Je joue toujours en facile à God of War. J'ai essayé le mode normal du 1, et même si ça ajoute du piment aux combats, je n'ai jamais vraiment accroché au gameplay BTA de cette série ; trop bourrin, pas vraiment subtil, et un martelage des touches un peu fatigant. Pourtant j'y rejoue régulièrement avec un réel plaisir.

Ça raconte quoi ?

Le premier GoW a introduit un héros plutôt intéressant dans notre monde vidéoludique rempli de personnages sans intérêt. Kratos dans le premier n'est pas la brute épaisse enragée qu'on connait aujourd'hui. C'est un général spartiate ambitieux et sans scrupule qui a donné son âme au diable (ou à Arès, mais c'est pareil) pour dominer sur le champ de bataille. Mais nous, quand on commence le jeu, on contrôle plutôt une loque humaine suicidaire (et toujours sans scrupule) qui demande à Athéna de lui vider la tête de ses souvenirs. Athéna accepte plus ou moins (en fait on comprend dès le début qu'elle répond à côté) si en échange Kratos va défoncer Arès qui lui-même défonce Athène.

Dans le 2, on commence à entrer dans la légende de Kratos l'enragé pas subtil, même si la trame reste sympa. Kratos est devenu le nouveau dieu de la guerre, et comme son prédécesseur il passe son temps à tout casser histoire de s'occuper. Comme ça dérange l'Olympe, Zeus se débrouille pour le vider de ses pouvoirs, et Kratos fâché tout rouge part en guerre contre lui.

Les deux premiers GoW ont chacun une histoire qui se laisse suivre sans déplaisir. Ce sont parmi les rares jeux où je suis la trame à chaque partie. Cinématiques peu envahissantes qui encadrent très bien des phases de gameplay conséquentes, mise en scène qui dynamise vraiment le jeu au lieu de l'étouffer, et un gros côté série Z assumé qui rend le tout assez rigolo quoique mal dégrossi. Le fait est que ce héros a le mérite d'être inclassable ; pas vraiment un héros car il bute des innocents si c'est utile ou se fout royalement de leur sort, pas vraiment un méchant non plus, en fait Kratos est un connard. Un connard, car même si on comprend ses raisons, sa façon d'agir est vraiment déplorable, et c'est assez amusant à suivre ! Ce n'est pas qu'il est cruel ou sadique, c'est juste qu'il se fout du sort des autres comme c'est pas permis.

C'est beau ?

Graphiquement ça reste de toute beauté. Le 1 a perdu de sa superbe sur les personnages et certains monstres mais reste tout à fait joli. Le 2 est encore magnifique aujourd'hui. La direction artistique ne fait pas dans la subtilité, et les décors sont souvent juste des prétextes à des énigmes géantes ou des combats. L'ambition de Santa Monica n'est pas de créer un monde grec crédible ; c'est avant tout le level-design qui prime, et celui de GoW 1 est un modèle du genre avec une cohérence d'horlogerie suisse assez remarquable. Le 2 lui se disperse pour privilégier la diversité des décors et des ambiances, tout en conservant la logique du 1 et de ses allers-retours éclairants quand on se dit :"Ah ok ! Ce truc que j'ai vu il y a une heure, ça servait donc à ça !". Excellent.

Ce que j'aime surtout dans ces deux GoW là, et aussi dans Ghost of Sparta (un peu trop automatisé par contre celui-là), c'est de retrouver le plaisir de mon enfance face à des films comme le vieux Choc des Titans ou le Septième Voyage de Sinbad. Les gros monstres, les créatures fantastiques, les grosses énigmes, les décors grandioses et fabuleux. Et la mise en scène ingame avec des gros QTE pas subtils qui renforcent ce plaisir, la caméra qui s'éloigne sur certains trajets pour placer une vue imprenable, avec la musique derrière qui finit de rendre épique une aventure démesurée.

On s'amuse ?

Bien que ce soit un BTA, c'est tout le reste que je préfère dans GoW. Les phases de plateformes avec certains morceaux pas évidents du tout, notamment dans le 1 en Enfer, les énigmes juste assez simples pour ne pas freiner notre progression, pas assez complexes pour nous triturer la cervelle. Les combats scriptés contre les boss aussi sont assez monumentaux dans leur genre au niveau de la mise en scène. Après il faut prendre les GoW pour ce qu'ils sont ; des jeux grand public, mais à l'époque où grand public ne rimait pas encore avec jeux automatisés accessibles. C'est-à-dire qu'il y a du challenge, un vrai jeu quoi, même si moins riche profond que des BTA traditionnels comme Devil May Cry.

La partie BTA manque de finesse. Même en voulant offrir un jeu simple à prendre en mains, on pouvait proposer mieux, comme le fera plus tard Heavenly Sword avec un système basé sur la vitesse d'attaque par rapport à l'adversaire, et des contres. Après ça reste rigolo, la sensation de puissance est bien présente. J'ai toujours trouvé que God of War abusait des gros monstres, on croise trop de cyclopes ou de cerbères, et il aurait peut-être mieux valu des apparitions plus sporadiques pour conserver l'aura de ces créatures, voire les utiliser comme boss. Le dosage est selon moi mal fait, la récurrence des mini-boss étant d'ailleurs un problème fréquent dans le jeu vidéo.

Au fond God of War mériterait des combats plus subtils et une utilisation du bestiaire mieux dosée. Le gameplay en lui-même a de franches réussites au niveau du level-design, des phases de plateformes et des énigmes quand le coeur du jeu, les combats, est éreintant et pas très intelligent ludiquement parlant, même si les sensations de puissance barbare sont bien restranscrites. Par contre l'aventure est bien là à travers des grosses créatures très bien faites et une mise en scène qui colle au gameplay au lieu de le supplanter. Un peu comme Shadow of the Colossus, God of War 1 et 2 c'était la next-gen avant l'heure. C'était aussi du grand spectacle dont on était l'acteur actif, et non le spectateur passif. L'époque des QTE pas permissifs. Dans le genre, on a pas fait mieux depuis. Un jeu où je retrouve des plaisirs d'émerveillement de l'enfance, mais avec des grosses gerbes de sang en plus. C'est super, quoi !