Imaginez que vous deviez succéder à un monument tout en redorant son blason après un deuxième essai loupé. Vous auriez un sacré poids sur les épaules, non? Et bien c'est la lourde tache qu'à dû assumer le studio d'Eidos Montréal, au turbin depuis 2007 sur ce Deus Ex : Human Revolution. Faisant office de préquelle au premier opus, ce nouveau volet n'avait de cesse d'osciller entre agréables surprises et furieux doutes quant à sa qualité finale et son respect du matériaux d'origine. Alors quid de cette aventure placée sous le signe de la renaissance? Du tout bon, assurément.

Soyons clairs dès le départ, Human Revolution n'est ni un grand FPS, ni un excellent RPG. De plus il ne brille pas par sa maestria technique, ni par un scénario démentiel. Mais c'est tout de même un putain de bon jeu, "a masterpiece" comme diraient l'aut'...Pourquoi? Comment? Tout simplement parce qu'il fait preuve d'un soin et d'une cohérence exceptionnels, doublés d'un gameplay riche et profond ainsi que d'une ambiance fantastique, sa réussite ne tient qu'en quelques mots : liberté de choix.

Liberté, liberté chérie

Les meilleurs exemples de cette fantastique latitude restent encore les milles et une façon d'aborder les différentes situations auxquelles vous serez confronté. Au début de l'aventure il vous faudra notamment infiltrer la morgue d'un commissariat afin d'obtenir des éléments essentiels à la poursuite de votre enquête, plusieurs solutions s'offrent à vous afin d'arriver à vos fins : vous la jouer diplomatique en convaincant une vieille connaissance de vous laisser entrer (dans ce cas il vous faudra la jouer fine au niveau des dialogues, augmentations sociales conseillées), vous infiltrer subrepticement par les toits ou les égouts, sans vous faire repérer, ou bien rentrer tout simplement dans le tas à grands coups de fusil (attention néanmoins, la jauge de vie descend vite, et il faudra user du système de couverture si vous souhaitez vous en sortir en un seul morceau).

Si l'approche bourrine est bien évidemment celle que j'ai choisie, ce n'est très clairement pas la plus intéressante. En effet, ayant eu la chance de jouer cette partie du jeu en parallèle de celle d'un compère de soirée, j'ai pu assister à une phase d'infiltration pointue et fascinante, faite de recherche d'itinéraire et d'éliminations silencieuses (ou pas). Il est d'ailleurs intéressant de noter que vos actions influeront plus ou moins sur des points de détails apportant une vraie cohérence à l'univers tout autant que des modifications mineures sur certaines portions du scénario principal, ainsi les gros titres des journaux vont changer ("Massacre mystérieux au commissariat de Détroit" en opposition à "Des preuves disparaissent mystérieusement") tout autant que les reportages TV ou la suite de votre quête, ce qui dénote un travail colossal au niveau du background, mais pas que...

Riche, fouillé, passionnant

Le futur dépeint dans ce Deus Ex se montre littéralement estomaquant tant il est détaillé et cohérent, rien ne semble jurer avec la vision de base des développeurs et le travail fait sur les quêtes annexes est admirable, en effet celles-ci apportent réellement un éclairage supplémentaire à l'univers et aux idéaux dépeint tout autant qu'une vraie réflexion sur le transhumanisme imbibant tous les pans de cette civilisation hétéropique.

De ce fait, et à la manière d'un Bioshock, ou plus simplement des deux précédents opus, il sera possible de tracer tout droit sans faire attention à ce qui vous entoure, dans ce cas ne vous étonnez pas si des détails semblent vous échapper tant votre expérience de jeu sera incomplète. Il est en effet passionnant de lire les différentes notes disséminées çà et là, d'écouter les conversations surprises au coin d'une rue ou bien de pirater (nous y reviendrons) les différents coffres et portes renfermant bon nombre de secrets et autres easter eggs bien sentis.

Ainsi, le jeu propose plusieurs niveaux de lecture et de profondeur en fonction du degré d'implication de chaque joueur, à l'image de son gameplay souple et adaptable.

Accessible tout autant qu'exigeant

J'en vois déjà crier au scandale, et pourtant... En 10 ans le gameplay de Deus Ex est devenu bien plus accessible ! Mais ne vous y trompez pas, le jeu saura rester retord pour peu que vous désactiviez quelques options (le pathfinder, l'indicateur d'interactions, la régénération auto), et ce même si ces choix de game design sont totalement justifiés par le background et la direction artistique (fantastique) de ce Human Revolution. Notons également l'apparition d'un cover-system efficace rendant l'action bien plus nerveuse sans pour autant rendre le tout drastiquement plus facile, bien pensées, ces phases à la troisième personne laissent entrevoir le charisme fou d'Adam tout autant qu'une palette d'animations étoffée.

En revanche, le système d'amélioration et d'expérience cher aux fans de la première heure, est de retour pour le meilleur via une interface agréable et bien pensée (surtout sur PC). L'inventaire marque également un retour aux sources puisque l'on retrouve ce bon vieux système « à case » déjà présent dans le premier opus (personnellement ce type de gestion a tendance à me les briser, mais on s'y fait finalement assez vite) à la différence près qu'il est ici upgradable et un chouya plus modulable.

Pour finir, on notera l'importance capitale du piratage. En effet vous aurez à jouer souvent du clavier afin d'atteindre vos objectifs. Ces phases se déroulent via un mini-jeu en temps réel (comprenez par-là que le temps ne sera pas figé, il faudra donc faire attention à ce qui vous entoure) fort bien pensé et tout à fait génial. Pour faire simple, il s'agira de capturer des points stratégiques sur un réseau tout en faisant attention à ne pas vous faire repérer trop rapidement, sans quoi le temps deviendra limité et les actions à réaliser plus difficiles.

Et mes fesses, elles sont belles mes fesses ?

D'un point de vue purement technique, Human Revolution est tout juste moyen : modélisations anguleuses, peu/pas de lumières dynamiques ou de jeux d'ombres en temps réel et encore moins de physique. Néanmoins le jeu se distingue par une direction artistique sans faille, alliée à des décors splendides et des personnages forts en gueule. Si les inspirations sont évidentes (Blade Runner, Le Cinquième Elément), force est de reconnaitre que l'équipe artistique a su les transcender afin d'offrir un univers complètement original et reconnaissable en un clin d'œil et, au final, il est de mon devoir de reconnaitre que ça tue la gueule. Vraiment.

La partie sonore est également une merveille, avec des thèmes musicaux purement ahurissants et un doublage en V.O aux petits oignons. La V.F s'en sort un chouya moins bien, avec des voix souvent trop marquées et un mixage pas forcément optimal.

On notera tout de même des temps de chargement bien trop longs (un calvaire sur PC) et un aliasing prononcé, qui sont au final bien peu de choses comparées au travail fait sur l'ambiance et « l'aura » du titre. Un bijou.

Paragraphe garanti sans spoilers

Quant au scénario, il se révèle agréable à suivre sur fond de conspiration à l'échelle mondiale et de théorie du complot. Je ne préfère pas vous en dire plus, tant il est important que vous découvriez la trame par vous-même. Sachez néanmoins qu'elle se révèle riche en trouvailles sympathiques et fera écho aux fans des deux précédents opus via moult références et éclaircissements qui, à défaut d'être réellement essentiels, se montrent tout à fait satisfaisants.      

En conclusion, cette préquelle à Deus Ex se montre nettement au-dessus de ce que qu'on aurait pu craindre et balaie nos inquiétudes dès les premières heures de jeu. Sublime, riche et cohérent, Human Revolution saura vous immerger au sein d'un univers passionnant auquel s'ajoute une réflexion intéressante sur la science et ses dérives. Enfin, il se montre extraordinairement fidèle à son matériaux d'origine tout en se permettant quelques écarts de bons gouts, et saura convaincre les fans de la première heure tout autant que les nouveaux venus, et c'est déjà énorme.