Voici un an que l'on essaie tant bien que mal de vous conseiller sur les sorties manga, via les multiples tops diffusés sur le site. De coups de coeur en déceptions, chaque mois a apporté son écot de titres de qualité. Mais ces derniers ont ils confirmé ou se sont ils écroulés après un premier tome prometteur? D'autres ont-ils au contraire redressé la barre après des débuts hésitants? Les one-shot marquants ont ils donné envie d'être relus? Des questions objectives auxquelles on a tenté de répondre par ce top 10 totalement subjectif qu'on assume pleinement! N'hésitez pas à le commenter, on adore le chahut^^

 

10: Ajin (Glénat, 3 tomes parus, 6 tomes en cours au Japon)

Le blockbuster horrCouv_250672ifique de Glénat confirme tome après tome que la flatteuse réputation qui le précède n'est pas usurpée. Pour rappel, les ajins sont des êtres humains immortels aussi rares que craints par la population, contraignant ces derniers au secret sous peine d'être transformés en cobayes par les autorités. C'est dans ce contexte que l'on suit Kei, un néo-Ajin en fuite qui va découvrir peu à peu que l'immortalité est loin d'être le seul "privilège" dont il va pouvoir jouir... Graphiquement abouti avec des perspectives et des angles cinématographiques qu'Otomo ne renierait pas, l'auteur maîtrise pleinement le rythme de son récit en alternant combats furieux et phases de réflexion sur l'humanité rappelant furieusement certains épisodes des X-men. C'est d'ailleurs le seul bémol pour le moment au titre: terriblement efficace dans ses mécaniques mais trop peu surprenant dans son déroulement pour le moment pour les lecteurs chevronnés, qui y verront davantage un shonen mature qu'un seinen couillu. C'est ça quand on est attendu, le niveau d'exigence grimpe en conséquence!

9: Poison city (Ki-oon, série terminée en 2 tomes)

Reconnu pour la qualité de ses thrillers aux problématiques actuelles (le terrorisme biologique dans Manhole, les dérives des réseaux sociaux dans Prophecy, etc...), Tetsuya Tsutsui récidive avec cette oeuvre commandée par Ki-oon directement inspirée de son expérience professionnelle, puisqu'on suit ici les difficultés d'un maPoisonCity_ANNONCEngaka confronté à une censure démesurée. En effet, suite à un fait divers sanglant, le Japon se dote de lois bien plus contraignantes sur la liberté d'expression afin de lisser son image en vue de l'organisation de Jeux Olympiques. Multipliant les points de vue sur le sujet sans jamais perdre le fil de sa narration, l'auteur évite l'écueil du manichéisme facile et a l'excellente idée de développer en arrière-plan le manga incriminé pour mieux laisser le lecteur se positionner sur cette question délicate. Un débat qui reste ouvert au final, et si la force du message se dilue un peu dans le second et dernier tome, la faute à quelques effets théâtraux superflus, cette courte série a largement sa place dans toute mangathèque qui se respecte.

8: La fille de la plage (Imho, série terminée en 2 tomes)

la-fille-de-la-plage-manga-volume-1-simple-210669Inio Asano est un auteur possédant un regard lucide et acéré sur la jeunesse japonaise actuelle, dont il dépeint le vague à l'âme avec justesse depuis plusieurs années maintenant, que ce soit dans Solanin ou Bonne nuit Punpun!, entre autres pépites à découvrir d'urgence si ce n'est déjà fait. Il nous revient ici avec un diptyque dont on comprend rapidement pourquoi il n'est pas sorti chez Kana, son éditeur habituel: extrêmement crû et sexuellement explicite, le titre n'est pas à mettre entre toutes les mains. Mais rien de pornographique dans tout cela: l'auteur observe au microscope deux jeunes ados en plein éveil sexuel qui ne voient dans l'acte charnel qu'un exutoire à leurs frustrations: elle, qui cherche à s'extirper d'un quotidien morose à l'avenir incertain, et lui, traumatisé par le décès de son frère et laissé pour compte par des parents trop souvent absents. Des trajectoires qui s'entrecroisent et s'entrechoquent, comme autant de jalons posés pour une relation de couple naissante? Pas si évident, car Asano nous rappelle que rien n'est plus imprévisible que les sentiments humains... Formellement superbe et d'une profondeur sans égale, La fille de la plage est une oeuvre exigeante mais absolument pas frustrante, confirmant l'immense talent de son auteur.

7: Brainstorm' seduction (Kaze manga, 3 tomes parus, série terminée en 5 tomes au Japon)

Bon ok, des shojos, je n'en ai pas beaucoup lu cette année. Mais un titre de Setona Mizushiro, il est juste impensable que je passe à coté, chacune de ses oeuvres parues jusqu'ici m'ayant pleinement convaincu (la preuve ici). Là encore, elle fait mouche: on suit icibrainstorm_seduction_1398 une presque trentenaire en direct...de son cerveau! Car c'est au travers du Comité cérébral, qui personnalise les différentes émotions de la demoiselle, que l'on suit ses difficultés à gérer sa relation amoureuse naissante avec un homme de sept ans son cadet au comportement pas des plus logiques. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est le bordel là-dedans! La moindre décision donne lieu à des débats contrariés et souvent drôles, chacune des émotions jouant sa partition à la perfection, et cela finit régulièrement par des situations plus que cocasses! Sorte de Vice-versa sauce Bridget Jones, l'auteure pianote son récit avec maitrise, alternant joies et peines avec un égal bonheur, et l'on suit les turpitudes amoureuses d'Ichiko avec délice comme on dégusterait une bonne comédie romantique.

  6: Les deules-deux-van-gogh-manga-volume-1-simple-219971x Van Gogh (Glénat, One-shot)

Levant le voile sur une relation complexe dont j'ignorais l'existence, ce one-shot a le mérite de voir la vie de l'illustre peintre sous un jour nouveau. Loin de la vision torturée connue de tous, l'auteur se place du point de vue de Théodore Van Gogh, frère de Vincent et marchand d'art en pleine ascension en cette fin de 19eme siècle. A travers lui, on découvre un autre Van Gogh, obnubilé par sa peinture et la beauté du monde qui l'entoure, complètement en décalage avec la société dans laquelle il vit. A la fois protecteur et jaloux du talent de son frère, il fera tout ce qui est en son pouvoir pour diffuser et démocratiser les oeuvres de ce dernier et des Indépendants, s'opposant (non sans y laisser des plumes) au despotisme d'une Académie des Beaux-Arts enoncée dans ses certitudes et son conservatisme. Basé sur des faits réels (tout en restant romancé), on dévore ce titre mêlant réflexion abordable sur l'Art et comédie dramatique, dont la conclusion pose un regard nouveau sur l'histoire officielle assez intriguant. A découvrir d'urgence, que l'on soit amateur d'art ou non!couverture-zelda-a-link-to-the-past-ishinomori-soleil

Mention spéciale: Zelda-A link to the past Classic Edition (Soleil manga, One-shot)

Je voulais juste mettre un petit coup de projecteur sur le très joli travail éditorial réalisé par Soleil sur ce titre, avec de magnifiques pages couleurs, mises en valeur par un papier de grande qualité et une traduction au diapason. Le tout dans un volume cartonné parfaitement relié. Le tout pour une vingtaine d'euros, pour découvrir ce qui est la meilleure adaptation manga de l'univers Zelda, Ishinomori n'hésitant pas à se moquer un peu de son héros principal. Tout n'est pas  parfait (le titre a plus de vingt ans!), mais cela ferait un joli cadeau aux fans de la saga, et vu le passif de l'éditeur, il fallait le noter!

5: Unlucky young men (Ki-oon, 1 tome paru, série terminée en 2 tomes au Japon)

Quand Eiji Otsuka, l'auteur de MPD Psycho, s'attaque à une période charnière de l'ère moderne du Japon, cela donne un polar social de grande tenue, où se croisent anonymes borderline dont les petites  histoires construisent la grande. Tellement anonymes que les 2 personnages principaux n'ont pas de nom! N, criminel enUnlucky_Young_Men fuite, et T, comique raté, travaillent dans un bar à hôtesses miteux quand T propose à N de tourner dans un film dont la trame ressemble trait pour trait à ce qui restera dans l'histoire comme le braquage le plus mystérieux qui soit...Avec en toile de fond les émeutes étudiantes,la poussée du communisme et  la libération sexuelle comme autant de preuves de cette furieuse envie de liberté qui traverse la société japonaise à la fin des années 60. Servi par un dessin  proche de la perfection dont le classicisme froid colle parfaitement à l'ambiance souhaitée par Otsuka, ce dernier introduit de nombreuses figures de l'époque pour mieux donner du crédit à son récit, rendant la lecture addictive malgré la densité et l'épaisseur du volume. Volume qui se suffit presque à lui même au vu de sa conclusion, ce qui attise d'autant plus la curiosité concernant la suite et fin!

4: Sangsues (Sakka, 3 volumes parus, série terminée en 5 tomes au Japon)

Si vous êtes partons, ne lisez pas Sangsues, vous risquez de ne plus jamais voir votre maison ousangsues-manga-volume-1-simple-225509 votre appart' de la même manière... Imaginez seulement un instant que des personnes profitent de votre absence pour vivre leur petite vie dans votre cocon, écoutant votre musique, utilisant vos vêtements, etc... Angoissant, non? Un pitch accrocheur qui vous happe et ne vous lâche plus, puisqu'on suit une de ces fameuses "sangsues", qui, par un malheureux concours de circonstances, est considérée comme morte. Un statut de prime abord confortable quand on cherche à fuir ses parents, mais qui le devient beaucoup moins quand on constate qu'on est loin d'être la seule à avoir suivi cette voie, et que ces personnes n'aiment pas trop qu'on marche sur leurs plate-bandes...Glaçante de réalisme, cette chronique sociale  gratte là où ça fait mal, dans une société où l'on ne soucie guère de son propre voisin. Si le dessin n'a rien d'exceptionnel, il reste au diapason d'une narration impeccable rendant la lecture on ne peut plus fluide. Montant en intensité au fil des tomes, la série devrait s'imposer comme un must si sa conclusion est à la hauteur.

3: L'oiseau bleu (Ki-oon, one-shot)

l'oiseau bleuIl nous avait déjà fait le coup avec le chien gardien des étoiles, il récidive avec l'oiseau bleu: Murakami n'a pas son pareil pour émouvoir son lectorat, c'est une certitude. Si l'on peut regretter qu'il réutilise le même procédé narratif (2 histoires dont le lien entre les 2 apparit tardivement dans la lecture) et que le dessin peut sembler brouillon par moments, la force du récit et la puissance des émotions emportent tout sur leur passage, qui plus est si on a un petit coeur sensible comme votre serviteur (oui, j'assume mes larmichettes!). Narrant dans un premier temps les déboires d'une épouse courage en proie au découragement face aux difficultés pour s'occuper d'un mari devenu légumineux suite à un accident, l'auteur dépeint les failles béantes du système de santé japonais, qui se débarrasse méthodiquement de ces patients embarrassants, laissant la famille dans le désarroi le plus complet. S'ensuit un second récit qui s'attarde là encore sur les affres de la maladie d'Alzheimer et ses conséquences sur l'entourage. Deux réalités cruelles, mais qui ne sont pas pour autant dépeintes avec misérabilisme, car l'auteur tend à démontrer que malgré les épreuves,la lumière est au bout du tunnel pour tous ceux qui gardent espoir. Un message optimiste qui fait un bien fou, non?dans-l-intimite-de-marie,-tome-1-615734

2: Dans l'intimité de Marie (Akata, 5 volumes parus, 6 tomes en cours au Japon)

Celui-là, je ne l'avais pas vu venir! Sorti un peu de nulle part, avec des couvertures pas franchement attrayantes et un dessin tout ce qu'il y a de plus quelconque, ce titre bascule volume après volume du récit fantastique vers une plongée vertigineuse dans la psychologie adolescente, rien que ça! Au départ, il y a cet échange de corps entre Isao, otaku libidineux, et Marie, lycéenne en tout point parfaite aux yeux du monde. Une ficelle narrative souvent utilisée dans des petites comédies gentillettes, ce qui n'est ABSOLUMENT pas le cas ici!Car Isao, qui découvre les "plaisirs" de la gent féminine  (les règles, le regard des garçons, la jalousie féminine...) tout en cherchant à préserver son secret tant bien que mal, ce dernier panique quand il constate que la personnalité de Marie n'est pas dans son ancien corps! C'est alors que, ne sachant quoi faire, il va peu à peu chercher à "accepter" son nouveau corps, quelles qu'en soient les conséquences... Un titre inclassable, tour à tour dérangeant et magnétique, dont on ne devine absolument pas où l'auteur veut nous emmener (le sait il lui-même?), mais qui charmera celles et ceux qui aiment sortir des sentiers battus.

1: A silent voice (Ki-oon, 5 volumes parus, série terminée en 7 tomes au Japon)

Une évidence, tanta-silent-voice-manga-volume-1-simple-220044 ce titre, tome après tome, confirme sa justesse de ton, avec une maitrise d'un sujet difficile, la maltraitance des handicapés, par son auteur, qui impose le respect. Jamais larmoyante tout en restant touchante, l'histoire qui se noue autour de Shoya et Shoko ne peut laisser insensible: cette dernière, sourde et muette, débarque un jour dans la classe du premier nommé. Curieux et intrépide de nature, Shoya va rapidement s'intéresser à Shoko comme on se penche sur un rat de laboratoire, à son corps défendant. Allant de plus en plus loin pour la pousser dans ses retranchements, il va franchir la ligne rouge et se retrouver lui-même dans la position du paria. Plusieurs années passent et voyant sa vie lui échapper, Shoya décide d'en finir avec la vie, mais doit tout d'abord parvenir à s'excuser auprès de son ex-victime. Mais cette nouvelle rencontre va sonner comme un nouveau départ entre eux, bien qu'on n'efface pas aussi facilement le passé... Les personnages sonnent tous vrai et comme le dessin est au diapason, il faut admettre l'évidence: A silent voice est un chef d'oeuvre, ni plus ni moins.

Merci à toutes celles et ceux qui auront pris la peine de lire l'article jusqu'au bout! N'oubliez pas d'écouter le podcast pour aller plus loin dans l'expérience 3N2G! Bonnes fêtes de fin d'année et à 2016 pour de nouvelles chroniques...