Max Payne, c'est quoi ? Le mélange improbable entre le cinéma de John Woo, le légendaire Humphrey Bogart et la mythologie scandinave... Cela donne au final un jeu qui se rapproche au niveau du gameplay des Die Hard, un héros increvable nettoyant aux flingues toute la racaille criminelle de la ville, et de Batman pour l'ambiance ; ville nocturne sous la pluie, psychopathes complètement barrés, pègre, univers policier classique voire stéréotypé, décors composés d'hôtels sordides et de hangars désaffectés.

Mais ce qui a fait également la marque de fabrique de Max Payne, c'est Max Payne lui-même avec sa veste de cuir indémodable. Comme le studio manquait de moyens, on a utilisé le visage assez particulier d'un membre de l'équipe (Sam Lake), ce qui a donné ce perpétuel rictus un peu ridicule qui a marqué les esprits. Rien que ce détail a insufflé au personnage la dose d'originalité nécessaire pour le rendre inoubliable.

Gone baby gone

Max Payne, c'est l'époque où les jeux sont devenus suffisamment beaux pour qu'on les admire, et pas assez pour qu'on puisse les prendre au sérieux. La bonne époque. Ainsi lorsque le jeu commence, l'inspecteur Max Payne rentre chez lui, découvre qu'on a assassiné sa femme, et flingue deux ou trois vilains aux visages étirés et aux dessous de bras extensibles (grande mode à l'époque sur PC). On n'y croit pas une seconde, et l'éternel rictus de Max Payne ne nous encouragera pas à verser des larmes sur ce drame domestique poignant.

En fait Max Payne, c'est rigolo. C'est à la fois une histoire plutôt bien racontée à l'aide de cinématiques et de bandes dessinées, mais en même temps suffisamment surjouée pour rendre le tout plaisant à suivre. Contrairement à aujourd'hui, le jeu ne cherche pas à nous émouvoir. Les doublages forcent le ton, les visages dans les bandes dessinées ont des expressions exagérées, surtout celles de Max Payne qui fait des tronches pas possibles tout au long de l'aventure. Le savent-ils ou non, je m'en fiche, mais les scénaristes adoptent un ton en parfaite adéquation avec le rendu visuel. Plus sérieux et ça tombait un peu à l'eau. D'ailleurs le 2 conservera ce ton dramatique un peu ridicule avec des héros légérement too much, et sera tout aussi plaisant à suivre.

Un dernier verre avant la guerre

C'est aussi côté gameplay que Max Payne a marqué les esprits. On pouvait faire "comme dans Matrix", disait-on à l'époque, même si au fond ce n'est pas tout à fait vrai. En gros la recette désormais connue de Max Payne ce sont des gunfights très hollywoodiens où on saute sur le côté au ralenti en flinguant au petit bonheur la chance. La. Classe. Très répétitif mais pas forcément lassant pour autant, le jeu se renouvelle en proposant de temps à autres des situations inédites (comme lorsqu'on se retrouvera sans arme), et des configurations de lieu souvent différentes. De nombreuses situations sont mises en scène (des méchants qui discutent, la plupart du temps), ce qui renforce la crédibilité de l'univers. Reste des cauchemars assez pénibles qui tiennent du numéro d'équilibriste avec une jouabilité des plus approximatives.

Ce gameplay n'est pas vraiment profond mais il est agréable. Le plaisir vient d'un mélange de classe visuelle et de tension pure lorsqu'on voit passer au ralenti des balles autour de notre héros. On joue et on admire en même temps ce que nous sommes en train d'accomplir, contrairement à des Batman AA ou des Ezio qui jouent à notre place.

Sacré

Max Payne, c'est un jeu avec du caractère, autant visuellement qu'au niveau du gameplay. Pas forcément un grand jeu, mais tout de même un des rares qui a su imposer un héros de type réaliste et lui donner du charisme malgré (ou grâce à ?) une tronche rigolote. Novateur sur bien des points, c'est aussi un jeu où le scénario et le gameplay sont intimement liés. Un jeu fait avec un tel amour que même les solutions de secours (comme le recours à la BD) sont devenues ses traits identitaires. Un classique, quoi.