J'avoue avoir acheté MGS4 un peu par désespoir. Les jeux que j'attendais m'ont déçu sur les démos téléchargeables, la famine pointait le bout de son nez et, malgré mes réticences, Guns of the Patriots ne coûte presque plus rien en magasin. Au final, c'est un achat que je ne regrette pas du tout, et qui m'a même donné envie de rejouer aux trois autres épisodes (donc là j'attends la confirmation de leurs remakes HD !). Cependant, je ne suis pas un grand fan de la série, ni un admirateur de Kojima, qui à mes yeux n'a pas grand chose d'un génie, même s'il a été très en avance sur PS1 avec le tout premier épisode.

MGS4, même s'il se réfère aux épisodes 2 et 3, est la suite directe de MGS1 ; on y retrouve Solid Snake qui part à recherche de son frère ennemi Liquid, qui est aussi accessoirement (ou pas) Ocelot. Solid Snake est donc de retour avec sa nuque longue de héros des années 80, doté d'une moustache de gendarme et d'un bandana qui recouvre absolument tout son front (?). Et il a vieilli, c'est désormais "Old Snake". Le virus Foxdie est en train de le tuer tout doucement.

L'intro nous fait pénétrer dans un Moyen-Orient ravagé par des batailles sans fins. La guerre a changé, nous dit-on, sur fond de musique fataliste, elle est devenue routine. Le ton est grave, l'ambiance est très vite installée. Une heure plus tard, on croise un gars qui chie dans un baril... Deux heures plus tard, c'est un autre qui fait carrément caca dans son pantalon, avec des gros plans sur son arrière-train devenu marron. Ce mélange des tons propre à la série, sans rééllement fonctionner, passait dans MGS1. Les graphismes étant pixélisés, les modèles 3D approximatifs, la PS1 quoi, on était moins regardant, à la fois intrigué par les audaces scatologiques de Kojima et tolérant car face à un concept de jeu nouveau, très en avance sur son époque, qu'on ne parvenait pas bien à cerner. Plus les épisodes se sont enchaînés, plus les graphismes ont évolué, et plus cet humour pipi-caca, en plus de la ringardise de la mise en scène qui abuse des ralentis et des gros plans sur les poitrines à des moments parfois voulus tragiques, a fini à mes yeux par nuire à la série. J'ai l'impression en fait que les défauts, d'épisode en épisode, ressortent de plus en plus, et qu'ils sont malheureusement devenus partie intégrante de la saga car d'une part Kojima n'est pas parvenu à s'en débarrasser (ou n'a pas cherché), et d'autre part car les fans en sont friands. C'est devenu une marque de fabrique.

Nanarland

Je me demandais d'ailleurs si MGS1, souvent considéré comme le meilleur, était un heureux accident de parcours dans la carrière de Kojima ; j'ai finalement trouvé une réponse grâce à cet épisode. Les capacités limitées de la PS1 ne pouvait pas laisser libre cours à Kojima. Elles l'ont bridé au niveau de la mise en scène, et l'ont acculé à la sobriété, dans une certaine mesure. Sur PS3, il se lâche complètement. MGS4 est le summum du nanard sur console de salon. J'ai sous-estimé Kojima jusqu'au bout. À chaque scène qui virait dangereusement vers la ringardise la plus totale, je me disais "Il n'osera pas...". Il a osé, à chaque fois. La surenchère d'action complètement invraisemblable, en passant par la romance la plus niaise d'un ridicule embarrassant, les parallèles de l'impossible, les révélations relevant du grand n'importe quoi façon Lost et d'une avalanche de "Luke, je suis ton père !" ; MGS4 est un festival du cliché en tout genre, comme l'était Twin Snakes, l'épisode sur Gamecube.

On ne nous épargnera pas les méchants tellement sournois qu'ils lèchent leur lame de poignard, les héros ultra poseurs (la scène de "Bang bang" de Liquid... Mon Dieu !), les ninjas qui tiennent leur sabre avec la plante des pieds ou stoppent à la seule force des bras des sous-marins de dix kilomètres de long, les personnages qui changent tellement de fois de veste qu'on ne sait plus pour qui ils travaillent. Dans ses moments les plus sombres, Snake n'oublie jamais de regarder sous la jupe des filles. À force de retournements de situations, de gars qui ont tout prévu et même quand ils se sont faits avoir c'était prévu, je n'ai pratiquement pas compris qui a gagné à la fin, qui a fait quoi et avec qui. On a en quelque sorte l'impression que tous les personnages travaillent ensemble sans le savoir, et donc qu'ils se bagarrent un peu pour rien... Snake est vieillissant, rhumatisant, affaibli, mais au fond il ne lâchera prise que lorsque Kojima l'aura décidé et continue jusqu'au bout d'accumuler les morceaux de bravoure qu'il aurait été incapable d'accomplir dans le 1.

Bref, c'est du grand n'importe quoi, où Kojima essaye tant bien que mal de raccorder les morceaux épars de tous les épisodes, de donner une cohérence à un ensemble très complexe, pas forcément très cohérent de base et parfois très approximatif, tout en faisant revenir des personnages useless histoire de se compliquer la tâche. La personnalité et l'histoire des boss (très charismatique d'ailleurs avant de sortir de leur armure) sont dessinées à grands traits. Unetelle porte une armure de poulpe car quand elle était enfant, elle s'est faite violée par des pieuvres pendant la guerre... Freud n'aurait pas dit mieux.

Certes, c'est souvent longuet. La force de MGS1 est d'avoir démocratisé la mise en scène cinématographique sur console de salon, mais la qualité n'est pas forcément son atout. Et les cinématiques sont toujours trop longues, servant a expliqué laborieusement le background, quand ce n'est pas via codec. Trop longues donc, mais aussi statiques, fainéantes, avec beaucoup d'informations inutiles. Lorsque lors d'un chapitre on doit suivre des traces de pas sur le sol, Otacon n'oubliera pas de nous faire un cours sur les Amérindiens... Mais ta gueule, bordel ! Ici se rajoute des Mission Briefing entre deux actes, d'un chiant absolu.

Un jeu seulement pour les fans ?

MGS4 accumule le plus d'heures de cinématiques, en partie parce que le codec est moins envahissant (donc comprendre qu'on nous envahit un peu plus par le biais de cinématiques). La fin de l'acte 3, par exemple, en prenant en compte le briefing de mission, dure entre une heure et une heure et demi qui aurait pu d'ailleurs passer bien plus vite. Mais Kojima prend son temps, il l'a toujours fait, le fait plus encore ici et, contrairement à ce que j'en ai lu, sans bouffer sur le gameplay. On joue beaucoup dans MGS4. Certes, l'équilibre est inexistant, mais il y a beaucoup de phases de jeu (j'y reviendrai).

MGS4 s'adresse-t-il exclusivement aux fans ? Pas du tout. Il s'adresse aux joueurs qui connaissent la saga, ce qui est différent. Cela est d'ailleurs tout à fait normal ; même si Kojima fait du fan-service, il clôt surtout une histoire complexe éparpillée sur plusieurs épisodes. Je ne suis pas sûr que ceux qui ont découvert Resident Evil avec le 5 aient compris grand chose au scénario (les chanceux !). Ici c'est la même chose, en ajoutant le fait que la saga de Kojima n'a jamais été simple à suivre. Je dirai même que d'une certaine façon, il doit probablement donner envie aux profanes de découvrir les autres épisodes à cause des innombrables ramifications. En quelque sorte, si MGS4 clôt la saga pour les connaisseurs, il ouvre la série aux autres joueurs, chaque épisode étant un pan particulièrement dense en révélations et en questions en suspens.

Le scénario de MGS4, c'est un peu comme le jeu Resident Evil 4 ; le scénario de tous les excès, de tous les défauts, de la ringardise exacerbée, du mauvais goût japonais qui ne connaît aucune limite. Et pourtant, il y a un tel excès également de générosité que j'ai fini par m'y attacher. Il faut prendre MGS4 pour ce qu'il est, et l'apprécier au second degré. Sinon ça passe difficilement, voire même ça casse. J'étais prêt à tout, ayant vu par-ci par-là des bouts de vidéo. Kojima a explosé mes attentes et les limites de ma tolérance à tous les niveaux. Au final, j'ai lâché prise bien avant papy Snake, et MGS4 fut alors un grand moment de franche et agréable rigolade.

Solid Snake le dinosaure

Donc Solid Snake a vieilli, et il n'est pas le seul. Les graphismes aussi ont vieilli. Textures pas toujours fines, animations d'un autre âge ; contrairement à l'ère PS1 et PS2, MGS n'est plus une vitrine technique sur PS3. Kojima découpe son jeu en 5 actes, probablement pour mieux faire passer les chargements du disque (bon là oui, je suis mesquin...). Les deux premiers actes, où nous évoluons au milieu de champs de bataille, sont les moins convaincants visuellement. On y croit qu'à moitié. On regrettera que Naomi n'ait pas le même visage que dans le 1 (un peu en forme de 8 avec des yeux de garce), probablement parce que la motion-capture a été réalisée à partir du visage carrée d'une actrice incarnant également Meryl. Aussi les mains sont souvent trop grandes par rapport aux visages, à certains moments c'est disgracieux.

Beaucoup de chargements entre les niveaux, auxquels on s'habitue quand même. Dans l'ensemble le jeu est au-dessus et à la fois en-dessous de la moyenne de cette gen. Au niveau du savoir-faire, du visuel, c'est japonais, ça on ne s'y trompe pas. Mais MGS4, à l'image de son héros, est un vieux beau plein de rhumatismes, de comportements d'IA qui font tache, de scripts qui manquent parfois de naturel.

Reste que la direction artistique est exceptionnelle, les décors sont vraisemblables, bourrés de détails qui font vrais. La modélisation des personnages est réussie dans l'ensemble, dans le haut du panier. Ce n'est pas le plus beau jeu de la gen, mais il a de beaux restes qui suffisent à faire illusion.

Bac à sable

En dehors d'une IA minable qui ruine absolument tout le côté infiltration du jeu, Alpha Protocol propose un gameplay qui ressemble beaucoup aux vieux MGS, mais adapté à une vue à la troisième personne. De l'observation, des situations en forme de casse-tête pour se rendre d'un point A à un point B, des caméras à contourner, des planques, etc.

Avec MGS4, la proposition est bancale. Elle nous vient en fait de MGS3. Avec Snake Eater, Kojima proposait à nouveau la formule du jeu qu'on voit d'en haut, mais cette fois-ci sans radar. Pourquoi sans radar ? Je peux me tromper, mais je crois que c'était pour une question de réalisme, le jeu se déroulant dans les années 60. Réalisme assez étrange, car on croisait des navettes volantes et un prototype très sophistiqué du futur robot emblématique de la saga. Donc un radar n'aurait pas vraiment fait tache. Pour résumer, les fans ont râlé car il fallait sans cesse passer en vue subjective pour repérer les ennemis et qu'on avançait à la vitesse d'un escargot de peur de se faire repérer. Kojima a corrigé le tir avec MGS3 Subsistence qui offrait cette fois-ci une vue à la troisième personne. Correction salvatrice ? Oui et non, car on sent que le jeu, à la base, n'était pas prévue pour. La vue corrige bien des défauts, mais le gameplay est assez bancal, le jeu trouvant difficilement son équilibre entre infiltration et TPS mal calibré. On a toujours un peu de mal a repéré les ennemis car, tout simplement, il n'était pas prévu par le gameplay d'origine de les repérer de cette façon.

C'est un peu la même chose avec MGS4. Le jeu n'est pas pensé pour une vue à la troisième personne. Avec le radar de MGS1 et 2, on voyait notamment la vision de l'ennemi, ainsi savait-on s'il nous faisait face ou si nous pouvions nous déplacer dans son dos. Dans MGS4, c'est plus difficile et laborieux, malgré le radar. Cela demande beaucoup d'observation, sachant que souvent des ennemis échappent à notre regard ; alors on a le choix entre la méthode lente, que certains apprécient sûrement, ou alors on se lasse et on fonce dans le tas en flinguant tout le monde, ou alors on fait un peu les deux, comme moi, sans être convaincu par la formule. On met aussi pas mal de temps à s'y retrouver dans les innombrables options et équipements.

Kojima n'a pas clairement tranché. Il conserve les éléments de gameplay propre à la saga, et fournit une vue à la troisième personne faute de mieux, probablement parce qu'il n'arrivait pas à résoudre le problème posait par Snake Eater. À la limite, peut-être aurait-il été salvateur d'assumer le gameplay archaïque de MGS jusqu'au bout, avec des décors plus petits et des vues plongeantes sur les situations à résoudre. C'est un peu le même souci qui s'est présenté avec Resident Evil 5. Pour faire illusion sur next-gen, RE5 a ajouté à la va-vite la coop et un système de couverture. Si le fait de ne pas pouvoir avancer et tirer en même temps paraissait dépassé sur PS360 pour nombre de joueurs, cet handicap, qui a fait les grandes heures de Resident Evil 4, était de plus rendu complètement inutile par notre jolie coéquipière, car au lieu d'être un élément-clé du gameplay, il devenait un archaïsme dont on ne comprenait pas la pertinence. Avec MGS4, c'est un peu pareil, on fait face à des éléments qui ont tendance à s'annuler entre eux. D'un côté l'infiltration mais avec une visibilité peu satisfaisante de la situation, d'un autre le recours au TPS d'un autre âge, rigide et mal fagoté. À cela se rajoute un système d'équipement assez peu crédible, surtout aujourd'hui ; on peut acheter des armes et des munitions à partir du menu à n'importe quel moment, en transporter une tonne en passif, et environ cinq dans le menu actif.

Le vrai drame de cette gen ? Le déclin du Japon

Ça n'empêche pas cependant le jeu d'être passionnant. Alors d'un côté, personnellement, je trouve que Kojima en fait trop ; on peut récupérer au moins une soixantaine d'armes qui finissent par se ressembler, des gadgets en tout genre pas forcément utiles (je n'ai fait qu'essayer le petit robot). On est littéralement noyé sous les possibilités, qui sont souvent en doublons, et on a des difficultés à savoir où donner de la tête, alors que les situations peuvent se résoudre avec un équipement de base. Les situations n'ont pas l'immédiateté, la simplicité et la lisibilité des deux premiers MGS, et c'est parfois bien dommage. De ce point de vue-là, MGS4 est loin d'être mon préféré. Reste que c'est un des rares jeux sur cette gen à nous proposer un vrai gameplay, oui trop riche, inutilement trop riche, mais un vrai gameplay quand même dont le joueur doit établir lui-même les limites. Les combats contre les boss regorgent de belles trouvailles, les situations sont intéressantes, extrêmements variées, le gameplay n'est jamais tout à fait le même d'un acte à l'autre, et parfois d'un niveau à l'autre.

Au niveau du gameplay, MGS4 fout la honte à toute la production occidentale. Papy Kojima nous concocte un jeu PS2 HD bourré d'archaïsmes, pas très difficile en général (quoique des fois...), mais sans automatisation ni assistanat abusif, ni checkpoints toutes les trente secondes. En gros, si tu ne sais pas jouer, va voir ailleurs ! C'est une ode à l'inaccessibilité. Il faut retrouver des vieux réflexes, il faut réapprendre à esquiver in extremis durant les combats, c'est du rétro-gaming next-gen où Kojima accumule les références un peu tartes mais nostalgiques aux vieux épisodes, comme lorsqu'on rejouera un petit bout du 1 (qui n'a absolument pas vieilli !). Je ne me rappelle pas avoir déjà vu un jeu aussi varié. Après, tout n'est pas totalement convaincant, mais dans l'ensemble y'en a pour tous les goûts, à toutes les sauces, entre infiltration minimaliste et combat de méchas attendus depuis toujours. MGS4 n'est pas qu'un long film interractif, il a de superbes heures de gameplay à proposer, jusqu'au bout de l'aventure.

Au fond, c'est moins Kojima que la nullité de la next-gen qui m'a réconcilié avec Solid Snake. Sur PS2, mes attentes étaient hautes, j'avais mes goûts. Aujourd'hui, je prends les rares bons jeux qui se présentent, même s'ils ne font pas partie des genres que j'apprécie le plus. Mais j'apprends à les apprécier. Après avoir fini un lamentable Prince of Persia, probablement le fond de l'abîme de la next-gen, Metal Gear Solid 4 s'impose paradoxalement comme la marque de fabrique du jeu vidéo traditionnel avec un véritable savoir-faire. Paradoxalement, car Kojima, sur PS1 et PS2, n'avait rien d'un créateur traditionnel. Il essayait tout un tas de choses nouvelles, il expérimentait les limites entre le joueur et le héros du jeu, ce qui nous donne régulièrement des tonnes d'interprétations illuminées de la part de ses fans. Kojima ne nous surprend plus sur Metal Gear Solid 4. Il n'a plus besoin d'être en avance sur son époque remplie de FPS sans âme (comme il le souligne dans l'Acte 3, et ça m'a bien fait sourire !), il a juste à proposer du vrai jeu vidéo pour pondre l'un des rares produits décents de cette gen.