, mais lorsqu'apparaît celle dont le dosage quasi-alchimique bouleverse tout votre être et fait tomber en slow motion votre persona, vous comprenez en une nanoseconde que rien ne sera plus pareil...

Fez est une rencontre. Fez est un exercice de style. Fez est tout sauf un jeu. Fez n'est pas de ce monde. Derrière cet attribut symbolique se cache une réflexion philosophique sur notre existence et la place que nous occupons en tant que matière dans l'espace. En découvrant ce couvre-chef marocain au début de l'aventure, Gomez - un héros immaculé, tout de blanc vêtu et symbole d'une pureté infantile - s'ouvre à la géométrie de l'espace qui l'entoure, et découvre qu'au-delà de l'univers bidimensionnel qu'il a toujours connu se cache en réalité un monde en trois dimensions. Ce point de départ qui pourrait aisément rappeler le début de bon nombre de quêtes initiatiques est pourtant la première d'une infinité d'ouvertures symboliques et matérielles : le joue#§$élève%¶[ur est prévenu dès les premières minutes : « I told you there were gonna be a lot of doors ». Pour retrouver les 32 morceaux de l'Hexahedron, Gomez devra se jeter corps et âme dans l'exploration d'un immense univers latéralement rotatif dont la structure rappelle aisément les séries Metroid ou les plus récents épisodes 2D de Castlevania.

Ce qui ne restera au final que le prélude d'une quête bien plus complexe et profonde permet néanmoins de se familiariser avec l'architecture débridée de Fez, à savoir une succession quasi-infinie de petits univers comprenant toujours plus de portes menant elles-mêmes à d'autres univers offrant encore plus de portes qui elles-mêmes... Fez fait en grande partie fi de bon nombre d'explications pour ne proposer qu'un maigre tutoriel et ainsi laisser chaque nouveau joue#§$utilisateur%¶[ur explorer à sa guise l'univers qui s'offre à lui. Avec sa galaxie d'embranchements, il obligera même les plus maniaques de l'exploration totale (j'en suis) à prendre sérieusement leur mal en patience, car se perdre et ne plus avoir pour objectif que d'aller simplement de l'avant à la poursuite de l'inconnu qui se cache derrière cette Xème porte fermée fait partie de l'expérience. Et pour finir de décontenancer son auditoire, Phil Fish (le game des#§$génie%¶[igner de Fez, il serait peut-être temps de le citer !) a pris la liberté de s'affranchir avec délice de tout semblant de cohérence dans la succession des environnements proposés, et on finit par ne plus s'étonner de se retrouver au pied d'une montagne en suspension dans le vide après avoir franchi la porte d'entrée d'une minuscule cabane en bois au fond d'une grotte.

Mais essayons de ne pas trop nous ég#§$trop\tard%¶[arer voulez-vous... Le principe de rotation latérale des niveaux ne peut avoir de sens que s'il s'intègre dans un level design diaboliquement astucieux : c'est bien évidemment le cas, sinon cette déclaration d'amour retomberait tel un soufflé. Mis à part quelques docteurs en géométrie spatiale, on ne peut être que béat d'admiration devant l'ingéniosité et le génie créatif qui animent la composition de chaque environnement. Mais même toutes ces qualités réunies ne donneraient au final lieu qu'à un « simple » magistral jeu de plateforme. Ce serait faire insulte à Fez, car au fur et à mesure de sa progression, le cobaye un tant soit peu curieux va commencer à se poser beaucoup, beaucoup de questions : « Pourquoi trouve-t-on tant d'inscriptions indéchiffrables sur les murs ? », « A quoi servent donc ces maudits artefacts ? », « Tout cela a-t-il un sens ? », « Excusez-moi, où est la sortie ? » et autres « What the fuck is going on ? ». A toutes ces questions Fez n'oppose qu'une simple et implacable réponse : « Cherche ». Rien ne vous sera épargné dans la vaste tentative de décryptage de Fez, comme l'aventure Ouverture facile il y a quelques années, chaque réponse sera le fruit d'une profonde réflexion, et il faudra s'armer d'huile d'encéphale pour espérer triompher et recomposer laborieusement les pièces du puzzle.

Alors on note, comme ça, au cas où. Au cas où l'on finirait par comprendre quelque chose à tout ce charabia... Et la récompense finit par pointer le bout de son nez : au détour d'une salle, un dessin griffonné à la craie sur un vieux tableau met la puce à l'oreille, et avec l'émerveillement pur d'un enfant, on apprend enfin à compter... Et s'ouvre alors une nouvelle porte : tout ceci a donc bien un sens, il doit bien exister une pierre de Rosette quelque part ! Et voilà qu'il va falloir désormais porter en même temps les casquettes d'explorateur, de linguiste, d'enquêteur, de cartographe...

On bascule alors dans l'autre dimension de Fez, où la cosmétique première de plateforme révèle avec intelligence et maestria une gigantesque énigme qui telle une véritable lady ne se laissera apprivoiser que par les plus habiles, ceux qui sauront conjuguer curiosité et persévérance en conservant leur cool. Fez est immersif et parvient à instaurer une véritable relation avec le joue#§$partenaire%¶[ur, mais pas simplement sur le plan psychologique. Avec le génie d'un Kojima cuvée 1998, Phil Fish trouve le moyen de communiquer physiquement certains messages : à quelques occasion, la manette se met à vibrer d'une étrange façon... Si l'on n'y prête pas forcément attention au premier abord, le vide platonique qui illustre ces salles mystérieuses amène finalement à se pencher sur ces étranges vibrations qui parcourent les deux mains, pour enfin comprendre que le jeu transmet une missive en jouant sur l'orientation de la manette ! En n'utilisant volontairement que la moitié des moteurs, c'est en réalité un code qui vous est dicté à travers un pattern qui se répète inlassablement... Quelle découverte, et quelle claque ! Les expériences similaires se succèdent alors avec brio et véhiculent avec chacune d'entre elles leur part d'émerveillement, et le plaisir devient vraiment exponentiel au fur et à mesure que l'on fait sauter un par un les verrous de Fez. Parvenir à briser avec autant de classe et de profondeur le quatrième mur, même en 2012 je vous jure que ça force le respect.

Chaque nuit passée sur Fez nous permet d'en apprendre un peu plus sur lu#§$elle%¶[i, son histoire, sa manière de fonctionner, d'appréhender le monde. On y repense pendant la journée. On ressasse ce qui s'est passé la veille. On envisage la prochaine rencontre. Et alors que l'on pense enfin le connaître, en voir le bout, il révèle avec une nonchalance célésto-cosmique une nouvelle facette de sa schizophrénie affirmée en la présence d'un mode first-person complètement inattendu, mais qui relance à lui seul tout l'intérêt de l'exploration : il faudra à présent examiner les environnements sous l'(autre) angle de la 3D pour poursuivre cette quête décidément sans limites...

Faire le tour de Fez ? Vous n'y pensez pas. Fez est trop sauvage, trop complexe, trop savant pour se permettre d'être pleinement apprivoisé. Fez se savoure et se laisse admirer en gardant toujours ses distances, telle une inexorable fuite en avant. Fez ne peut se décrire simplement avec des mots, c'est une expérience alchimique et mystique hors du commun, hors de l'espace et du temps. Il créé un précédent, la marque des plus grands à n'en point douter, car il y aura bien un avant et un après Fez.

Who are you?
And will you be through?

Yeah, it's just a phase... It will be over soon
Yeah, it's just a phase

Retrouvez l'article sur le PMD Blog : https://thepurplemonkeydishwasher.tumblr.com