Le transmedia

Les loisirs de divertissements sont nombreux, surtout dans nos sociétés modernes où la technologie fait reculer les limites et où la demande est forte de remplir un temps libre de plus en plus vaste. Concentrons nous aujourd’hui sur ceux de l’univers Geek, c’est-à-dire ceux qui permettent de voyager en pensée, sans avoir à bouger ou à sortir de chez soi.

Parmi eux on peut compter la littérature et la bande dessinée, les séries et les dessins animés, mais ce qui nous intéresse aujourd’hui est la relation de plus en plus affirmée que partagent les deux derniers que sont le cinéma et le jeu vidéo. Car tous les loisirs cités sont de moins en moins confinés à leur genre propre, s’accordant la liberté de rendre visite au média voisin. Un livre deviendra ainsi un jeu, un jeu un livre, ou encore une bande dessinée une série.
Cela s’appelle le transmedia.

 

L’espoir naît, fragile

Lorsqu’au détour d’une actualité encore fraîche, le joueur assidu apprend la rumeur d’une adaptation de l’une ses œuvres vidéo-ludiques chéries sur le grand écran, il ressent souvent un bonheur intense tout droit issue de la nostalgie plus ou moins ancienne que sa pratique a pu graver en lui.
Il se peut que ce plaisir ressenti soit accompagné chez l’utilisateur aguerri d’une sueur froide, cette goutte glacée coulant le long de son dos à l’idée que le produit qui en ressortira ne rendra pas hommage à ce qu’il estime devoir être un chef-d’œuvre.

 

Choix d’une adaptation

Car le projet sera mené par des producteurs au service de leur compte en banque, ayant plus à cœur de choisir l’œuvre à adapter parmi celles qui de leur point de vue ont le plus de chances d’être rentables que par réel amour du produit initial. Cela n’empêche pas pour autant le résultat d’être bon, mais peut être la première raison d’un plantage annoncé.

Je suis le premier à comprendre que l’investissement dans ces domaines est immense et que le retour attendu soit une donnée importante et logique, voire la donnée de base chez ceux qui financent le tout. On espère simplement deux choses:

  • que ceux qui fournissent l’argent laissent aux créateurs une liberté maximale de concrétiser leur vision sans imposer la leur
  • et surtout que ces-dits créateurs aient de leur côté une réelle connaissance et un amour profond de l’œuvre qu’ils adaptent.

Si ce point est validé, alors les rails vers une adaptation réussie peuvent être considérés comme bien posés.
Lorsque c’est le cas, cela aboutit souvent à une œuvre de qualité qui fait plaisir aux fans, en plus de rapporter un joli pactole.

Les exemples de mariage inter genres sont légions mais celui du portage d’un jeu au cinéma, en plus d’être assez rare, est plutôt récent, exceptions faites de quelques tentatives lamentablement échouées à l’ère où le jeu vidéo, naissant et populaire, donnait des velléités de grandeurs aux actionnaires.
Citons pour le plaisir les nanars que sont le « Super Mario Bros » de 1993 ou encore le mythique « Street fighter: l’ultime combat » de 1994, à qui on ne peut enlever son casting exceptionnel pour l’époque.

La raison pour laquelle on choisit le jeu à adapter en film me paraît devoir couler de source: LE SCENARIO.

 

Nanar en approche

Et quand je parle de scénario, je veux le dire LE MÊME que celui qui a fait la force du jeu à l’origine. Quelle bêtise que d’en adapter un en le choisissant pour cette raison, mais de décider à un moment donné de sa création de ne garder que le titre, son univers si on a de la chance, et de donner à la nouvelle équipe le soin de créer une histoire différente.

Je pense deviner leur processus de pensée. Avec tout la bonne volonté du monde, la nouvelle équipe se dit qu’une intrigue inédite ne peut qu’être une bonne chose, et pense qu’adapter (changer entièrement) le scénario le fera mieux passer sur un grand écran. ERREUR. Et si jamais ça marche tout de même, j’ai envie de crier au coup de chance.
De la même façon, choisir d’adapter un jeu sans le moindre scénario est un mystère absolu qui prouve que le potentiel rendement est au centre des priorités de l’investisseur, pour qui un grand nombre de personnes va courir dans les salles de cinéma à la seule évocation du titre du film adapté car ils en ont adoré la version vidéo-ludique.

Je citerai le jeu TETRIS, rouleau compresseur international auquel la Gameboy doit en partie son succès et sorti en 1984. Jeu de réflexion génial où l’on devait faire s’emboîter des formes afin d’éliminer les lignes avant que l’écran ne se remplisse. Parfait exemple d’un jeu au potentiel cinématographique absolument inexistant et qui verra pourtant son adaptation devenir réalité par la volonté de la société Treshold Entertainment, qui a fait équipe avec The Tetris Company dans ce but.

Cela ne veut pas dire que le film sera forcément mauvais, on peut même avoir de bonnes surprises parfois.
Je veux juste souligner que l’impact important de l’argent que cela peut rapporter, grâce à une licence ultra connue, est à envisager comme étant essentiellement au centre du processus de création, au détriment de l’évidence qu’un bon scénario pourrait provoquer.

 

Le respect au cœur de l’œuvre

Pour revenir aux adaptations de jeux dont le scénario est la raison numéro 1 d’exister, il est nécessaire de conserver un maximum de ce qui a fait la popularité du titre auprès des joueurs. La seule chose qui ne sera évidemment pas présente dans les salles obscures est en toute logique celle qui fait la différence entre les 2 media, le gameplay.

En gros, au cinéma, on suit l’histoire qui se déroule sur l’écran de manière passive quand dans un jeu on passe du temps à contrôler le protagoniste principal dans les phases d’action, de déplacements et parfois de dialogues.

Mais il faut absolument garder les personnages et leur caractère, la musique et le déroulé de l’intrigue au plus proche de l’expérience vécue par le joueur. Car le plaisir de l’initié vient de cette satisfaction intérieure de connaître les ressorts de l’œuvre, quand le profane assis à côté de lui ne voit pas les clins d’œil qui lui sont comme personnellement adressés, et apparaissent comme un cadeau invisible aux autres.

Si je devais choisir deux titres qui selon moi ont un fort potentiel d’être des films exceptionnels, non seulement car ce sont des blockbusters en puissance, mais aussi et surtout pour l’excellence dépassant parfois les meilleurs films de leur scénario, je citerais Bioschock et Mass Effect.
L’un angoissant et troublant à souhait. L’autre space opéra épique à l’aventure sidérante.

 

Le jeu vidéo, art en quête de légitimité

Les adaptations ratées découlent trop souvent à mon sens du manque d’estime que portent ceux qui rendent le projet possible au média de départ, ici le jeu vidéo.

Loisir pour enfants ou adultes atteints du syndrome de Peter Pan, il est rarement pris au sérieux par une génération qui ne s’y est pas adonnée.

L’espoir naît pourtant de ce que ce jeune média l’est de moins en moins, voyant ses fans, alors enfants des années 80 et adolescents des années 90, devenus des adultes dont le support a mûri en parallèle, gagnant sur le fond et sur la forme, provoquant parfois l’ire de ceux qui, ignorants tout de cette pratique, le croient figé à ce qu’il fut, loisir abrutissant et passe-temps de leurs chères têtes blondes auquel aucun adulte respectueux ne saurait s’adonner.

Les potentiels producteurs et réalisateurs contemporains sont les joueurs d’hier et, espérons le, d’aujourd’hui.


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