Metroid est une saga dotée d'une aura particulière. Elle déclenche une certaine frénésie à chaque sortie, sans pour autant exploser les plafonds en
terme de vente. Cette série possède en fait du charme et Nintendo sait
l'entretenir, en ne multipliant pas les épisodes avec excès et surtout
en lui offrant au bon moment de nouveaux développeurs. La saga Metroid
est un exemple à suivre pour la pérennité d'une série. Elle a su se
renouveler en changeant d'équipe, de vision et de traitement, mais sans
pour autant dénaturer les fondements, ce qui évidemment, constitue le
plus grand risque quand le travail est délégué.

Peu de séries suivent ce schéma et la
plupart se perdent ainsi dans des suites à rallonge, exploitant jusqu'à
plus soif des concepts à la base géniaux. Néanmoins, on peut citer les
jeux F-Zero, qui avec le concours de Sega, a su passer avec brio et
panache la dure étape de la next-gen de l'époque : la Game Cube ; ou des séries comme Fallout qui ont vu leurs créateurs changer de visages pour passer du PC à la console. Faire tourner les créatifs sur une même
franchise est une tendance qui se confirme. Les éditeurs semblent ne
plus vouloir que les game designers s'enlisent dans une vision unique.
Vision qui pourrait devenir, à terme, étriquée ou routinière.
Castlevania, par exemple, qui avait réellement besoin d'un vent de
fraicheur, a vu ainsi son développement voyager jusqu'en Espagne, chez
les gens de Mercury Steam, alors que le grand et tant attendu retour de
Donkey Kong sera assuré par Retro Studio. Dans une démarche plus
business, Red Dead et Max Payne sont deux licences qui ont été rachetées par Rockstar. Bien que la démarche ne soit pas sensiblement la même, le résultat par contre s'avère identique : le chef-d'œuvre qu'est Red Dead Redemption en est la preuve. Changer de studio, et donc de créateurs, est une
façon de faire déjà courante dans le cinéma. La saga Alien en est un bon exemple, chaque volet est dirigé par un grand nom et voit donc sont
traitement basculer en passant de l'un à l'autre des réalisateurs. Mais
passons au cœur du sujet, Metroid : Other M, qui, comme vous l'avez compris, a changé de maitre à son bord, débauchant Retro Studio et faisant donc place à la Team Ninja.

Le traitement de la Team Ninja n'est pas une relecture, ils n'ont pas tout chamboulé. Pareillement à Retro
Studios, cette revisite de Metroid n'est pas un blasphème, la charte de
base est respectée. Quand Metroid Prime est sortit, les
développeurs de l'époque parlaient de FPA, (First Person Adventure) en
contradiction avec FPS (First Person Shooter), pour désigner le genre du jeu. D'après les premiers trailer et le passé très tumultueux de la
Team Ninja (Ninja Gaiden, Dead or Alive) on aurait pu croire que cet épisode Other M serait uniquement basé sur de l'action. Et bien ce n'est pas réellement le cas. La maniabilité est aussi simple que pour les Prime, la visé se
fait automatiquement et l'esquive se réalise très simplement, d'une
simple pression sur une direction. Les affrontements sont dynamiques,
mais chaque ennemi s'approche de façon réfléchie. Il vous faudra trouver quelle arme utiliser et quelle stratégie aborder pour en venir à bout.
Le résultat est de visu plus frénétique : Samus se déplace très vite et
il est possible de réaliser des finish moves assez classes (signature du studio), mais manette en main, cela ne demande pas plus d'habilité que
pour les volets Prime. La Team Ninja n'a pas bouleversé la formule, mais l'a faite évoluer. La découverte poussée des niveaux, l'exploration
minutieuse (moindre que pour les Prime, il faut l'avouer) et l'errance
sont toujours de mise. Pour moi, Metroid : Other M n'est pas un TPS (Third Person Shooter) mais bel et bien un TPA (Third Person Adventure).

Yoshio Sakamoto a bâti les fondations de la saga. Aujourd'hui, aux côtés de la Team Ninja, il sublime et fait
évoluer ces principes de base. La série Metroid, avec la trilogie Prime, a atteint une certaine maturité dans son gameplay. Le passage à la 3D
et la traduction d'un gameplay mélangeant action et exploration fût
sublimement opéré. Other M marque à son tour une étape dans
l'évolution de la saga : celui de la maturité scénaristique. En traitant Samus Aran plus comme une icône que comme un vrai personnage à
backgroud, les anciens chapitres usaient de l'image du héros pour
véhiculer une idée globale représentant la saga. Other M n'a vraiment
pas un scénario remarquable, mais place son héroïne au centre de
l'aventure, alors qu'auparavant, Samus n'était qu'un outil charismatique pour l'exploitation d'un gameplay singulier. Other M profite de l'aura
inouï de son protagoniste pour enfin mettre a nu son passé, son
histoire, ses amis, ses amours et surtout sa personnalité sulfureuse.
Samus est présentée comme une femme qui porte une armure, et non le
contraire. L'objet de toutes les attentions est inversé : l'héroïne est à l'honneur et non son penchant métallique. Ainsi, sa combinaison prends
des formes humaines et met en valeur celles de l'héroïne. De plus, la
teinte de la visière de son casque s'estompe pour que le joueur puisse
discerner un visage féminin et qu'il garde toujours à l'esprit l'origine de son avatar.

Les épisodes Prime nous avaient projetés dans le casque de Samus, à travers ses yeux. Other M poursuit la mise en abîme et nous place à présent dans sa tête. Mais la représentation à l'écran n'est plus subjective. Le joueur, pour
connaître les tréfonds des ressentis de Samus, est placé en tant
qu'observateur omniscient et regarde donc l'action d'un point de vue
extérieur. Cette place privilégiée vous octroie la primeur des pensées,
des craintes et des obsessions de Samus. Le jeu débute en effet tout de
suite après le combat final de l'épisode Super Nes, opposant Samus à
Mother Brain, et met en scène la mort du bébé Metroid. Saine et sauve,
Samus est malgré tout tourmentée par le sacrifice du dernier
représentant de la race Metroid (ou censé l'être ?). C'est dans un
contexte presque déprimant que vous débutez l'aventure. Une sensation
dépressive soutenue par une bande son de haute qualité, ponctuée
d'effets titillant la curiosité mais aussi le stress du joueur. Mais ce
qui influe le plus sur cette ambiance cosmique, c'est cette voix-off
douce et enivrante, celle de Samus, celle qui résonne dans votre tête, à vous, joueur qui savez tout des tenants et aboutissants. Ces
confessions pourront rebuter certains, car cela va les sortir de la
solitude recherchée dans un Metroid. Une solitude pesante,
claustrophobique, bien présente dans Other M, mais un peu diluée par la
présence d'autres personnages.

Licence Nintendo oblige, Other M sort sur Wii. C'est avec un grand bonheur que l'on constate que les
développeurs ont utilisé les possibilités de la console avec
intelligence, et non par dépit. La détection de mouvement ne sert que
pour la vue à la première personne et est activable à tout moment en
pointant la Wiimote vers l'écran. Un petit gimmick utilisant la manette
servira aussi à recharger sa vie et ses missiles. Simple et intuitif en
théorie, il faut avouer que la maniabilité s'avère un poil complexe au
début de l'aventure. L'autre bon point à distribuer à l'équipe créative
concerne la mise en scène. Dynamique et plutôt habile pendant les
cinématiques, elle prend tout son sens durant les séquences de jeux. En
effet, certains plans choisis seront différents dans un même décor à
deux moments distinct du jeu. Ceci aura pour effet instantané de rendre
le titre plus vivant et surtout moins routinier. Rendre les
allers-retours plaisant est une particularité de la saga. Le grand
nombre de bonus oublié et de portes laissées fermé n'attendent que le
second passage de Samus, enfin affublée d'évolutions technologique
(activables dans cet épisode de façon très très maladroite, après l'aval de votre supérieur), pour être ramassés ou franchis. Dommage que le
côté TPA, où vous allez vraiment explorer les moindres recoins du jeu,
ne se dévoile pas plus tôt. Avant cela, il faut avouer que le titre est
teinté d'une certaine linéarité. La sensation de partir à l'aventure en
vous détournant de l'objectif de base, pour vous perdre et finalement se rendre compte que tout était prévu depuis le début par le level design
ne sera pas éprouvée souvent dans Other M.

La Team Ninja a su respecter les principes de bases d'une série mythique
tout en lui redonnant un coup de souffle, plus moderne et accessible.
Personnellement, je l'aurais préféré plus intimiste, comme le fut la
trilogie Prime, qui reste encore à la première place dans mon cœur de
fan. Le jeu est trop linéaire à mon goût, je n'ai pas particulièrement
apprécié le bestiaire et certains personnages secondaires sont pour moi
trop caricaturaux. Il n'empêche, et malgré ces quelques tares, Metroid : Other M ne m'a à aucun moment ennuyé. La dizaine d'heures que nécessite le jeu
passent à une vitesse folle et vous verrez avec bonheur qu'après la
conclusion, il y a encore beaucoup à faire. En plus d'être l'un des
meilleurs titres de la console, Metroid : Other M lance de la plus belle des manières le florilège de hits qui s'apprêtent à débarquer sur Wii.

Par Med

 

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