Finalement, les critiques véhémentes et nombreuses qu'aura subies Microsoft concernant ses annonces autour de la vision Xbox One auront eu raison de sa détermination. Elle n'aura même, pourrait-on dire, pas duré très longtemps, puisque moins d'un mois après l'annonce de la console le 21 Mai, le géant fait totalement machine arrière.

Mais dans la lettre de Don Mattrick annonçant ces changements, pointe une amertume certaine, comme si, résigné, la patron de Microsoft laissait poindre sa déception de ne pas avoir su montrer cette vision sous un jour plus favorable, ou, si on était mauvaise langue, comme s'il disait à demi-mot : "vous voulez rester dans le passé et ne pas profiter du partage de votre ludothèque que la Xbox One aurait permis ? Tant pis pour vous".

Et le problème, à l'origine, a sans doute pris cette ampleur sans précédent dans l'opinion des consommateurs surtout parce que, c'est indéniable, Microsoft a totalement foiré sa communication autour du système qu'il voulait imposer. Comme souvent, s'il avait su en montrer les avantages dès le départ, peut-être qu'il n'aurait pas eu à faire un virage à 180°, voire s'humilier dirons certains, hier. Ces avantages, Kyle Wagner, sur Gizmodo, en a fait un article entier, se plaçant à l'avant-front de ceux qui "ne crient pas victoire trop vite".

Une vision optimiste

Ce que Wagner retient de ce revirement de situation, c'est principalement la perte des avantages suivants :

  • La possibilité de partager, revendre, ou faire don de ses jeux dématérialisés, au même titre que les jeux physiques sur disque.
  • La possibilité de partager ses jeux sans contact physique, avec des amis étant à l'autre bout du monde, si on le désirait.
  • L'éventualité de jeux rendus moins chers par le contrôle du marché "gris" de l'occasion et des DRM bien gérées (à l'image de ce qui s'est passé avec les prix sur Steam), et sur lequel éditeurs et développeurs auraient pu percevoir une partie de revenus.
  • La perte d'un certain confort, avec le possibilité de jouer sans les disques une fois les jeux installés, par exemple.

Si Microsoft, le 21 Mai, avait pris la peine de présenter sur scène cette fonctionnalité (encore obscure) de la liste de partage avec 10 amis, par exemple en montrant comment en deux clics on pouvait sélectionner un ami dans sa liste Xbox Live, partager sa ludothèque avec lui, puis, en l'appelant via Skype pour mieux le voir en profiter, peut-être que le rapport des joueurs à cette politique aurait été tout autre. Mais ce n'est pas ce qu'ils ont fait. A la place, ils n'ont abordé tout ça que de manière cryptique et contradictoire, après l'événement, et le plus maladroitement du monde.

Sony, qui, ne nous leurrons pas, avait très probablement des systèmes similaires dans ses cartons, en a donc tiré parti pour coller un uppercut historique à Microsoft lors de sa  propre conférence E3 du 10 Juin. Et le reste de l'histoire, on le connaît.

Il faut aller plus loin

Les premiers sondages de joueurs autour de cette décision semblent indiquer que l'avantage pris par Sony reste bien ancré dans leurs intentions d'achat, même si d'aucuns considèrent que c'est une bonne décision pour l'avenir de la console. Bien entendu, à chaud, ils n'ont peut-être pas une valeur si importante que ça : après tout, il reste encore 5 mois et 2 salons majeurs (GamesCom et TGS) avant la sortie de la console, largement de quoi les convaincre à l'achat. Mais indubitablement, l'opinion n'est pour l'instant pas prête à changer sa vision de Microsoft. Pas tout de suite.

Et en réalité, elle aurait probablement tort de le faire. Non pas parce que Microsoft pourrait revenir à nouveau en arrière (après tout, s'ils changent une fois, pourquoi pas deux ?), ce qui serait à mes yeux un suicide à la fois médiatique et commercial. Mais parce que le retard pris par Microsoft en la matière ne pourrait être rattrapé pleinement que si le géant allait bien plus loin ; en faisant les choses dans le bon ordre. C'est-à-dire en réinstaurant, en plus du système traditionnel actuel à présent restauré, son idée de liste de partage valable pour les jeux dématérialisés (et disque, tant qu'on y est). Les rumeurs de l'introduction prochaine de systèmes de revente et de prêt de licence sur Steam montrent qu'en tout cas, c'est possible (reste à ce qu'elles se confirment), et comme on dit : "quand on veut, on peut".

Imaginez un instant le meilleur des deux mondes ; la possibilité de revendre, prêter ou donner ses jeux disque comme avant, OU, en les liant à notre compte de notre propre chef, de les partager avec 10 amis / membres de la famille, ou encore de les donner via après une désinstallation authentifiée, comme c'est déjà le cas avec certains jeux PC au format disque. Les possibilités et les systèmes existent, à Microsoft d'y réfléchir et de les implémenter pour prendre un nouvel avantage dans l'opinion, et pour sauver les vestiges de sa vision.

S'agit-il vraiment d'une victoire totale ?

En tout cas, ce qui vient de se passer traduit une chose : les consommateurs ont encore le pouvoir (mais ils l'avaient de toute façon, puisqu'ils sont propriétaires de leur porte-monnaie). Si on serait bien entendu tentés d'y voir quelque chose de très positif, il serait aussi plus juste de dire que ce n'est pas tant là la Loi des Consommateurs, que celle de la Majorité, ce qui est subtilement différent. Car si cette majorité, demain, se trompait ? Echouait à voir ses propres intérêts dans une situation donnée, annulant le bénéfice de certains sur l'autel du désir de la masse ? C'est, manifestement, ce que ressent Wagner, en tout cas.

Mais si, comme le dit Microsoft, ce qu'ils prévoyaient est une vision d'avenir, alors ils feront ce qu'il faut pour qu'elle ne meure pas tout à fait. C'est donc pour cela que, pour ma part je croise les doigts : pour qu'elle trouve une incarnation plus en phase avec les habitudes actuelles, et non en opposition. Car indubitablement, le rêve d'un partage plus global, d'une plus grande gamme de services possibles, et d'options pour les joueurs, reste séduisant, mais avec le choix d'y adhérer ou non.