Certains créateurs ont le donc de sortir des ovnis vidéoludiques qui marquent leur époque. Suda 51 en fait parti. Après un dérangeant Killer 7 sur Gamecube et PS2, le bonhomme et sa clique de développeurs remettent le couvert sur Wii, pour un jeu d'action décalé. Mais le résultat est -il à la hauteur des attentes ? A l'occasion de la sortie imminente du deuxième volet de la série, revenons un peu en arrière pour découvrir le premier épisode...

 

Vous incarnez Travis Touchdown, un bon à rien, un raté, qui n'a jamais réussi quoi que ce soit dans sa vie. Après avoir acheté un katana laser, il tue sans faire exprès le 11e assassin de la ville de Santa Destroy. Il décide alors de tuer un par un les assassins mieux placés que lui dans la hiérarchie pour devenir le numéro 1. Son autre motivation est cette femme sexy qu'il a rencontré dans un bar, Sylvia Christel, et qui a accepté de se livrer à Travis que s'il devient premier. Les différents meurtriers ont des caractères propres, mais il est dommage que leur historique n'est pas été plus recherché. Travis est pour sa part un vrai otaku, tout ce qu'il y a de plus caricatural... 

La particularité du jeu est de nous proposer en alternance des phases de beat-them-all et d'exploration libre comme dans un GTA. Si les premières sont brillantes, les secondes sont complètement ratées. Dans la ville, vous errez de ci de là pour effectuer des petits boulots qui vous permettront de récolter les fonds nécessaires à l'inscription aux différents combats. Pour cela, il faut d'abord se rendre au « Job Center », qui propose du travail aux gens pauvres comme notre héros Travis. Malheureusement, les activités sont toutes sans intérêt, limitées, et tiennent plus du mini-jeu que du gameplay profond. Cela fait qu'on s'ennuie à mourir entre deux combats, le plus gênant étant que les sommes d'argent demandées sont en fin de jeu tellement grandes que recommencer plusieurs fois les mêmes boulots devient obligatoire, pour le malheur du joueur. Qui s'amuserait à tondre une pelouse ou à ramasser des noix de coco ? Personne. On sent que les développeurs voulaient donner un ton complètement décalé au jeu, mais il y avait sûrement d'autres moyens de le faire, car on se retrouve devant un titre qui ennuie à vouloir sans cesse se démarquer... En plus, le seul véhicule du jeu, la moto de Travis, est quasi-injouable, tant elle est peu réactive et maniable. 

Mais une fois ce calvaire fini, après avoir amassé suffisamment d'argent, on peu se lancer dans des phases de combat pêchues. Avec le stick du Nunchuk, on dirige Travis à travers des niveaux linéaires, qui font de No more Heroes un vrai « jeu couloir », mais aussi bourrés d'ennemis. Il faut alors enchainer les coups de katana laser (oui, vous avez bien lu) avec le bouton A de la Wiimote pour faire des dégâts à vos opposants, avant d'infliger le coup de grâce par un mouvement de la télécommande dans une direction précise. Le système de reconnaissance des gestes est vraiment basique, et très laxiste. Passer d'un adversaire à l'autre se fait naturellement par un système de lock efficace . Pour les prises de catch au corps à corps, appuyer sur le bouton B suffit pour assommer votre ennemi, et des gestes imposés permettent de l'achever. Dommage que dans la frénésie des combats, on perde parfois un peu le Nord. Car il faut bien l'avouer : c'est jouissif, mais un peu trop brouillon. Quant aux boss de fin de niveau, ils demandent d'être plus stratégique, moins rentre-dedans sous peine de mourir, ce qui donne lieu à des affrontements plus fins et tactiques .

D'entrée de jeu, il faut distinguer entre la patte artistique et la réalisation purement technique. Comme Killer 7 avant lui, No More Heroes peut se targuer d'avoir une esthétique propre et originale. Assimilable à de l'art moderne, voire du pop-arts, le style inimitable du jeu rend particulièrement bien sur les personnages, qui, soit dit en passant, possèdent un charisme fou. Les couleurs peu accentuées tranchent violemment avec les ombres très marquées, pour un résultat atypique. En revanche, cette esthétique donne un résultat proche de la médiocrité sur les environnements et les décors, trop dépouillés, trop basiques, trop cubiques et décidemment trop peu attirants à l'oeil. De plus, le jeu accuse des lacunes techniques déplorables pour un titre de cet acabit, qui ruineront très probablement l'expérience ludique de nombreux joueurs. Les phases dans la ville sont hachées par des ralentissements honteux, des bugs de collision omniprésents, du clipping et un aliasing envahissant. Certains objets, comme les arbres, s'affichent au dernier moment, et la ville est définitivement morte, avec peu de trafic et seulement quelques piétons. Pendant les phases de combat, les effets sont dans l'ensemble soignés, et les animations convaincantes. Un bon point aussi, les cinématiques franchement plaisantes à regarder. Il y a donc, vous l'aurez compris, à boire et à manger dans ce No More Heroes, et un cruel manque de finition. 

Aussi décalé que son esthétique visuelle, l'ambiance sonore est globalement de qualité, avec des morceaux de tous les genres, du rock aux morceaux plus country, qui plairont au plus grand nombre. Les bruitages sont toujours dans le ton, et les dialogues en anglais sous-titrés crédibles, drôles et bien mis en scène. Rien de bien exceptionnel, mais la bande-son reste bonne, mis à part lors des phases d'exploration de la ville, où l'ambiance sonore passe totalement inaperçue. 

No More Heroes brille en fait plus par son ambiance que par ces qualités ludiques. L'univers de Travis est complètement déluré. Et le jeu balance des références à chaque minute. Les tableaux de fin de niveaux rappellent Star Wars, tout comme l'idée du Katana laser. L'appréciation de jeu dépendra aussi de votre passé vidéoludique. Les bonus et autres effets sonores et visuels sont résolument old-school, et il n'est pas rare de rire à la vue de certaines scènes. Mais parfois, le jeu accumule les allusions au sexe ou nous bombarde de commentaires cyniques, qui n'apportent finalement rien, mis à part du dégoût. Le jeu est déconseillé aux moins de 16 ans, mais aurait très bien pu être estampillé 18+... Mis à part qu'on note l'absence de gerbes de sang, remplacée par la censure par des effets noirs pas forcement agréables à l'oeil. Dommage. 

Finir l'aventure ne vous demandera pas longtemps : comptez entre 8 et 10 heures. Deux modes de difficulté sont proposés : sucré et salé, mais peu de joueurs auront le courage de se relancer une deuxième fois dans l'aventure. Pas de coop, pas de mode annexe. C'est trop peu. 

CONCLUSION : 

Cruelle déception que ce No more Heroes. S'il aura ses fans, on ne peut passer outre une réalisation technique à la ramasse, et un déséquilibre général du jeu, qui déroutera forcement, au risque d'énerver nombre de joueurs. De nombreuses bonnes idées, mais mal exploitées et un contenu trop peu varié, et pas assez dense. On espère que le deuxième volet de la licence, qui devrait sortir en février, relèvera le niveau, en gommant tous ses défauts... En attendant, les gamers de la Wii peuvent prendre leur mal en patience sur Madworld.