Pour une fois, ma déception sur un jeu n'est pas accompagnée par l'amertume ou l'aigreur. Habituellement, lorsqu'un jeu me déçoit, tous les éléments d'un bon jeu sont là mais pas dans le bon ordre, et moi qui ne connais rien en programmation, j'ai quand même le sentiment que j'aurais pu faire mieux juste en réorganisant les choses, et en m'occupant du scénario. Pas ici. Je ne pardonne pas les jeux répétitifs qui font preuve d'une grande fainéantise, ni la débilité crasse. Sleeping Dogs ne souffre d'aucun de ces deux soucis. Il ne nous donne de pseudo-choix à aucun moment dans son scénario ; il a tout choisi d'avance car il veut nous raconter quelque chose de précis. Il ne cherche pas à nous émouvoir de force avec des cinématiques interactives ; il nous fait participer à une histoire. Et il se renouvelle jusqu'au bout, juste ce qu'il faut.

Un scénario qui nous implique

Le scénario a des facilités, mais pour servir le jeu vidéo, en gros pour nous donner des trucs à faire, mais ce sont des facilités légitimes pour que ce soit un jeu vidéo. Pour le reste c'est très prenant. Des personnages peu charismatiques à la base ; dans sa volonté de réalisme, Sleeping Dogs souffre au fond (un peu) d'être un jeu vidéo, donc des héros ordinaires de polygones sont moins attachants de base que des acteurs en chair et en os. Mais sur le long terme, ça fonctionne. Les personnages sonnent vrais, ne cherchent pas à être cool ou classes, mais juste des personnages authentiques. Les dialogues sonnent juste, les situations également, c'est un vrai plaisir à suivre. Sur le plan scénaristique, Sleeping Dogs n'est clairement pas un GTA-Like, sachant que pour moi Rockstar c'est un peu les pires scénaristes de jeu qui existent. On regrettera l'absence de doublage chinois, oui, mais même ainsi Sleeping Dogs fout la honte à toute l'industrie, même si finalement peu de monde s'en rendra compte (comme pour L.A. Noire).

On nous raconte l'histoire d'un flic qui, après avoir vécu aux États-Unis revient en Chine et s'infiltre dans les Triades. On aura droit à un parcours classique, avec un univers gris où le monde criminel a sa part de lumière, la police ses zones d'ombres, et un flic borderline perdu entre les deux qui s'enfonce dans la merde. Classique... pour du cinéma. Pour du jeu vidéo, c'est assez exceptionnel. Et les devs ont eu l'idée de faire des missions plus narratives avec plein des mini-jeux réussis (piratage, crochetage, triangulation, etc.) qui permettent d'épaissir l'impression de jouer à un jeu policier, il y a un souci du détail, et j'ai trouvé ça assez super de poser un micro, de devoir régler la fréquence, etc., car ça donne vraiment l'impression d'un gameplay pensé policier. Ça tombe assez rarement dans le film interactif (même si cette impression s'accentue sur la longueur à cause d'un gameplay plat), et ça permet aussi de ne pas avoir un scénario bidon juste prétexte à enchaîner des missions façon GTA.

À noter que le jeu, bien que très violent, ne se complaît jamais dans le dégueulasse, et cherche même à nous épargner le pire.

Un jeu graphiquement daté... de 2012

Le jeu n'est graphiquement pas daté du tout. Je ne sais pas où sont allés les testeurs pour nous sortir leur lubbie du moment, d'autant plus qu'il y a des jeux non open-world moins beaux que celui-là. Les personnages, sans être exceptionnels niveau modélisation des visages, et souffrant pour certains d'un aspect plastique, dégagent tout de même ce qu'il faut pour exister, parce que les dialogues assurent, que les expressions faciales sont juste, et parce que si Sleeping Dogs ne brille pas sur l'aspect plastique (modélisation), il y a un vrai travail de fond en arrière-plan.

Par contre on notera quand même que ça manque de circulation automobile. La ville semble parfois assez vide.

Absence de sensation de jeu

Seulement voilà. Deux étoiles. Un jeu que je recommande tout de même, mais pour pas cher. Le gros souci de Sleeping Dogs c'est son gameplay. La conduite automobile est super simpliste façon Burn Out ou Saints Row The Third, de base ça ne m'invitait pas à explorer la ville qui est pourtant ouverte dès le début. Là où dans GTA4 conduire est déjà un plaisir, dans SD c'est insipide et très vite je cherchais après des taxis ; un gros point en moins pour l'immersion d'un open-world. Les courses-poursuites c'est du Burn Out, rigolo la première fois car spectaculaire, mais tellement superficiel que finalement je n'avais pas de sensations et c'était lassant. Trop facile de virer des ennemis de la route, de tirer dans les pneus, puis l'auto-aim durant le rail-shooting qui colle la visée aux véhicules et va jusqu'à le suivre... vraiment pas intéressant.

Dans le même genre les courses-poursuites à pied façon Yamakazi sont encore plus plates que celles d'Assassin's Creed, en plus d'être scriptées. Il m'est arrivé sans faire exprès d'attraper un type trop tôt, et comme plein de scripts ne s'étaient pas déclenché, j'ai dû revenir au checkpoint précédent pour pouvoir continuer le jeu, suivant gentiment le parcours pré-défini.

Les gunfights sont ratés. Le level-design est en bancs d'église parce que lorsque on passe au-dessus d'une couverture le jeu se met au ralenti, donc le level-design, naze de base et inesthétique, est pratiquement toujours le même pour favoriser l'utilisation du bullet time. Le feeling TPS est très PS2, rigide dans les déplacements, la visée pareil c'est type PS2, c'est archaïque, puis y'a un auto-aim que je n'ai pas réussi à désactiver (c'est probablement impossible) qui s'enclenche une fois sur deux donc ça rend ça confus et très peu plaisant à jouer. Des fois mon arme ne tirait pas et je n'ai jamais su pourquoi. L'IA n'offre aucun challenge intéressant, et comme elle se déplace vite tandis que nous nos déplacements sont rigides, c'est difficile de réagir. Remarques peut-être plus personnelles, mais la quasi-totalité des boutons utiles pour les gunfights se trouvant sur les tranches, il m'arrivait régulièrement de confondre "recharger" et "cover", de plus viser et tirer sont sur les touches à enfoncer, ce que je n'aime pas du tout.

Les combats à mains nues ont un bon système. Ça ne ressemble pas à Batman vu qu'on n'a pas un jeu de rythme où il faut faire des combos, c'est plus classique, un mélange entre Assassin's Creed et Yakuza 4. Contrairement à Assassin's Creed, spammer la touche contre-attaque est une mauvaise idée ; il faut placer les contres aux bons moments sinon on se prend des coups. Le souci vient du fait que le jeu est bloqué en facile, et comme les ennemis ont tendance à attendre pour nous frapper, les contres sont faciles à placer et les combats perdent vite en intérêt vu qu'il est quasi-impossible de perdre. Si on joue mal et qu'on se prend des coups, il suffit de se calmer et de tout miser sur les contres en attendant que la vie remonte. Le jeu ne nous met pas assez la pression, du coup on ne peut pas profiter pleinement du système.

Des quêtes annexes nazes

Au départ je pensais qu'on échapperait aux quêtes annexes du type larbin, genre "Salut je suis un flic infiltré au plus haut-degré de la mafia, mais je peux aussi aller te chercher des nouilles si tu veux". Mais non. On n'échappe pas non plus à l'aspect complétion avec des coffres ou autres bêtises disséminés dans la ville. Les missions de larbin, certaines sont correctes quand on vient en aide à un criminel, d'autres sont nazes voire débiles, et plus le jeu avance, moins il a d'idées.

L'une des missions annexes consiste à aller tabasser des dealers, pirater leur caméra, et ensuite regarder la vidéo d'une transaction de drogues pour désigner le fournisseur. Une belle idée de mon avis qui nous donne le sentiment de jouer un flic, mais la seule. Le reste c'est du classique, ou plutôt du banal ; des Fight Clubs, des combats de coqs, des salles de poker mah-jong, des voitures à voler. Cela aurait pu fonctionner avec un minimum de scénarisation, par exemple faire tous les Fight Clubs nous aurait fait remonter jusqu'à l'organisateur pour une arrestation. Pareil pour le vol de bagnoles. Mais non, et c'est dommage. Il n'y a pas d'enjeu scénaristique, donc on fait ça dans le vide, sans que ça s'inscrive dans l'expérience.

Les sorties féminines font dans le film interactif, mais nous propose chaque fois une activité différente. Contrairement à GTA4, on n'a pas le choix, et on ne peut pas ressortir avec une fille. Notre héros est un coureur de jupons, c'est le choix du jeu, pas le nôtre, et c'est très bien comme ça, même si j'aurais aimé qu'on assiste un peu plus aux conséquences comme dans The Ballad of Gay Tony.

Le GTA-Killer a raté son crime

Pour moi Sleeping Dogs est conçu de manière à écrabouiller sans souci GTA4, rien que pour son scénario de qualité, et la façon dont scénario et gameplay s'entre-mêlent. Mais comme les 2/3 du gameplay sont ratés, les missions, même si bien pensées dans l'idée, sont globalement inintéressantes à jouer. Il y a juste les combats à mains nues qui sont réussis même si trop faciles, et les mini-jeux (piratage, crochetage, etc.). La première partie du jeu se basant à fond sur les bagarres, j'avais un bon feeling. Mais plus ça avance, plus y'a de gunfights et de courses-poursuites, plus j'ai eu l'impression de jouer à un film interactif, car les missions légères au niveau du gameplay me semblaient alors très vides là où idéalement elles nous impliquent à fond, tandis que les autres ne m'emballaient jamais vraiment. Mais dès que je touchais du doigt l'ennui total, la cinématique de la mission suivante me relançait car le scénario est sacrément chouette ; j'avais envie de connaître la suite et je suis allé jusqu'au bout. Une déception au final, mais sans rancune pour une fois. C'est déjà pas si mal.

Sleeping Dogs est pour moi le prototype de ce que devrait être un jeu vidéo ; un scénario n'ayant pas à rougir face au cinéma et la littérature, un gameplay et une histoire intimement liés pour nous faire participer à l'aventure. Mais ça reste un prototype...