De retour sur le devant de la scène après des années d’errance, Nintendo prouve avec sa Switch qu’il est toujours un grand maître du jeu vidéo. Retour sur les premiers mois de la console hybride et sur son avenir.

 La Wii U fut un échec. Inutile de le nier. Malgré quelques jeux d’une grande qualité – comme le dernier Smash Bros., Mario Kart 8, Splatoon ou encore Super Mario Maker – la console n’avait pas su convaincre. Une communication floue, un catalogue de jeu désertique et inégal, ce faux-pas a beaucoup d’explication. Heureusement, cette page se tourne désormais avec l’arrivée de la petite dernière de la firme japonaise qui, depuis sa sortie le 3 mars 2017, fait beaucoup parler d’elle. Quatre mois après, l’heure est venue de dresser un premier bilan de la nouvelle stratégie Nintendo.

La Switch s’est faite attendre. Longtemps cachée sous le mystérieux nom de code « NX », elle avait fait l’objet de fantasmes et de prévisions parfois loufoques. Dévoilée pour la première fois le 20 octobre 2016, la console hybride semble avoir convaincu, puisqu’en seulement un mois elle s’est écoulée à 2,74 millions d’exemplaires dans le monde et la firme japonaise vise les dix millions de ventes d’ici la fin d’année. En juillet, 250 000 consoles ont été vendues en France et plus d’un million au Japon et aux Etats-Unis.

 

Un catalogue de qualité

Fort, au lancement, d’un Breath of the Wild qui s’est instantanément hissé au panthéon, le catalogue de la Switch s’est progressivement complété de jeux indépendants de qualité (TumbleSeed, Kamiko) mais aussi de poids lourds au succès écrasant comme Mario Kart 8 Deluxe. D’autres jeux, qui laissaient perplexes de prime abord, se sont finalement révélé d’une qualité surprenante, comme Arms.

Après ce démarrage satisfaisant, la firme japonaise s’est livrée à de nombreuses annonces lors de l’E3 à Los Angeles. La simple existence de Metroid Prime 4 et d’un RPG Pokémon pour la Switch ont fini de confirmer l’engouement des joueurs. Un engouement qui se retrouve dans les chiffres, puisque lors de la semaine du 19 au 25 juin, les trois jeux les plus vendus en France sont tous des jeux Switch : Breath of the Wild, Mario Kart 8 Deluxe et Arms.

Super Mario Odyssey signe le retour du plombier sur console de salon dans un grand jeu 3D depuis Super Mario Galaxy 2.

L’erreur la plus importante de Nintendo avec sa précédente console a été de ne pas maintenir un rythme de sortie de jeu régulier. Pour cette raison, l’horizon Wii U était désertique. Heureusement, la firme japonaise semble avoir appris de ses erreurs, puisqu’on retrouve une sortie majeure tous les mois pour la Switch jusqu’à la fin de l’année 2017. Avec Splatoon 2 en juillet, Mario + Lapins Crétins : Kingdom Battle en août, Pokken Tournament DX en septembre, Super Mario Odyssey en octobre, Skyrim en Novembre et Fire Emblem Warriors et Xenoblade Chronicles 2 prévu également pour la fin d’année. Entre ces grosses sorties de nombreux autres jeux s’inviteront également sur la console.

Autre problème de la Wii U : son abandon par les éditeurs tiers. Ceux-ci semblent décider à exploiter le potentiel de Switch, puisqu’on retrouve des jeux comme FIFA ou Rocket League dans son catalogue. Reste à espérer que ce soutien perdurera dans le temps.

 

La « Nintendo Difference »

Certes, la Switch ne fait pas tourner les titres les plus gourmands en 4K 60 FPS. D’aucuns crieront au scandale, accusant la firme japonaise d’être en permanence en retard, comme avec sa Wii qui n’était pas une console HD, malgré la démocratisation de la haute définition par la Xbox 360. Mais Nintendo est-il vraiment en retard ? La Wii introduisait la détection de mouvement, largement reprise par ses concurrents avec le PS Move et Kinect. En remontant plus loin, on se rappelle que la Nintendo 64 avait également inventé les vibrations dans la manette (via le Rumble Pak) et démocratiser le stick analogique sur manette.

Aujourd’hui Nintendo propose également de la nouveauté, de l’unique. Avec sa console jouable en portable ou en sédentaire dans son salon, ou encore sa motion capture affinée et sa technologie de vibration impressionnante présente dans les Joy-Con, Nintendo fait encore montre de son savoir-faire vidéoludique.

Mais le jeu-vidéo ne se limite pas à sa capacité à être réaliste ou avoir des graphismes impressionnants. Au contraire, il repose avant toute chose sur l’expérience de jeu, le gameplay et les interactions du joueur avec l’univers dans lequel il évolue. C’est cette profonde essence du jeu-vidéo que Nintendo comprend plus que quiconque et qu’on retrouve dans sa fameuse « Nintendo Difference », clamée par Satoru Iwata, l’ancien président de la firme japonaise.

 

Construire un jeu par une nouvelle façon de jouer

Certains jeux sont avant tout conçs autour de leur histoire (The Last of Us, The Order 1886, Beyond Two Souls, Quantum Break), d’autres autour d’un sentiment (la peur pour Dead Space ou Resident Evil, la tristesse pour What Remains of Edith Finch, l’accomplissement pour Dark Souls).

De son côté, Nintendo veut d’abord inventer une nouvelle façon (du moins originale) de jouer – et construit son jeu autour de cette dernière. La forme dépend de la fonction – ce qui signifie que l’esthétique et l’histoire d’un jeu dépendent de ses mécaniques. Ainsi, Skyward Sword est axé autour de l’épée que le joueur manie avec la Wiimote. Super Mario Sunshine tourne autour de la nouvelle mécanique des fluides mise en place pour le jeu. Yoshi Woolly World s’accorde à son aspect textile et aux mécaniques qui en découlent. Même le tout premier Mario se fonde sur une mécanique de jeu aujourd’hui élémentaire : le saut. Bref, Nintendo travaille avec le cœur du jeu vidéo : la façon de jouer, la mécanique de jeu. Car un jeu se doit avant tout d’être fun à jouer. Cette approche du game design est le secret de la réussite des productions de la firme de Kyoto.

Avec sa stratégie efficace apprise de ses erreurs et fidèle à son identité, Nintendo semble sur la bonne voie pour les mois et peut-être les années à venir.

 W.R-P.