Sources : Le Figaro
La Haute autorité chargée de la lutte contre le piratage les invite à se concentrer sur le développement des offres légales, plutôt que sur le filtrage des sites de téléchargement.
L'Hadopi remet les producteurs de musique à leur place. Dans un communiqué publié mercredi, la Haute autorité chargée de la lutte contre le piratage «invite les métiers de la création à se concentrer sur la partie qui leur incombe, à savoir le développement encore plus rapide d'offres légales», et non sur le filtrage des sites Internet.
Cette prise de position fait suite à de récentes déclarations de Marc Guez, le directeur de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP). Dans un entretien à 01net donné la semaine dernière, ce représentant des maisons de disques a dit son souhait que la lutte contre le téléchargement légal «passe à l'étape supérieure», en ciblant le téléchargement direct, et plus seulement le «peer-to-peer». «Nous travaillons pour cela sur des logiciels de filtrage qui pourront être installés dans les entreprises ou sur l'ordinateur familial», a-t-il annoncé.
L'Hadopi, qui a «pris connaissance de ces déclarations», rappelle aux producteurs de musique que «la conception et le déploiement de technologies de filtrage sont des questions hautement complexes et sensibles de nature à atteindre la neutralité, la sécurité des réseaux ou encore la protection de la vie privée». Autrement dit, qu'ils n'ont pas à se mêler de ce sujet, discuté dans le cadre des «Labs», ses groupes de travail. La Haute autorité annonce qu'elle déconseillera d'utiliser toutes les solutions de blocage des sites de piratage qui n'ont pas reçu son approbation.
Une lutte d'influence autour du filtrage
Cet échange d'amabilités entre les producteurs et l'Hadopi s'inscrit dans une nouvelle lutte d'influence pour étendre la portée du filtrage d'Internet. En France, la loi autorise le blocage des sites pédopornographiques ou de jeux d'argent non autorisés par les fournisseurs d'accès à Internet, mais pas des sites de téléchargement illégal. D'où l'idée des producteurs de musique de se rabattre sur des logiciels de «filtrage volontaire», sans attendre une éventuelle évolution de la loi.
Si les producteurs exercent une telle pression, c'est qu'une extension du filtrage à la lutte contre le piratage n'est pas dans l'air du temps à moins d'un an de l'élection présidentielle. Dans leurs programmes numériques pour 2012, le Parti socialiste et l'UMP souhaitent ainsi que le blocage d'un site ne puissent pas intervenir sans décision d'un juge, écartant l'instauration d'un système de grande échelle. «Si s'instauraient des coupures par simple décision administrative, je reste convaincue que, très vite, la liberté d'expression serait mise en cause», a écrit Martine Aubry.
En rappelant à l'ordre les producteurs sur ce point, l'Hadopi épouse totalement ce discours politique. La Haute autorité réalise aussi un coup de communication. Très décriée sur Internet, elle trouve l'occasion d'adoucir son image en insistant sur son rôle pédagogique. «Ce que nous cherchons avant tout, c'est à sensibiliser, informer et responsabiliser», déclarait la présidente de l'Hadopi au Figarodébut juin. Ainsi, après l'envoi de 400.000 avertissements envoyés, seuls dix internautes ont reçu une convocation, prélude à un éventuel transfert de leur dossier devant la justice.
De son côté, la SCPP se retrouve dans une position délicate. Il y a deux semaines, elle réitérait «son soutien total et sans réserve à l'Hadopi», soulignant que l'envoi des messages d'avertissement avait eu «des effets très significatifs sur le volume de la piraterie en France sur les réseaux peer to peer». Aujourd'hui, elle apparaît isolée dans ce soutien appuyé au filtrage. Or, selon Marc Guez, seule la «riposte graduée ferme peut bouleverser les usages et rééquilibrer le marché».