Souvent les séquences d'actions contextuelles sont confondues avec les Quick Time Event (QTE). Je vais donc commencer par rappeler la différence. Une action contextuelle demande d'appuyer sur un bouton en fonction de la position du joueur. Cela permet au joueur d'effectuer une action utile que dans un contexte (exemple: sauter dans Zelda). Le QTE lui rajoute à l'action contextuelle la vitesse. Le QTE exige au joueur d'agir vite. Les QTE imposent alors une perte de contrôle à un moment précis.

Malheureusement, dans les productions actuelles, les QTE nuient plus à l'immersion qu'ils l'amplifient. Un des rares jeux qui avaient compris comment s'en servir est celui qui les a popularisés : Shenmue.

L'exemple suivant que l'on va appeler « Berkley » (il y a déjà assez de « Shenmue » sur Gameblog) est tiré de ce jeu. Il s'agit de l'exemple parfait du QTE maitrisé :

« Le joueur incarne un personnage nommé  Ryo et peut se promener dans une ville, paisiblement. Ryo vient de faire un long voyage et se promène avec un sac contenant des objets qui sont très important à ses yeux. Cependant, un enfant vole son sac. Plus tard, Ryo reconnait l'enfant et part à sa poursuite, corps et âme, à travers les ruelles de la ville. La séquence de QTE consiste alors à poursuivre l'enfant, en esquivant les divers obstacles se dressant sur le chemin. » 

Le sentiment recherché chez le joueur

Quel but à le QTE ? Souvent, la réponse du joueur est « Ne pas s'endormir pendant une cinématique » ou « Effectuer des actions autrement irréalisable ». Ceci est malheureusement vrai pour beaucoup de QTE, mais ce n'est pourtant pas la bonne réponse à mon sens. Pourquoi ? Parce que le QTE requiert une perte de contrôle, comme la cinématique par exemple, et que toute perte de contrôle se doit d'être justifié si une immersion du joueur est recherché.  

Partons des principales caractéristiques du QTE :

- Action rapide à effectuer (Quick Time)

- Action évènementiel (Event) 

De ces deux postulats découlent :

- La perte de contrôle : Plus le QTE tend vers la rapidité, plus la perte de contrôle est grande (et inversement).

- L'enjeu important : Plus le QTE tend vers la grandeur de l'évènement, plus l'enjeu sera grand (et inversement).

Généralement, une personne devant prendre des choix rapide, de manière évènementielle et avec un enjeu important connait un sentiment de stress intense et rapide. Ce sentiment provoque chez la personne une perte de contrôle de ses facultés et par conséquent de son environnement. La perte de contrôle du QTE est alors justifiée par ces trois caractéristiques.

Un QTE maitrisé peut être défini comme la représentation dans un jeu du sentiment de stress. Le QTE pourrait presque exister sans représentation de la perte de contrôle visible dans le jeu vu que la perte de contrôle est la conséquence du sentiment de stress chez le joueur. Cependant, le fait que la conséquence du stress soit représentée dans le jeu permet de rendre la résolution des problèmes plus réaliste. En effet, dans une situation de stress intense et rapide, une personne est plus amenée à utiliser ses réflexes que sa réflexion.

Du coup, afin d'avoir un parallèle entre le sentiment du joueur et le jeu, la représentation du stress dans le jeu se doit d'être pleinement justifiée aussi bien au niveau de ses causes que de sa conséquence. Si le sentiment de stress n'est pas provoqué, la perte de contrôle ne fera que rompre l'immersion.

Prenons l'exemple de « Berkley ». Durant toute la séquence de QTE, il n'y a qu'un choix possible sur lequel  le joueur et le héros doivent se focaliser (justifiant la perte de contrôle) : l'unique possibilité d'esquive du prochain obstacle. Le joueur comme le héros a intérêt (enjeu important) à rattraper l'enfant (action rapide). Heureusement pour le joueur, il ne se fera pas voler son sac à chaque coin de rue (évènementiel).

Asura's Warth (abrégé Asura) n'a pas de volonté d'immersion, il est vendu comme un dessin animée interactif. Il illustre du coup, de manière volontaire, les QTE que j'appelle « non maitrisé ». Asura possède une perte de contrôle quasi-totale et demande une grande rapidité d'action. Cependant aucun des QTE de la démo d'Asura ne justifie la perte de contrôle vu que l'avatar pourrait effectuer n'importe quelle autre action au moment des QTE. Aucun QTE d'Asura ne donne non plus d'importance à l'échec, il n'y a aucun enjeu. Asura montre également un avatar se mouvoir parfois sans hâte, sans urgence. Il n'y a pas de parallèle joueur/avatar. Dernier point et non des moindres, Asura multiplie les QTE, ce qui forcement casse le côté évènementiel.

 

La place du QTE dans le jeu

La place du QTE dans un jeu est également importante.

Comme je viens de le dire, les QTE sont des « Event », des évènements. Ils se doivent d'être rares. Pour justifier la rareté, on peut se rapporter au sentiment recherché. Si le joueur s'attend à entrer dans un sentiment de stress, l'effet de ce dernier diminuera. En plus, l'effet de stress n'est pas un sentiment très agréable à la longue. Par exemple, transformer toutes les fins de boss en QTE dans un jeu diminue considérablement les effets du QTE. C'est aussi intéressant que si on se faisait voler son sac à chaque coin de rue dans « Berkley ».

Par ailleurs, le QTE est une action rapide. Il influe directement sur le rythme du jeu. Ce n'est pas innocent si dans l'exemple « Berkley », avant le QTE, le joueur se promène paisiblement. Le sentiment de stress ne s'en trouve qu'amplifié. Je ne vais pas m'étaler sur ce sujet ici. Parler en profondeur du rythme d'un jeu nécessiterait un nouvel article.

 

Le lien entre l'action du joueur et de l'avatar

Le dernier point important du QTE est le lien joueur/avatar.

Il faut que l'action demandée par le jeu ait du sens. Le jeu a tout intérêt à avoir un schéma des contrôles similaire à celui utilisé jusqu'au QTE ou inutile hors contexte (principe des boutons contextuels) afin ne pas désorienter le joueur. Par exemple, quand le personnage bouge et tire en même temps dans un QTE alors qu'il ne peut pas dans le reste du jeu, la relation joueur/avatar est coupée. Pareil si les boutons demandés correspondent aux actions faisable par le joueur mais pas sur les bonnes commandes (agiter la manette pour courir alors que le joueur se déplacait au stick auparavant). Dans l'exemple « Berkley », le joueur effectue des actions crédibles d'esquive d'obstacles qu'il n'a pas besoin d'effectuer autrement. Quand l'avatar doit esquiver à gauche, il faudra que le joueur appuie à gauche, si c'est une esquive à droite, le joueur devra presser à droite etc. Le schéma est logique et reste le même tout au long du QTE.

Enfin, le QTE doit donner une réponse aux actions demandées au joueur, un feedback. Le joueur doit voir qu'il agit directement sur l'avatar à tout moment du QTE. Si le joueur doit agiter sa manette de manière répétée un nombre de fois inconnu afin d'éviter un rocher qui roule vers lui, il y a alors rupture entre les actions avatar/joueur. Le joueur risque de se demander s'il a bien agité la manette le bon nombre de fois le bouton plutôt que si oui ou non il ne va pas mourir écrasé.

 

Cet article n'est qu'un début de réflexion sur une approche centrée sur le lien joueur/jeu aussi bien dans les actions que dans les sensations. Je ne suis pas expert des QTE, je cherche juste à mieux les comprendre afin de pouvoir mieux les apprécier.