Il y a, généralement sur console portable et téléphone, tout un tas de petits jeux essentiellement ludiques. On nous propose un défi ne reposant que sur la réflexion, la logique, ou l'adresse. Tetris, Lumines, tous les jeux façon puzzle ne sont que pur gameplay, avec un habillage autour. De même que dans Super Meat Boy, la direction artistique est là pour rendre le jeu agréable à l'oeil et non lui donner un sens.

À l'autre extrême on trouve, ou du moins devrait-on trouver, le contraire ; des jeux qui se définissent par tous leurs éléments ; leur scénario, leur direction artistique, leur gameplay devant idéalement servir à nous faire participer à une aventure, nous immerger dedans. Seulement un héros humain qui s'auto-régènere comme un X-Men, ou un ennemi présenté comme terrible alors qu'il est myope et sourd (et chauve !) nous font retomber dans le défi purement ludique pour échouer lamentablement sur le plan narratif.

Portal lui se présente comme un jeu de pur gameplay ; on se balade dans des salles de puzzle. Les décors sont purement fonctionnels, se réduisant à des éléments de level-design. Le découpage est lui aussi artificiel, cloisonné. Pas de sentiment de continuité ou d'évolution. On fait une salle, puis via un portail on passe à une autre.

Mais deux éléments changent tout. On incarne un être humain, là où dans les jeux à puzzle on déplace souvent un objet, comme une boule par exemple. Et un ordinateur nous parle. Nous ne sommes pas en train de résoudre des puzzles, nous sommes le cobaye d'un test. Ainsi Portal parvient à créer une aventure humaine avec les éléments de pur gameplay.

Alors on avance de salle en salle, on écoute cette voix robotique qui nous ment grossièrement, tente de nous manipuler, ou nous gratifie de compliments mielleux. Puis arrive un moment où l'un des décors complètement artificiels nous perturbe ; c'est quoi cette rouille ? On passe de l'autre côté du miroir, il y a un escalier. Là c'est fermé, mais c'est sûr ! On va sûrement pouvoir s'évader !

Et là je ne suis plus en train de relever un défi proposé par des créateurs, je suis à fond dans l'idée de déjouer l'ennemi du jeu. J'attends la prochaine faille dans le décor. Pourtant tout est scripté, tout est prévu, le chemin est tracé d'avance. Mais cet ordinateur m'énerve avec ses remarques bidons !

Le jeu est remarquablement universel, et l'héroïne qu'on pourra difficilement apercevoir aurait pu être n'importe qui d'autre, elle aurait pu être nous. Tous les éléments narratifs, d'ailleurs très légers, ne servent pas à raconter une histoire, mais à intensifier notre désir d'évasion. Pourquoi sommes-nous testés ? Cette question n'a aucune importance dans le jeu, elle est superficielle. Oui, je me pose des questions dans le jeu face à certains indices et pseudo-révélations, mais je veux surtout trouver la sortie. Les autres questions viendront plus tard ; c'est-à-dire jamais puisque le jeu sera fini, et c'est très bien comme ça.

On avance avec le désir de trouver d'autres failles dans les décors abstraits. Puis des messages apparaissent ! D'autres cobayes sont passés par là. Et vient la rupture ; j'évolue dans le jeu. Là où les salles de test sont séparées artificiellement, contrôlés que nous sommes, la fuite est continue, sans pause. Les énigmes abstraites deviennent des pistons à éviter, la machinerie interne rouillée, les entrailles sales permettant aux salles de tests immaculées de fonctionner.

L'ordinateur ne nous complimente plus, et nous menace d'ailleurs ; on n'aura pas le droit au gâteau ! Il y a quelque chose de ridicule dans cet ordinateur ; ses répliques enfantines, son intelligence grossière. Les créateurs ont dû s'amuser avec, faire dans l'humour plus qu'autre chose, mais en même temps je trouve que ça fonctionne ; être le jouet d'une intelligence limitée donne envie de s'affranchir, d'utiliser les outils de test comme des armes.

Brillant, à sa manière.