T'as le look, coco !

C'est à cause de Sam Fisher que nos héros d'aujourd'hui manquent cruellement de charisme. Alors oui, lui, ça lui va bien d'être chauve. Mais combien ont repris l'idée parce que c'est plus facile de faire un coco que de modéliser des cheveux ? Hein ! Combien ?

Sam désole...

Parce qu'elle n'a pas regardé à droite et à gauche avant de traverser la rue, la fille de Sam Fisher est renversée par une voiture (triste), rejoignant Albert Camus au Paradis des morts absurdes. Sam a donc une grosse pei-peine, il sombre dans l'abîme, se bagarre avec des ivrognes. La déchéance.
 
Pour le remettre d'aplomb, la NSA a donc la bonne idée de lui proposer une mission suicide ; s'infiltrer parmi des terroristes. Seulement, Sam n'est pas aussi doué que Jack Bauer (capable d'intégrer une cellule d'Al-Quaïda en deux minutes), et devra donc passer par la case prison pour aider un terroriste à s'évader afin de sympathiser avec lui.

J'avais lu un test qui disait que Double Agent était un jeu possédant une trame tendue, et un scénario mature (mature... ce mot m'agace déjà en partant), avec un Sam plus humain... Bon, faut pas pousser. Le résumé du dessus tient dans le début du jeu en une cinématique de moins de dix secondes (et plutôt grossière graphiquement). Ça m'a pris plus de temps à l'écrire, c'est dire. Alors si vous parvenez à vous identifier au drame de la famille Fisher aussi rapidement, chapeau !

Le scénario de Double Agent, c'est du Splinter Cell comme on en a déjà vu trois auparavant ; un prétexte pour nous faire voyager aux quatre coins du monde, avec pour toile de fond le monde contemporain, et c'est très bien comme ça.
La mort de la fille est rapidement oubliée, et sert sûrement de prétexte à la scénarisation de la mission-suicide. Sam n'a pas l'air plus dépressif que d'habitude dès que le jeu commence. En fait ça ressemble à ces films d'action où le meilleur ami du héros meurt au début, et le héros décide de le venger tout en faisant des blagues toutes les deux minutes jusqu'à la fin.

La nouveauté scénaristique tient surtout au fait qu'on a deux jauges de confiance, une envers la NSA (nos employeurs) et l'autre envers la JBA (les terroristes), via un système de choix.
Je n'ai peut-être pas tout à fait bien suivi l'histoire, mais je n'ai pas vraiment compris la pertinence de ce système. Sont-ce des choix moraux, ou une sorte de jonglage pour essayer de conserver la confiance de la JBA tout en ne s'attirant pas les foudres de la NSA ? Je n'en sais rien.
Si certains choix sont pertinents, dans le sens où Sam doit rendre crédible sa couverture tout en faisant le moins de dégâts possibles, ou encore lorsqu'il fait face à un dilemme moral (sauver ou non des innocents), beaucoup ont l'air plutôt gadget.
Alors ces choix auront de petites répercussions sur le scénario, et plus rarement sur le déroulement d'une mission, mais on aurait pu facilement s'en passer.

Il faut ajouter que le fait d'intégrer une cellule terroriste, et de retourner régulièrement dans son quartier général pour quelques missions, donnent à l'ensemble une certaine unité et solidité qui manquaient aux précédents épisodes. La trame a l'air plus cohérente.

Le doublage FR, sans être exceptionnel, reste de qualité pour du jeu vidéo. Les personnages sont plutôt clichés et inconsistants, mais ça fait partie de la recette Splinter Cell, et Tom Clancy.

Sam pique les yeux

Le jeu était probablement beau à sa sortie. Aujourd'hui, on voit quand même que Double Agent trempe à peine l'orteil dans l'eau de la next-gen. Le jeu sent la PS2 (un peu boostée) à plein nez. Animation d'un autre âge, modélisation assez sommaire, le jeu est aussi bourré de bugs parfois rigolos, mais de bugs tout de même.

Ce n'est pas moche (quoique des fois...), mais pas beau non plus. Dans l'ensemble, le jeu conserve une allure plutôt correcte grâce à des décors bien reconstitués, mais avec un framerate franchement bas, et qui aura souvent tendance à baisser (sans pour autant nous handicaper).
Ce qui n'aide pas, et a fait vieillir le jeu, c'est que Splinter Cell manque d'identité visuelle, d'une patte graphique bien à lui. Ceci est d'ailleurs vrai pour toute la série. L'aspect artistique est fort convenu.

Les cinématiques sont franchement laides, floues et grossières. Par contre, le jeu a tout de même de la gueule, et nous surprend parfois. Sur les toits de Shangaï en pleine nuit, on a une superbe vue sur la ville illuminée. À l'inverse, le jeu sera clairement décevant sur la partie congolaise, au milieu d'une guérilla urbaine très pauvrement reconstituée.

Mais Splinter Cell a changé en positif. D'abord, on a pour la première fois (je crois) des missions de jour, ce qui donne de la variété à l'ensemble. Ensuite, le contraste des éclairages est beaucoup mieux géré. Dans les anciens, un couloir dans un immeuble occupé était éclairé par des veilleuses au plafond... Il y avait de l'ombre partout pour se planquer, mais on ne voyait rien, devant toujours passer par la vision nocturne (ou augmenter la luminosité de son téléviseur). Le nouveau visuel est beaucoup plus agréable, et même plus crédible.

Sam convient

Le gameplay ne change pas beaucoup. Splinter Cell reste une éloge à la lenteur. Il faut observer, se déplacer doucement, escalader à la vitesse d'un escargot. Ce parti pris depuis toujours participe à l'identité du titre. On s'infiltre en toute discrétion (du moins on essaye...), et on meurt vite ! Alors, nos ennemis sont assez peu résistants, mais nous aussi.

Là où il y a du changement, ce sera avec les terroristes. À quelques reprises, on se retrouve dans le QG de la JBA ; l'un des membres nous donnent une tâche à faire, et il reviendra nous voir dans 25 minutes. Il faut donc réaliser la tâche le plus rapidement possible, et utiliser le temps restant pour d'autres objectifs (prioritaires ou secondaires), sachant que dans certains quartiers qui nous sont interdits, il faudra être discret sans pouvoir recourir à l'étranglement. Puis, avant le temps imparti, être de retour où notre employeur nous attend !

Ces missions-là sont tendues, car on n'a plus vraiment le temps d'observer, on doit faire vite, prendre des risques. Pirater un ordinateur sera plus difficile, car on ne peut pas faire le ménage avant, et les personnages ont tendance à changer régulièrement de position.
À noter un bug fatigant ; il m'est arrivé, au bout des 25 minutes, d'être face à mon employeur sans que la suite ne se déclenche.

Comme d'habitude, il y a les petits-à-côté ; piratage, crochetage de serrure ou de coffre-fort. Pas vraiment difficiles à prendre en main, ces petites phases de gameplay participent à l'identité du titre, bien que le piratage soit parfois tendu (on y arrive parfois à la dernière seconde, comme dans un film hollywoodien).

Alors, il reste les choix à faire, mais sur le fond du gameplay, ça ne change pratiquement rien, et je pense que cette idée de choix est plus un atout marketing permettant de faire croire que la série a évolué, qu'une véritable réflexion en termes ludiques. J'ai joué sans vraiment y faire attention, et les deux jauges sont restées à peu près à 50% de confiance.

Entre faux grands changements et vraies petites améliorations, Splinter Cell Double Agent reste fidèle à la recette de la série. C'est donc un jeu classique, plutôt routinier, et l'une des dernières licences gamer d'Ubisoft. Entre deux blockbusters vides et inconsistants, Sam fait quand même du bien de retrouver un jeu avec du vrai gameplay dedans.