En janvier 2012, deux pandas de Chine arrivent en France, direction Beauval. En mars de la même année, I am alive nous parvient, lui qui avait fait auparavant le trajet inverse, de Paris à Shanghai, après des années d’hésitation et des développements erratiques. Quel était le jeu de Darkworks avant de passer le bébé à Ubisoft et à son antenne AAA ? Aucune idée. En tout cas, on constate que I am alive est un jeu pas comme les autres.
Gestion bon père de famille
Comme dans tout bonne fiction post catastrophe, le héros est un père de famille, grand, brun, qui cherche sa fille et qui, vu ce qu’il est capable de faire, a fait de l’escalade et du krav-maga. On repassera pour l’argument « incarnez un type lambda ». Au départ allant à l’aventure avec sa bite, son couteau et sa caméra HD, le héros revient dans sa ville après 1 an d’absence. Dans un scénario du type « I was in L.A., she was in New York », le héros a vécu loin des siens la catastrophe qui a ravagé le pays, et a marché pendant un an pour rejoindre sa femme et sa fille. Peine perdue, arrivé en ville, elles ne sont évidemment pas là. En revanche, il secourt une petite fille, puis sa mère, et plein d’autre gens en galère.
Dans I am alive, on incarne un vrai bon larbin, qui rend service à tout le monde sans aucune contrepartie. Une petite qui vous donne des ordres, un type en fauteuil roulant qui forcément peut pas grimper sur les immeubles, etc. J’ai rarement vu un héros aussi bonne poire, en mode « syndrome de l’infirmière ». Surtout que, vu que vous leur donnez plein de choses que vous avez galéré comme un dingue pour avoir, on pourrait s’attendre à un contre-don. Que dalle. Juste des indices maigres pour retrouver la famille et des témoignages vaseux sur « Le CHOC ». Merci les gars.
Ainsi on incarne un héros Bon Samaritain, qui est en fait le seul homme valide de la ville, le seul à se balader dans la tempête de sable : on ne croise personne sinon des ennemis ou des grabataires. Last man standing, le héros évolue dans un univers de type bac à sable, mais surtout type tempête de sable.
Sandcastles in the sand
On se paume au début dans la ville sinistrée de Haventon. Faut dire que le sable n’arrange rien. La jauge d’endurance se vide peu à peu (sable + fatigue + déplacements intuiles), donc on peut pas trop s’amuser à explorer, et encore moins à courir dans tous les sens. Les décors sont du fait du climat toujours estompés, effacés, ça fait cache-misère et il faut pas mal de temps avant de s’imprégner de l’atmosphère (à la moitié du jeu, environ). Mais le tout est quand même bien senti, avec une belle unité des constructions, et le paysage est doté d’ un joli grain (de sable) à qui sait apprécier.
Pour s’orienter, on a une carte, façon Silent Hill, mais pas tellement lisible, et de toute façon on passe souvent par les mêmes tracés. L’aventure se mène très vite, une fois qu’on l’a fini une fois on peut vraiment tracer. Donc, la difficulté, c’est déjà de savoir où aller et aussi de retrouver les 20 victimes à secourir, et certaines sont vraiment difficiles à trouver.
Mais voilà, très vite, on a déjà fait le tour du jeu, on se sent à la maison dans les rues de Haventon. C’est le paradoxe de I am alive, un "bon-ptit-jeu" qui aurait clairement dû être bien plus ambitieux. En témoigne son système de combat.
American Bluff
C’est sur le gameplay que le jeu a été teasé : on rencontre des types, souvent belliqueux, parfois tout simplement méfiants. On joue sur la menace, sur le degré de dangerosité des individus, avec comme arme un flingue (même vide, souvent), un arc, et un fusil à pompe dévastateur. On tombe souvent sur un groupe d’environ 4 ennemis, à nous de trouver la bonne stratégie non seulement pour s’en sortir vivant, mais surtout pour ne pas gaspiller ses munitions et ainsi se retrouver comme un con juste après, quand il faudra dégommer une serrure avec une balle de revolver.
Le bluff est essentiel : I am alive, c’est avant tout un vrai survival, pas forcément intense, mais qui oblige à penser, à se rationner, bref, l’instinct de survie. Ce n’est d’ailleurs pas forcément très jouissif, de la même façon qu’au supermarché on achète toujours des trucs qui sont pas sur la liste de courses, ben ici c’est pareil sauf qu’on s’interdit les extras. Tout ça pour ne jamais recevoir de quelconque récompense !
Un survival qui ne trompe pas sur la marchandise, avec ce système de combat qui sanctionne tout abus. D’ailleurs, au moment où on est en droit de regretter que le jeu ne soit pas plus développé, comme tué en pleine croissance, on peut se rendre compte que sur un monde beaucoup plus vaste, un vrai grand jeu type Assassin’s Creed ou GTA, le système de combat aurait véritablement gonflé car répétitif et les quelques astuces pour enrichir les bastons n’auraient rien pu y faire.
I am alive : again
Sans trop spoiler, la fin du jeu laisse penser qu’un volume 2 est en route. Et les victimes à sauver, je m’attendais à une fin spéciale quand on a aidé tout ce petit monde : que dalle, nada, walou. Bref, I am alive est décidément un jeu austère, aride comme une étendue de sable qui irrite la peau.
Cependant, il y a un vrai kif à parcourir la ville et à trouver son chemin. On est en fait à la croisée des genres, entre les jeux d’exploration type Another World, Flashback, Prince of Persia et les jeux open world type Dead Island.
Comme on l’a vu, I am alive ne récompense pas, ne fait que punir dès qu’il peut. Alors que la très grande partie des jeux pensés « survival » ont troqué la survie pour le défouloir, I am alive propose quelque chose de neuf, d’original, bien foutu et mené tambour battant. Il n’y a pas de regret à avoir dans ce passage de "hit en puissance" à "petit jeu en téléchargement" : comme la jauge d’endurance est là pour nous le rappeler tout au long de l’aventure, revoir ses ambitions à la baisse n’est pas forcément un renoncement.
J'en profite pour féliciter feu Darkworks, sans doute présent dans la charpente de ce jeu. Après un Cold Fear grandiose sur PS2, le studio réussit à nouveau à redéfinir le survival, et ce pour leur chant du cygne. La survie était leur terrain de prédilection, malheureusement, ils s'en sont moins bien sortis que leurs personnages…