Resident Evil 4 est le jeu de la gen précédente qui, je crois, a fait le plus parler sur console, et dans tous les sens. Porté sur PS2, puis sur PC et sur Wii, il a continué à se vendre par camions entiers. Tueur du genre survival-horror, traitre à la licence, jeu sans prise de risque, avec de l'action pour faire vendre... bref, on a aimé le détester, ce Resident Evil 4, et sur certains forums j'ai même lu des détracteurs qui possédaient toutes les versions... On en dit du mal avec mauvaise foi, mais on n'a pu s'empêcher d'y jouer. Ou au contraire, on en dit un peu trop de bien alors que ses défauts sont gigantesques. Resident Evil 4,  c'est un peu comme le pote énergique qu'on adore mais qui est vite fatigant, c'est le pire et le meilleur du jeu vidéo à la fois.

Resident Evil 4 n'a pas tué le survival-horror. Je n'ai jamais compris cette affirmation. À la limite a-t-il tué la licence Resident Evil, du moins son essence, mais tuer un genre au complet... Comment un jeu pourrait-il faire cela ? Le genre s'est éteint de lui-même parce qu'il n'est pas très vendeur, et il a du mal à renaître (c'est pas le seul par ailleurs). Resident Evil et Silent Hill, pour les plus connus, sont des jeux qui sont nés en partie des limites techniques de l'époque. Ces décors pré-calculés, ou cette brume qui empêche de voir à deux mètres, ce ne sont pas que des choix artistiques, ce sont aussi des contraintes à contourner. Lorsqu'on repousse les limites avec de nouvelles machines, certaines mécaniques ne fonctionnent plus aussi bien, il faut adapter le gameplay. Le survival-horror aujourd'hui est à réinventer. Pour ma part Dead Space n'est pas vraiment un survival-horror, et on verra ce que cela donne avec Silent Hill Downpour.

Mais Resident Evil 4 n'a pas tué le genre. En fait il a plutôt échoué à le renouveller. Pourtant tous les ingrédients sont là, dans une première partie magistrale ; mise en scène des situations, impression d'être un intrus dans un coin perdu ressemblant à l'Europe de l'Est (oui parce que l'Espagne façon Capcom... avec des paysans qui ressemblent à des russes...), munitions limitées, certes moins que par le passé, mais le jeu nous pousse sans cesse au pied du mur. Chose intéressante, le jeu commence en plein jour, dans des endroits souvent aérés, mettant un terme à tous les clichés du genre. Il joue l'ambiance, avec des situations calmes où on a de la marge de manoeuvre, puis alterne avec des rushs de zombies interminables dans des endroits clos et étouffants.

Ensuite, au chapitre 2, ça devient du grand n'importe quoi. Et ça l'était déjà un peu dans le premier aussi, faut avouer...

Je ne sais pas pour les autres joueurs, mais lors du premier run pour moi, Resident Evil 4 fut un festival. Il se renouvelle sans cesse, les décors sont fabuleux, les boss également, il y a des moments d'anthologie toutes les demi-heure (sur vingt heures de jeu, c'est énorme !), les cinématiques sont réussies, avec des personnages bien animés et bien doublés... Pour ma part c'est lors du second run que j'ai commencé à redescendre de ces montagnes russes pour mieux voir les défauts de ce jeu. Le premier run, je suis ébahi ! Je ne me demande aucunement ce que viennent foutre dans Resident Evil les trolls du Seigneur des Anneaux, des Aliens, un bonhomme se transformant en écrevisse géante ou une baleine maléfique dans un lac d'eau douce. Tout est trop bon, trop fun, trop bien fichu, trop prenant. Je ne me pose aucune question. Tous les défauts de Resident Evil 4, lors de ce run, sont à mes yeux sublimés soit par la mise en scène, soit par les graphismes, les idées de gameplay (même celles qui ne servent à rien), et ce second degré salvateur.

Car non, le scénario de Resident Evil 4 n'est pas nul, ou du moins pas plus nul que n'importe quel autre jeu vidéo, et pas plus nanardesque que les autres Resident Evil. La différence, et elle a choqué nombre de fans, c'est qu'avec l'épisode 4, Resident Evil assume son statut de nanard, se moque de lui-même, et parodie au passage une autre grande série de nanards, Metal Gear Solid (qui elle s'est toujours prise au sérieux). Les héros sont poseurs, Ada l'espionne se balade en robe de soirée galante au milieu de paysans consanguins, Krauser semble sortir tout droit de la dernière production de Kojima. Est-ce que tout cela est réellement voulu ? Difficile à dire avec les Japonais. Mais Resident Evil n'a jamais été Silent Hill, la série a toujours eu ce côté ridicule et too much, cet aspect grosse série B qui tache avec des héros voulus classes et super cool.

Le vrai souci de Resident Evil 4 selon moi, c'est la montée en puissance du gameplay, en plus d'une direction artistique qui part dans tous les sens. Le gameplay n'est pas vraiment action, c'est en fait stratégique, je trouve. Pas besoin de savoir viser vite et juste, d'avoir des réflexes affûtés, mais il faut occuper le terrain, beaucoup se déplacer, utiliser un adversaire pour en repousser plusieurs, gérer son inventaire. Le truc c'est que ça devient limite écoeurant sur la fin, car le jeu ne joue plus l'ambiance, ou de moins en moins souvent ; plus on avance, plus on se tape des rushs. Alors ça se renouvelle, avec apparition de nouveaux types d'ennemis, un level-design qui ne flanche jamais, mais l'ambiance oppressante du premier chapitre laisse place peu à peu à des montagnes russes très prenantes lors du premier run pour devenir lassantes lors des suivants, car le jeu s'étire, il est trop long. Peu importe qu'il se renouvelle, il y a un moment où c'est assez, et où au-delà ça devient trop. De plus le new game + réduit à néant l'ambiance, on est trop bien armé, et le jeu se transforme alors en tir aux pigeons. De même, passer d'un minuscule village à un château d'aristo qui contient des mines de charbon, pour aboutir dans des labos puis une base militaire... Whoa ! Les décors sont variés, ça c'est certain... Avec un souci du détail appréciable, des jeux de lumières et de couleurs que j'admire encore aujourd'hui... Mais difficile d'y croire, tout comme à cette avalanche de boss dantesques mais complètement improbables...

Resident Evil 4 fait-il peur ? Moi il m'a stressé. Après, la peur est propre à chacun. Dead Space ne m'a pas effrayé une seule fois, trop scripté, trop de checkpoints et de munitions. Le stress de RE4 vient, pour ma part, du fait qu'on se sente intrus au début du jeu, que les situations sont mises en scène, que chaque nouvel ennemi ou boss est présenté par une courte cinématique (une à deux secondes) qui permet d'identifier le danger sans couper le rythme du jeu. Les zombies débordent lorsqu'ils approchent, essayant de nous encercler. On ne peut pas tourner la caméra autour de soi, ce qui est chiant dans un TPS, mais approprié je trouve pour ce jeu-là qui joue avec nos perceptions. Puis il y a des boss sacrément impressionnants, surtout ceux en lieux clos, dans des couloirs étriqués, ou celui qu'on croise dans des cages suspendues... Certains m'ont donné des sueurs froides. La musique stridente, repompée sur Silent Hill d'ailleurs, annonce les ennemis qu'on ne voit pas toujours, et la première fois, ça fout les nerfs. Puis la musique glauque et apaisante près du marchand d'armes... ce havre de paix... là on sait qu'on n'aura pas de mauvaises surprises. Le travail sur les bruitages qui laissent croire à un danger, ou qui l'annonce. Resident Evil 4 n'a peut-être pas fait peur à tout le monde, mais le travail pour créer cette peur est de haute volée, il nous a aussi épargné nombre de clichés ou de recettes faciles.

Imparfait et irrésistible, énervant mais charmeur, Resident Evil 4 fut l'un des jeux les plus emblématiques de la gen précédente. Les détracteurs ont beau dire que c'est un mauvais Resident Evil, ils sont incapables de ne pas reconnaître que c'est également un sacré bon jeu. N'empêche, il aurait pu être encore bien meilleur... et c'est très agaçant.