Rares sont les "gros" joueurs à se contenter des titres disponibles dans la seule ludothèque de la Wii. Sans vous mentir, je ne pense pas avoir investi dans la console depuis les sorties quasi-simultanées de Donkey Kong Country Returns et Sonic Colours, c'est-à-dire, Noël dernier. Un bail.
Xenoblade était clairement le jeu Wii qui laissait présager un été sympathique. Disponible depuis déjà quelques bons mois sur l'archipel nippon, la dernière création des studios Monolith Soft narguait la patience de passionnés de jeux de rôle à la japonaise, rares sur la console de Nintendo.
Et c'est donc avec une grande excitation que l'on insère la galette dans le lecteur bleuté de la Wii. Pour le meilleur, je vous rassure.
C'est sur fond de bataille entre deux colosses millénaires que l'histoire de Xenoblade débute. Deux créatures monumentales finalement épuisées par de nombreuses années de combat et qui blessées, finissent par se figer. Immobiles, les titans vont être le lieu de la naissance de deux civilisations bien différentes, la première sera peuplée d'êtres mécaniques particulièrement belliqueux, quant à l'autre, elle fera cohabiter des créatures humanoïdes et d'autres plus atypiques.
Evidemment, des tensions vont régulièrement s'enflammer entre les deux peuplades qui se font la guerre depuis des lustres. Et c'est seulement grâce à la présence d'une arme étrange, la Monado, que les habitants de Bionis prendront le pas sur les machines de Mekonis.
Vous l'aurez donc remarqué, sur le fond, le scénario ne déroge pas tellement aux règles traditionnelles des Japonais. Une guerre, des vilains, un héros élu des dieux capable de mener son peuple, sa famille ou que sais-je, vers la paix. Cet élu répondant au drôle de nom de Shulk, suite à la destruction de son village natal (cliché ?) s'en ira donc affronter ces adversaires héréditaires dans la joie et la bonne humeur.
En réalité, pas vraiment. Car si cette histoire ne surprend pas tellement par son originalité, il regorge toutefois de moments mémorables. Entre les épisodes épiques où votre équipe se sort dans la difficulté d'une situation abracadabrantesque et ceux où vos proches souffrent et meurent, le scénario parvient à tenir en haleine 70 heures durant sans trop lasser, sauf peut-être durant les vingt premières où les débuts d'un conte encore incomplet commencent à prendre forme.
De toutes manières, la légende sera prétexte à des balades au coeur de lieux inexplorés donc extraordinaires.
Car oui, la grande force de Xenoblade Chronicles, c'est sa capacité à vous emmener au sein de ces environnements d'une grandeur rare pour un jeu de sa génération. Ne soyez pas étonnés de passer des heures dans de grandes plaines entourées de montagnes elles aussi impressionnantes, dans des marais hantés par des esprits colorés, au sommet de ces mêmes montagnes d'un blanc immaculé, le long de vastes plages bordant un océan infini et autres lieux merveilleux et parfaits pour la contemplation.
Cela est d'autant plus fort que vous serez constamment accompagné par les musiques de Yoko Shimomura qui réalise ici un excellent travail. Ses compositions, plus épiques les unes que les autres, contribuent fortement à rendre tout ce qui prend du temps dans un jeu du genre agréable et ce pour notre plus grand plaisir.
Et si la technique demeure toutefois limitée, révélant des textures parfois vilaines et un clipping inévitable, l'aventure toutefois à immerger le joueur dans l'univers si classique et pourtant si efficace de Xenoblade Chronicles. Durant les premières heures du jeu, vous prendrez plaisir à fouler les herbes délicatement animées et donnant une très grande vie à ces lieux. Le grand nombre de créatures présentes donnent l'illusion qu'un véritable écosystème persiste, que celui-ci peut varier selon que vous voyagez de jour ou de nuit, par temps sec ou sous la pluie, et le fait que certaines de ces bestioles puissent occuper la quasi intégralité de l'écran ravit la rétine, malgré un aliasing prononcé.
Evidemment, s'il faudra tenter de faire fi du retard graphique de l'oeuvre de Monolith, difficile de rester insensible au charme d'un titre qui offre un véritable monde, un monde avec un corps, qui se tient, suffisamment varié pour inciter le joueur à explorer les plus éloignées des zones d'une partie de ce monde.
Cette exploration est d'ailleurs très souvent récompensée. Enrichi d'une excellent système de quêtes annexes, Xenoblade Chronicles offre au joueur un tant soit peu curieux la possibilité de très vite devenir plus fort en accordant de l'expérience à chaque nouvelle zone découverte. De plus, les très nombreuses petites quêtes auxquelles vous aurez adhéré durant au cours de l'expérience s'accomplissent facilement, parfois même sans faire attention, ce qui est toujours agréable. D'autres, plus complètes, demanderont plus de temps pour être achevées mais se révéleront souvent plus intéressantes en terme de récompenses. A vous de voir.
Comme tout bon jeu de rôle qui se respecte, le combat occupe une place primordiale. Cependant, ici, pas de place à la parlotte, les joutes se déroulent en temps réel. Une simple pression sur un bouton contextuel et vous serez lancés dans la bataille, à moins que ce ne soit une créature particulièrement hostile qui débute entame l'affrontement. Ce système d'initiative sera d'ailleurs à prendre en compte si vous souhaitez gagner du temps ou tout simplement éviter un monstre trop puissant pour votre pauvre petit groupe.
Petite note, le game over n'est ici pas punitif, si vos personnages se retrouvent tous à terre, vous reprendrez sans perte d'expérience, d'équipement dans un lieu calme, ce qui vous épargne les frustrantes recharges de sauvegarde. Un confort d'autant que les combats sont particulièrement nombreux et pas toujours évidents, un surnombre étant très vite arrivé.
Sinon, les pugilats se révèlent relativement classiques. Vos coéquipiers et vous-même attaquez automatiquement, seul le choix d'utiliser une compétence est à prendre en compte durant le combat. On peut tout de même noter quelques ajouts intéressants tels que la présence d'une jauge autorisant les résurrections ou les attaques groupées ainsi que la possibilité d'utiliser les pouvoirs spécifiques de la Monado, souvent indispensables pour se protéger d'une offensive annoncée meurtrière de vos ennemis, par exemple.
Cela donne au final des combats vifs, rapides, rarement prise de tête sauf contre les boss où votre patience et votre sang-froid seront mis à rude épreuve, l'idéal dans un jeu de rôle de ce type où l'on passe beaucoup de temps à améliorer ses capacités et son équipement.
Par ailleurs, la gestion de l'inventaire est particulièrement simple mais s'offre une petite subtilité, la création de gemmes personnalisées dont les effets peuvent être additionnés aux caractéristiques de votre arme ou armure. Quant aux capacités débloquées au cours de l'aventure, ces dernières peuvent être améliorées contre dépense de points obtenus à chaque fin de combat. Pas de grande innovation de ce côté là mais suffisamment de contenu pour justifier le temps passé dans des menus touffus.
Bien évidemment, tout jeu de rôle suppose une narration, un aspect social plus développé qu'ailleurs et qui pourrait même se révéler évolutif. Autant être franc, Xenoblade Chronicles ne bouleverse pas les codes du j-rpg à ce niveau là mais on peut tout de même signaler la possibilité d'améliorer les relations des personnages qui participent aux même combat par le biais de QTE. Les conséquences de votre gestion du groupe dont loin d'être négligeables car une bonne entente de chacun des protagonistes leur offre la possibilité de partager leurs compétences propres ce qui grandement faciliter l'aventure et accélérer la progression.
Toutefois, les acteurs de la quête ne brillent pas par leur grand charisme. S'ils se démarquent par un caractère propre et identifiable, ils collent tout de même aux clichés du genre. Entre héros discret et volontaire, benêt sympathique, guerrier "classieux" et copine d'enfance futée, aucun d'entre eux ne restera gravé dans les mémoires même si l'on finit clairement à les apprécier pour ce qu'ils sont. Ils ne sont pas non plus aidés par une mise en scène relativement rigide et la rigidité de leurs visages qui ne laissent que difficilement passer les émotions. Encore une preuve des limites techniques de la Wii.
Mais force est de constater que Xenoblade Chronicles séduit, cela est incontestable. Riche, profond, impressionnant de par son esthétique et sa faculté à faire voyager le joueur, il ne le prend toutefois pas à défaut grâce à ses combats simples mais intenses et sa progression toute aussi classique mais suffisamment bien menée pour justifier une aventure qui peut atteindre les cent heures de jeu si vous faîtes partie de ceux qui aiment prendre leur temps.
S'il ne transcende pas la formule quelque peu sclérosée des j-rpg de ces dernières années, il fait toutefois l'effort de proposer une expérience pointue et savoureuse, chose sur laquelle on ne crachera surtout quand on est possesseur de Wii et amateur du genre. Il s'agit d'une très belle épopée, qui plus est. Pourquoi ne pas s'y jeter sans réfléchir ?