Mes impressions après 6 heures de jeu

J'en suis à 6 heures de jeu, et globalement 6 heures de souffrance. Tout coûte cher. Vous voulez améliorer votre perso, faut débourser, mais dans quoi ? Armes blanches, armes à feu, crochetage ? Le temps de récolter l'argent on vous propose une carte, et là on hésite à l'acheter, car ok c'est juste 100 pìèces d'or, MAIS c'est aussi 100 pièces d'or en moins sur mon 300 douloureusement acquis, et il m'en faut encore 200 pour améliorer mon perso... Puis faut l'équiper en plus ! Des fois, en étant malin, on encaisse des avances sans faire la mission, on marchande pour avoir un truc gratuit, on se débrouille, quoi.

Sans compétence les combats sont ardus, faut frapper pile au moment où l'attaque ennemie est sur le bord de finir, parce qu'une fois finie l'adversaire peut à nouveau parer. Avec les compétences c'est pas évident non plus, vu qu'en face lui il en a aussi, et généralement plus que vous. Et quand ils attaquent à deux, là c'est affreux. Alors ok, contre ces deux types je peux rien faire, mais de nuit, quand l'un s'en va dormir, je peux essayer de me faire l'autre. Dans certaines situations, on peut attirer l'ennemi vers un PNJ qui va se charger de le combattre à votre place. On y gagne généralement rien, mais ça libère le passage (une fois morts, certains ennemis ne reviennent pas).

Puis hop, après avoir souffert on tombe sur un trésor, et là on a 1700 pièces d'or et on se sent riche comme un roi ! 5 minutes après y'en a 1000 qui partent dans une compétence qu'on convoite depuis  3 heures, et pour une autre il nous manque 300... Bref, euphorie de courte durée. Et c'est ça qui est super dans ce jeu. Tout à un prix, tout se mérite à la sueur et la persévérance.

Le jeu possède un système très solide et particulièrement exigeant. On ne se retrouve pas à dézinguer des dizaines d'ennemis à la fois. On les évite, on les contourne, on les piège, on meurt souvent à tenter le diable. Tout est assez réaliste, pas de mouvements spectaculaires, le personnage ne saute pas très haut. Les ennemis sont en nombre raisonnable. On vous surveille quand vous entrez dans une maison, et on vous attaque si vous pillez les coffres. Les quêtes sont plutôt convaincantes, et là où dans les RPGs elles sont généralement une corvée pour monter son personnage, ici elles se présentent comme une nécessité. C'est comme un travail constant, au jour le jour. C'est le coeur du jeu.

Et c'est gratifiant. On sent qu'on franchit des palliers. Ce que j'aime vraiment pas dans les RPGs c'est ce sentiment d'insatisfaction constante. On court après l'XP pour avoir des compétences en pensant que ça va rendre le jeu meilleur, puis une fois acquises, on veut une autre compétence, et ça n'a pas de fin. Ici ça prend tellement de temps qu'on sent bien qu'on pourra pas tout débloquer, alors on fait des choix, tout le temps. La compétence acquise marque un véritable changement. Pour moi qui dirige le perso vers le combat, posséder un pistolet, ou acquérir la parade, ça change mon approche des combats de manière palpable. J'ai pas juste un mouvement en plus pour bourriner comme un idiot. Mon personnage s'améliore, dans le sens concret du terme. Je peux être plus offensif, mettre la pression, je sens mon personnage meilleur. Mais il ne semble pas pour autant monter en puissance, et cet équilibre fait tout le sel du système. On ne passe pas de daube infâme à Superman, de 100 PV à 4000 PV. Il s'améliore de façon cohérente et mesurée.

Et c'est ce qui permet à une histoire de pirates plutôt clichée d'être prenante. Parce qu'on galère tellement (sans que le jeu soit injuste) qu'on veut avancer avec rage, que ça débloque enfin, et on s'accroche parce que les petits détails du système de jeu narrent infiniment plus de choses que les purges façon The Last of Us ou les dialogues interminables d'un Mass Effect. Pas de drame ou de "maturité" ici, les persos rigolos servent globalement à donner des quêtes, et quand les choix de dialogues proposent du background, c'est souvent parce qu'ils contiennent des informations pour remplir des missions de manière alternative, ou pour en débloquer d'autres. On parle beaucoup, mais utilement ; ça fait partie des phases de jeu, au lieu d'être déconnecté du gameplay. C'est le gameplay.

Pour l'instant je ne comprends pas comment ce jeu est resté dans l'ombre. Je trouve ça tellement mieux qu'un Skyrim, qu'un Dragon's Dogma, grâce aux détails qui font vrai, au refus du spectaculaire, à son côté super terre-à-terre. Risen 2 ne cède pas à la facilité de se dire "On s'en fout, c'est du jeu vidéo" pour se vautrer dans des mécaniques qui n'ont aucun sens. Il propose une aventure qu'on ne peut pas affrontrer d'un bloc, où on ne débarque pas dans des zones pour les nettoyer. Si on veut traverser, va falloir trouver des moyens détournés, faire preuve de patience, remettre à plus tard. Comme dans la vie quoi.

La critique

Risen 2 Dark Waters propose un univers classique et exotique. Les pirates sont bien campés mais pas surprenants pour un sou, et leur authenticité fictionnelle viendra de leurs dialogues colorés. Les Indigènes sont fortement inspirés des tribus de l'Amérique du Sud, tandis que l'Inquisition prend modèle sur les colons européens. Donc classique, ce qui favorise un univers solide visuellement avec lequel on est familier. L'exotisme viendra de sa faune ; on y retrouve des phacochères et des singes, mais également des créatures originales, des dragons à taille d'autruche, des termites géantes. En arrière-plan, une histoire de titans. Notre héros, appartenant à l'Inquisition, doit s'infiltrer chez les pirates afin de trouver une arme capable d'abattre une créature marine légendaire.

Durant les six premières heures du jeu, je suivais l'histoire, les dialogues (en en passant un bon paquet tout de même, car Risen n'a pas, comme beaucoup trop de RPGs, le don de l'économie de salive). Une question de nécessité. Tout coûte cher, tous les chemins me mènent à des impasses, j'évolue difficilement et je mendie auprès du système (comme décrit plus haut), contournant quand c'est possible le difficulté, grapillant un peu d'or par-ci, un peu d'expérience par là.

Passé ce cap, je peux faire évoluer mon personnage de manière satisfaisante, et l'aventure prend des allures de routine. Je me bats mieux (plus fort et plus rapide), donc je traverse les jungles de manière aisée. Plus besoin de contourner, ou beaucoup plus rarement, les zones à créatures. De ce fait, je nettoie ces zones comme dans la plupart des jeux (mais avec beaucoup moins d'ennemis, c'est bien plus crédible), je récolte donc plus facilement de l'expérience, et je récupère aussi plus aisément des trésors ; donc l'or, sans tomber du ciel, remplit mes poches auparavant presque toujours vides. Avant, j'économisais comme un misérable pour m'acheter une chose parmi plusieurs convoitées. Maintenant, je peux en prendre plusieurs. Certes, pas tout. Le jeu ne tombe pas dans la satisfaction renouvelable, c'est-à-dire s'acheter tout ce qui est disponible à tel niveau, avant de recommencer à tel autre pallier, dans un mouvement cyclique propre aux RPGs. Et bien qu'ayant les moyens de progresser, l'accès aux maîtres d'apprentissage n'est pas toujours possible, il faut donc attendre et se contenter de ce qu'on a.

Cette relative aisance, bien qu'amplement méritée, ne me comble que de manière éphémère. La logique du jeu a changé. Avant je me battais pour avancer dans le jeu, son histoire, tout me résistait. J'étais toujours insatisfait, donc toujours avide, acharné, bref en plein dans le jeu à vouloir m'y tailler une place. Maintenant ma place est faite, les quêtes sont des accessoires à ma montée en puissance (certes lente comparée aux autres RPGs), et si j'ai un compagnon, je le laisse entamer les créatures les plus véloces et les plus féroces, qui posent toujours problème, mais problème facile à contourner, là où auparavant contourner était une nécessité.

Je m'intéresse donc moins aux personnages du jeu. Les quêtes, correctement intégrées scénaristiquement, avaient pour moi une valeur. Certes je lisais les dialogues en diagonale, mais j'aimais en saisir l'essence, au moins pour savoir si existait un moyen de remplir les conditions d'une mission, vu la difficulté rencontrée. Maintenant je m'en fous un peu, je les collecte en faisant le tour des PNJs, car j'ai l'assurance de parvenir à les réussir à la pointe de l'épée.

Risen 2 pose donc un problème assez intéressant, du moins une problématique qui, il me semble, n'a été résolue que par The Witcher 2 (parmi les jeux auxquels j'ai joué). Même si les quêtes sont bien écrites, ça ne suffit pas à les rendre prenantes. De la même manière, avoir plusieurs choix de résolution ne suffit pas non plus, puisqu'on les déterminent au début et qu'ils restent les mêmes jusqu'à la fin du jeu. Choisissant les armes blanches et à feu, il serait peu judicieux pour moi d'investir dans la ruse par exemple, n'ayant pas je pense la possibilité d'augmenter de manière satisfaisante dans plusieurs branches différentes.

Risen 2 prend en compte nos actions, ce qui rend notre impact palpable. Ainsi, après avoir volé un type, je vais le revoir pour valider une quête, et le type, tout en me récompensant, me fait savoir amèrement qu'il se souvient de moi et de mon chapardage. Sympa que les diverses options de résolution soient prises en compte scénaristiquement. Mais le tout repose sur un système, et si la difficulté des débuts donne à l'univers du jeu l'illusion d'une aventure fictionnelle, avec des PNJs ayant une routine façon Hitman en plus léger, des comportements aimables ou hostiles qui simulent une vie sociale, lorsque cette difficulté se relâche, on découvre alors que tout n'est qu'accessoire au système de jeu, et non à une histoire.

Dans The Witcher 2, les différentes résolutions sont au coeur du jeu, elles changent non pas juste des lignes de dialogues, mais probablement les dialogues au complet, l'attitude des personnages à notre égard. Une grosse part du jeu ne change pas (il faut bien un squelette), mais une myriade de détails nous donne l'impression de tailler notre aventure, ou du moins celle de notre Geralt, dans une aventure plus grande. Tout ce qu'on réalise personnifie notre partie. Dans Risen 2 c'est le cas lorsque la difficulté est présente, car on en arrache tant qu'il faut déployer un acharnement personnel à trouver des solutions. Par la suite, je me sens moins dedans, mon impact sur le jeu ne m'intéresse plus tant que cela, puisque j'impacte moins une trame, des personnages, qu'un système aux règles solides et plutôt sophistiquées pour le genre (loin d'un Mass Effect quoi), mais un système tout de même. Mon personnage qui avait des choix à faire redevient un simple avatar virtuel, et j'aborde le jeu comme un jeu, là où avant je vivais une aventure (difficile !).

Il est donc selon moi illusoire de penser qu'un jeu de rôle (vidéo) repose sur une succession de choix ; choix de factions, de classes, de races, de sexes et sexualités, de dialogues. Le jeu de rôle, c'est impacter sur les autres personnages du jeu, de manière concrète, et The Witcher 2 y réussit en mêlant des mécaniques façon TellTale (mais avec embrachements !) à une structure de RPG, le système devient un accessoire, ou un outil plutôt, pour raconter une histoire. D'ailleurs le système a des ratés à force de se plier à l'histoire, mais c'est un choix qui a les défauts de ses qualités. Dans Risen 2 c'est le contraire. Tout est bien fait, bien pensé, bien raconté, avec un parti-pris réaliste salvateur, mais le jeu ne semble pas avancer sans nous, nous le joueur, bien qu'au début cela semble être le contraire. Dans The Witcher 2, je fais du délit de sale gueule, sympa avec les personnages que j'aime, odieux avec ceux qui ne me reviennent pas. Dans Risen 2 je n'en vois pas l'intérêt.

Ou alors impacter sur le jeu peut donner un aspect jeu de rôle, nous faire sentir proche du héros, façon Hitman ou Grand Theft Auto, en créant nos propres solutions. C'est le cas au début de Risen 2, au moins en puissance. Il y a deux façons de contourner la difficulté d'un jeu, soit en usant des failles du système (IA, etc), ce qui revient à faire de l'anti-jeu et ce n'est guère satisfaisant quoique parfois nécessaire pour éviter le pétage de plomb (comme avec le boss final d'Uncharted 2), soit en se montrant malin. Ainsi, dans Grand Theft Auto (surtout les vieux), si une cible s'enfuit en véhicule, on peut parfois soit détruire le véhicule au préalable, soit créer un barrage d'automobiles pour le bloquer. J'adore contourner la difficulté de cette manière, couper court à un défi frontal en le sabordant. C'est grisant sans rien retirer au jeu, bien au contraire, puisque la créativité offre une part d'euphorie qui me semble supérieure au sentiment d'avoir relevé le défi. C'est plus fun, quoi, parfois jubilatoire, comme quand Harrisson Ford flingue le virtuose du sabre. Tiens connard, tu feras moins le malin !  Or dans Risen 2, au départ on n'a pas le choix de se montrer plus malin (voire carrément lâche !), car c'est pratiquement notre seul recours, et si les possibilités avaient été un peu plus ouvertes, tout le jeu aurait pu se construire là-dessus ; proposer un défi franchement difficile à relever (sans être impossible) pour favoriser la créativité du joueur.

De là à dire que Risen 2 est raté, certainement pas. C'est un jeu dont il est pour moi facile de percevoir les failles ou du moins les aspects perfectibles, puisque j'ai un recul de joueur. Quand en tant que créateur on a le nez dedans ça doit être infiniment moins évident. Il me semble que le travail fourni est solide, cohérent, logique, profondément pensé, et le résultat bien au-dessus de la concurrence, de Skyrim à Dragon Age en passant par Dragon's Dogma (que j'affectionne beaucoup pourtant). Le problème ne vient pas de la qualité du titre qui va plus loin que les autres, mais de son classicisme total, d'un système peaufiné mais dépassé, qui rate la cible, ce qui est pour moi criant dans les autres titres, mais moins facile à reprocher sur celui-là, parce que la qualité, c'est déjà un énorme plus.

Le plaisir de l'exploration reste bien présent et, quoique facilité, présente des pics de difficulté salvateurs qui nous font parfois rebrousser chemin. Les combats contre les ennemis humains demeurent intéressants et demandent du sang-froid ; le spammage du bouton attaque fait désormais des dégâts, mais en contrepartie cette solution de facilité nous fait encaisser des coups. Il vaut donc mieux rester prudent et jouer le timing si on souhaite économiser ses soins.

Le système d'évolution, perfectible, est bien pensé. On doit obtenir de nouvelles techniques auprès de maîtres, certains nous apprenant à combattre, d'autres à voler, etc. Le souci, c'est que si le maître donne une explication de sa technique, elle n'est pas valable pour le joueur, mais le héros ; c'est juste du dialogue. Une mise en pratique, avec un taux de réussite à atteindre pour valider la technique, aurait permis de nous la faire prendre en mains et d'épaissir le côté apprentissage. Mais c'est sur la bonne voie. De même, au lieu d'expérience, nous gagnons des points de gloire, de renommée en quelque sorte. Ces points permettent de débloquer des niveaux, comme par exemple niveau 2 en Armes Blanches, ces niveaux donnant accès à des compétences. Pour débloquer ces compétences, riposte par exemple, il faudra alors dépenser de l'or auprès d'un maître. On se spécialise donc d'une part dans l'offensive ou la ruse, et dans ses spécialités, il y a des sous spécialités. Fleuret ou sabre ? Pistolet ou fusil ? J'imagine que pour les autres spécialités c'est équivalent, bien que je ne les ai pas visitées.

Chose intrigante et pas forcément idiote ; lorsque nous laissons nos compagnons buter les ennemis à notre place, nous gagnons tout de même de l'expérience. Par contre, si nous attirons un animal vers un PNJ, et que ce PNJ le tue, nous ne gagnons rien (ce qui participe à la difficulté des premières heures). Selon le contexte, il est donc tout à fait possible de vaincre sans péril, en triomphant avec gloire (j'ai réussi à la placer celle-là !).

Le jeu est plutôt joli malgré son petit budget, les personnages sont correctement modélisés, un peu mieux que dans Grand Theft Auto 4, et si on n'échappe pas à des clones, globalement les modèles pour les personnages importants ont de la personnalité. La jungle n'est pas des plus magnifiques et se répète, mais possède une ambiance ; les herbes qui bougent au loin ont un côté menaçant, puisqu'on peut les confondre avec un animal potentiellement très agressif (le dragon-autruche notamment). Les campements en pierre ou en bois ont de la gueule, ports, villages, mini-forts, et avec les petites routines de PNJs le tout prend vie et fait illusion. Les décors sont petits mais simulent bien les distances grâce au level-design en détours, de même ils regorgent de quêtes mais sans l'air d'en avoir trop.

Il y a très peu de personnages inutiles. Je pense que deux tiers des personnages qu'on rencontre dans une ville sont là pour fournir des quêtes ou de l'information, le dernier tiers (peut-être le quart) sont là pour décorer. Ce fonctionnement à l'économie m'a vraiment plu. En effet, les Assassin's Creed regorgent de PNJs, les Open World aussi globalement, mais les modèles se répètent, et cette vie qui fait illusion au début, on finit par ne plus la remarquer. Dans Risen 2, comme chacun a ses petites affaires à suivre (rien de vraiment élaboré non plus, parfois juste des allers-retours), l'illusion fonctionne mieux sur le long terme. Ayant infiniment moins de personnages à gérer, le jeu peut attribuer à la plupart un quelque chose d'unique à faire, tandis que d'autres restent plantés là, des gardes généralement, mais l'un assis par exemple, ce qui suffit à le démarquer de l'autre qui reste debout.

Et c'est à travers cette humilité forcée par un petit budget, mais aussi et surtout un goût du travail bien fait (d'autres auraient fait un jeu générique peu importe le budget) que Risen 2 propose un RPG bien supérieur à tout ce que j'ai pu essayer dans le genre, hormis The Witcher 2 (mais lui il l'a, le budget). J'ai du mal à comprendre comment il a pu rester dans l'ombre. Certes il n'est pas merveilleux graphiquement mais il a un charme certain, puis dans le genre les Dragon Age de la PS360 sont un sacré cran en-dessous. Il est difficile ? Oui, et les Souls alors ? L'univers pirate ? Ça a relancé Assassin's Creed alors que c'est l'un des épisodes les plus buggués !

À l'abordage du 3 !