Payne. Max Payne.
Non.
Max Payne... Rien que le nom me fait vibrer, tant de souvenirs de fusillades et de...
Non plus.
Rien à faire, je reste figé devant mon écran, ma plume désespérément indécise. Plusieurs heures la tête sous l'eau de cette expérience mêlant flou et violence. Peu d'images précises me reviennent en mémoire. Est-ce là la preuve que Max Payne 3 n'est pas marquant, ou plutôt que Rockstar a réussi ce qu'ils voulaient entreprendre en me rapprochant d'un personnage comme jamais personne n'avait réussi à le faire ?
Pour comprendre mon état, il faut revenir quelques jours avant. Avant que je ne sache ce qui allait m'arriver pendant une dixaine d'heures. La manette en mains, prêt à renouer avec un personnage condamné à rester en vie, comme si on lui avait jeté un mauvais sort. Mais tout autour de lui est pourtant différent cette fois-ci. Je me disais alors que j'allais assister au jeu le plus noir dans la ville la plus lumineuse qui existe.
Et là, j'ai plongé ma tête dans l'eau. Au début, j'ai retrouvé mes marques, comme si j'étais dans le noir et que je tâtais les meubles en reconnaissant finalement ma chamble. La voix de James McCaffrey m'a fait plaisir, comme quand on retrouve un bon pote à la voix si particulière. Un bon pote qui aurait mis à feu et à sang sa ville pour se rendre compte que c'était la personne qui se rapprochait le plus d'un ami qui était le responsable de la mort brutale et sanglante de sa femme et sa fille de 6 mois.
Ausitôt l'intro bouleversante terminée (qui aurait pu, à elle seule, être la transition avec sa vie à New York), j'ai enfin pris les commandes. Difficile d'être plus dérouté que je ne l'étais. Pour le coup, je continuais à tâter les meubles mais tout en découvrant de nouvelles choses. Un système de couverture par-ci, un sprint par-là. Oui ce sont des meubles next-gen. Il m'a fallu une demi-heure de gameplay (environs une heure de jeu si on compte les cinématiques) pour retrouver mes repaires. Une fois fait, je me suis rendu compte que mon vieux pote avait beau pris du bidon, il était pourtant resté toujours aussi efficace, l'intensité de ses tirs étaient plus forts que quelconque autre concurrent, et rarement une fusillade avait pu être plus intense. Je me déplaçait toujours avec prudence, puisque ce bon vieux Max était toujours dépendant de ses "Payne Killers". Pourtant, difficile de lui en vouloir, ça donnait à Max un cachet qui n'était plus de ce monde depuis bien des années. Ah, l'ironie.
Difficile de le lui reprocher également le fait qu'il se refuse à faire autre chose qu'à tuer ses ennemis. Non, pas de cauchemars où tout est différent de la réalité, comme dans le "bon" vieux temps. Ici, le cauchemar est éveillé. Il y a plus de merde dans le monde réel que dans son imagination, diraît-il certainement. Je me suis donc contenté d'une violence graphique assez repoussante, jamais gratuite (et, malheureusement aussi, jamais fictive). Pour me montrer tout ça, ce n'était jamais moi qui décidait de ce que je voyais. Globalement, tout est montré par des cinématiques, et à part pour tirer sur tout ce qui bouge, Max fait absolument tout le reste. Mais bon, que j'appuie moi-même sur un bouton ou qu'on me le montre sous un angle stylisé, la différence était moindre.
La tête sous l'eau. C'est cette phrase qui continue à revenir à chaque fois que je veux expliquer ce qui m'est arrivé. Tout est fait pour : les effets graphiques nous empêchant de voir clair, le fait qu'on ne joue que pour tuer, les langues étrangères (jouées par des acteurs locaux, il faut le préciser) et, bien évidemment, Max. Parce qu'il n'a pas son nom dans le titre pour rien. Les autres personnages s'effaçaient petit à petit complètement par rapport à lui. Max était du début à la fin dans sa bulle, dénigrant absolument tout autour de lui, et faisant sans cesse des rapprochements vis à vis de son passé. Une femme lui rappelant Michelle. Un homme de pouvoir en qui il n'a aucune confiance. Des cadavres, des tas et des tas de cadavres. Tellement que je me suis demandé si je faisais bien d'épauler Max.
Je le voyais, dans sa rage, démonter tout sur son passage. Puis, dans un de ces moments grisant où il s'est mis à sauter au ralenti en défonçant le crâne de trois membres d'un gang brésilien qui ne sortent pas de leur favela, je me suis posé la question. Est-ce qu'il sait ce qu'il fait ? Est-ce qu'il sait qui il tue ? Max n'est pas un personnage tout blanc ni tout noir. Il n'est pas dans un camp. Il n'est pas gentil, pas méchant, même s'il est persuadé oeuvrer pour le bien. Et c'est ce qui fait que malgré ma sympathie pour lui, il m'effrayait à mesure que je passais du temps avec lui.
Nous voici donc, enfin, à la fin de son combat. De son énième combat à vrai dire, et je suppose que même lui ne sait pas trop ce qu'il a combattu. Max n'est pas un soldat, pas un enfant de coeur. Et il n'est certainement pas parfait. Mais je ne peux pas lui en vouloir pour avoir évolué comme il l'a fait. Il a quand même fini par éviter d'être un cliché de notre génération, et en repartant de zéro, physiquement comme moralement, il a fini par redevenir le même.
Les noms des personnes responsables de ce tunnel d'horreurs défilent sous mes yeux. Je me rappelle soudainement la première image de Max que j'ai vu de ma vie, sur ce building interminable d'un "Noir York" enneigé. C'est le même sentiment que j'éprouve.
Il est assis, contemplant le massacre qu'il a orchestré. Il semble apaisé, ayant fait la seule chose qui lui faisait oublier le corps sans vie de ses deux êtres les plus chers, charcutés devant ses yeux : tuer.
Pas de compensation, mais un peu de soulagement.
Rideau.