Difficile d'essayer de renouveler une série qui existe depuis presque vingt ans. Prince of Persia est
né de l'imagination de Jordan Mechner et sorti en 1989 sur Apple II.
Plusieurs épisodes suivirent sur différents autres supports. Et c'est
en 2003 que la série prend une toute autre dimension, en profitant du
passage à la 3D avec Prince of Persia Les Sables du Temps développé par Ubisoft. Là encore, de nombreux épisodes suivirent et c'est fin 2008 qu'Ubisoft tente une nouvelle fois de donner un autre coup de fouet à la licence avec une toute nouvelle façon de voir les choses. Alors, pari gagnant?

Remarque
: Etant donné qu'il n'est pas toujours possible de jouer à tous les
jeux qui viennent de sortir, il m'arrive de me replonger dans des jeux
auxquels je n'aurais pas eu le temps de jouer. Et, vu que j'y aie joué,
autant en parler sur vues-subjectives.fr, n'est-ce pas?

Bon retour en Perse

Alors qu'il rentre chez lui, couvert d'or, le nouveau Prince (qui n'en
est pas un d'ailleurs) tombe nez-à-nez avec une vraie princesse, Elika.
Sans réellement s'en rendre compte, il va se retrouver embarqué dans
une quête pour sauver le Monde des Ténèbres qui l'envahissent. En
effet, le maléfique Ahriman a été libéré et sa Corruption se répand
rapidement dans le Monde. Ce sera à Elika et au Prince (je le nommerai
Prince pour plus de commodité, car il n'est jamais nommé dans le jeu,
bien qu'il n'ait rien d'un prince) de rétablir l'équilibre, guidés par
Ormazd, le dieu de la Lumière. Dans leur quête, ils devront chasser la
Corruption des contrées du Royaume en battant les sbires d'Ahriman et
réhabiliter le Royaume en récoltant des sphères de lumière disséminées
un peu partout dans l'environnement.
Le scénario est tout entier
porté par les deux personnages principaux : Elika et le héros, qui
tissent le fil de l'histoire au gré de leurs péripéties. Si le scénario
n'est pas fondamentalement transcendant, on retrouve dans le couple
Elika / Prince des réminiscences du couple Farah / Prince des Sables du Temps sorti
en 2003. En effet, les deux personnages n'arrêtent pas de s'envoyer des
piques de temps en temps, tout en ne pouvant s'empêcher d'éprouver une
certaine tendresse l'un envers l'autre. Ainsi, on s'attache rapidement
à ce duo de choc, malgré un scénario qui manque d'une dimension épique.
On peut aussi ajouter un manque certain de développement du scénario.
En effet, on croise véritablement quatre ennemis différents dans ce
monde qui en devient bien vide. Chacun de ces quatre ennemis devient un
boss qu'il faudra vaincre une fois par contrée à réhabiliter, soit cinq
fois le même boss pour une région. On n'échappe donc pas à une grande
répétitivité, ne serait-ce que dans le scénario en lui-même.

Agilité, coopération, répétition...

Le système de jeu lui aussi souffre des mêmes problèmes. Dans son
épopée pour vaincre la Corruption, le joueur sera mené à parcourir une
contrée ravagée par la Corruption, sorte de matière visqueuse qui vous
tuerait par simple contact et qui donne au paysage un ton sombre et
malfaisant. Pour cela, le joueur, en compagnie du Prince et d'Elika,
devra parcourir le terrain en évitant les pièges pour arriver jusqu'au
boss qui, une fois battu (par le biais d'un système de combat qu'il
faudra dompter avant de s'en sortir rapidement contre les boss),
laissera la voie libre pour réhabiliter la région grâce à Elika. Dès
lors, la région change du tout au tout. Délivrée de la Corruption, le
paysage reprend toute sa chaleur d'antan et apparaissent de nombreuses
sphères de lumière (quarante-cinq par niveau) qui vous permettront
d'acquérir de nouveaux pouvoirs qui vous permettront d'utiliser des
plaques un peu spéciales qui vous propulseront à différents endroits du
décor (si vous ne vous écrasez pas contre un mur.) Ainsi, chaque
contrée devra être explorée au moins deux fois pour être délivrée et
pour vous permettre d'avancer vers d'autres endroits de la carte.
En parlant de la carte, on a affaire à un monde assez
vaste dont les régions sont reliées les unes aux autres pour une
impression d'immensité qui fonctionne jusqu'à ce que l'on se rende
compte que l'on a réellement affaire à différents niveaux reliés par
des passages obligés. Notons toutefois que le monde peut se parcourir
de bout en bout sans aucun écran de chargement et avec une fluidité
impressionnante.

Cette fluidité est au cœur du gameplay de ce Prince of Persia,
tout comme les épisodes précédents d'ailleurs. Le Prince se déplace
avec une aisance folle, ses mouvements étant souvent hérités des
épisodes précédents tout en y ajoutant d'autres mouvements spécifiques
à son équipement et à Elika. Car c'est bel et bien Elika qui fait le
plus couler d'encre. En effet, elle peut être vue comme le symbole de
ce qui divise autour de cet épisode. La belle princesse offre une
capacité bienvenue de double-saut au Prince tout en l'aidant dans la
quête (et dans les combats), en absorbant les sphères de lumière et en
délivrant les zones corrompues par la magie de lumière. Toutefois, là
n'est pas le problème, c'est surtout le fait que, pour plus
d'accessibilité, Prince of Persia perd ses atours de jeu où le die and retry (jeu où l'erreur sert à comprendre par quels chemins on doit s'y prendre) régnait en maître un jeu où l'écran de game overn'existe plus. En effet, lorsque le Prince est près de périr dans d'atroces souffrances, Elika le sauve in extremiset ce systématiquement. Dès lors, il est impossible de mourir dans ce Prince of Persia,
une fois sauvé, le joueur retourne à la dernière plateforme où il se
trouvait. Si l'on appréciera l'effort d'ouverture aux joueurs les plus
occasionnels, on regrettera que la difficulté en pâtisse énormément,
faisant de ce Prince of Persia un jeu au challenge peu relevé.

Prince nouveau, Prince toujours aussi beau?

Finalement, ce Prince of Persia reste
un titre attachant à bien des égards. En effet, cet épisode jouit d'un
parti-pris graphique inégalé dans la série, avec des personnages
travaillés en un cell-shading( qui donne un aspect cartoon) magnifique dans un environnement à l'échelle souvent impressionnante. Le level design (agencement
des niveaux) est toujours de qualité et se renouvèle avec l'apparition
du gantelet du Prince et de ces fameuses dalles que l'on ne peut
emprunter qu'en ayant le pouvoir approprié. On explore donc ces
différents niveaux avec un plaisir non dissimulé, encore heureux étant
donné que l'on devra toujours revenir au moins deux fois dans ces
niveaux pour y récolter des sphères de lumière.

                                 

Cependant, on ne peut s'empêcher de penser que ce système de jeu basé
sur la double exploration et la collecte d'éléments parsemés dans le
décor rallonge artificiellement la durée de vie du jeu. Ce Prince of Persia demande
une petite dizaine d'heures de jeu pour en voir le bout. Là encore,
tout dépendra de votre manière d'appréhender le jeu, soit en essayant
de récupérer toutes les sphères, soit en en cherchant que le minimum
indiqué pour continuer l'aventure. Selon ces deux visions du jeu, votre
temps de jeu s'en verra raccourci ou rallongé. A vous de voir. En
revanche, il est dommage de voir que le potentiel de rejouabilité de ce
jeu n'est pas très important. En effet, une fois l'aventure bouclée
pour la première fois, rien ne vous donne envie de recommencer
l'aventure, et ce ne sont pas les Succès (pour la plupart extrêmement
simples à avoir) ou les skinsà
débloquer qui vous donneront envie de vous relancer dans cette quête. A
moins que ce monde enchanteur vous attire de nouveau à lui, ça serait
le seul moyen de retourner voir ce Prince of Persia.

Au
total, on se retrouve avec un jeu qui remporte son pari haut la main
sur certains points mais qui déçoit aussi par d'autres aspects. Le
parti-pris graphique tout comme le culot avec lequel Ubisoft tente de
se renouveler sont à saluer. On retrouve bien l'esprit de la série 3D
avec un jeu plutôt vif qui mène le héros à droite à gauche avec une
aisance insoupçonnable mais il est difficile de ne pas remarquer
quelques défauts de ci de là qui pourraient gâcher le plaisir de
certains joueurs, une certaine répétitivité et une simplicité trop
apparente sont parmi les plus notables. Cependant, il est impossible de
ne pas avouer que le trip proposé par Ubisoft est de qualité et
s'inscrit parfaitement dans une licence qui ne fait que gagner en
diversité. Avec le recul que nous pouvons désormais avoir, en 2010, il
est assez dommage de voir que le potentiel nouveau cycle dans la série
n'ait pas été concrétisé et qu'Ubisoft soit retourné à une façon de voir Prince of Persia par le prisme de ses épisodes sur les consoles de la génération précédente. On regrettera que le Prince nouveau se soit perdu dans les ténèbres d'une petite déception commerciale...

Mordraen