Cet article évoque certains éléments narratifs du début du jeu, vous êtes prévenus.

Nous avions laissé Adam Jensen, le héros de cet épisode, alors qu'il était en très mauvaise posture. Le chef de la sécurité de Sarif Industries, se préparant à une annonce mondiale de la société sur une découverte liée au transhumanisme, est passé à un cheveu de la mort après être tombé sur un groupe de trois mercenaires lourdement cybernétisés, ayant fait irruption dans les labos de la société. Ce n'est que grâce aux technologies médicales de l'époque, 2027, à des implants dernier cri, et à beaucoup de chance, qu'il est de retour, après plusieurs mois de convalescence, dans les locaux de Sarif Industries.

Petit arrêt de travail

Pour la plupart des employés déambulant dans les couloirs du building classieux de Sarif, à commencer par la standardiste, revoir Jensen aussi tôt après ce qu'il a enduré relève du miracle. Chacun y va de sa petite phrase (tous sont doublés), surpris de le voir à nouveau sur pieds en si peu de temps. Je surprends même une conversation pleine d'inquiétude et de préoccupations plus perfides qu'altruistes entre deux personnes, au détour du premier étage - pour cet autre employé, on ne peut pas me faire confiance après un tel trauma, d'autant plus à cause d'un mystérieux incident datant de mes années dans les SWAT. S'ensuit un dialogue à options multiples, dans lequel je me permets de lui remonter les bretelles et de le renvoyer bosser fissa. C'était déjà cool d'être le chef de la sécurité, mais avec mes deux nouveaux bras en fibre laquée de noir, et mes yeux artificiels surmontés de deux verres teintés rétractiles, j'allie un surcroît de classe et de force contenue dont l'effet est quasi immédiat. En revanche, j'ai, semble-t-il, un petit souci avec mes optiques synthétiques, puisque toutes les données en surimpression de mon champ de vision (un astucieux affichage du HUD du jeu) tressautent, comme s'il y avait des interférences. Il faudrait que j'aille trouver Pritchard, le génie de l'informatique de la boîte, pour qu'il y jette un coup d'oeil... Mais David Sarif, le patron et l'oncle de ma Megan, veut me voir d'urgence dans son bureau. Et puis, j'ai tellement envie de farfouiller tous ces bureaux et d'aller relever mes mails... Que faire ?

L'embarras du choix

Le kiff du premier Deus Ex, ce qui lui a permis de laisser une telle empreinte chez les joueurs, c'est cette apparente dimension de liberté de choix, dont on avait toujours l'impression qu'elle avait été envisagée sous tous les angles par ses concepteurs. Résultat : à chaque petite tentative d'aller ici ou là, de tenter telle ou telle approche, le jeu semblait répondre de manière adéquate. Qu'en est-il dans Deus Ex : Human Revolution ? Si je me fie à ces deux heures de jeu, on retrouve ce sentiment un peu partout. Faisant fi de l'urgence apparente de Sarif, je me balade. Je parle à tout le monde, découvre des tonnes de bureaux, parfois verrouillés, dont les ordinateurs n'attendent que mon irrépressible envie de les hacker pour fouiller leur contenu. Tiens, si j'allais faire un tour aux toilettes des dames, comme dans le premier Deus Ex ? Je pousse la porte discrètement pour tomber oreille à oreille avec une discussion entre deux employées, chacune abritée dans un compartiment, assise sur le trône. Visiblement, ça parle de moi... Décidément, mon retour fait le potin du jour. Je m'éclipse, conscient que cette histoire de toilettes des filles me reviendra dans la poire à un moment ou à un autre, car les devs ne se sont pas privés de ce clin d'oeil au premier Deus Ex. Je ne m'y trompais pas, Pritchard, que je croise enfin, me colle l'affiche direct : "Dis-donc, Jensen, je sais que t'es passé par pas mal de changements dernièrement, mais t'es pas devenu une femme pour autant. Reste en dehors des toilettes des dames", me fait-il. Enfin, un jeu qui use de plusieurs petits détails et scripts pour nous ancrer dans son univers, comme à l'époque. Je sens que ça va être bon.

Faut s'mettre au travail

Et ça continue : à force de me balader et de prendre mon temps pour papoter à droite et à gauche, Sarif m'appelle furax : il faut que je le rejoigne directement sur l'hélipad, la situation a empiré. Plus le temps de discuter dans son bureau. Je passe néanmoins par la cafétéria, histoire de jeter un oeil au dernier journal. L'actu semble chaude et bien entendu, Sarif fait les gros titres. Nous rejoignons Malik, ma pilote attitrée. Une petite brunette apparemment très sympa, contente de me revoir, tout aussi étonnée que les autres que je m'en sois tiré, et qui plus est aussi rapidement. Dans l'hélico, David me briefe. Une de nos installations aurait à nouveau été infiltrée, il va falloir qu'on règle le problème. Il m'offre le choix de résoudre la situation comme bon me semble. Létal ou non ? A distance ou en close combat ? En fonction de mes réponses, il m'équipe sur le trajet. J'ai opté pour le non-létal à distance. Il faut que je m'occupe aussi de répartir mes points dans mes augmentations, en fonction du Jensen que j'ai envie de faire : un type qu'on ne voit toujours que trop tard, expéditif, futé, discret, et aussi versatile que possible. Me voici donc au coeur de l'aspect RPG de ce Deus Ex : Human Revolution.

Et face à l'écran d'interface qui répertorie les différentes parties du corps augmentées (Crâne, Torse, Bras, Yeux, Peau, Jambes), et les possibilités qui me sont offertes, j'ai presque le vertige : purée, il y a un paquet d'augmentations, chacune avec plusieurs niveaux de perfectionnement ! J'opte pour le camouflage optique, un grand classique, et pour mes yeux, j'ajoute un radar qui apparaîtra ainsi en surimpression pour me signaler les mouvements hostiles. J'aurais tout aussi bien pu perfectionner le radar en ajoutant les cônes de vision, mes jambes pour qu'elles fassent moins de bruit, renforcer ma peau synthétique pour mieux résister aux dégâts, ou encore adjoindre à mes yeux de quoi mieux détecter les réactions de mes interlocuteurs pour de meilleurs résultats sociaux. J'ai un peu envie de tout... mais il faut faire des choix, même si pour les besoins de cette preview, j'ai plus de points à répartir. Je complète donc le tableau avec une force accrue, qui me permettra de soulever de plus lourds objets pour les empiler, par exemple... c'est que je suis un fana de l'exploration des toits.

C'est beau, la technologie

Il faut deux points pour débloquer une augmentation, un point pour la faire progresser d'un niveau (certaines offrent des plus amples possibilités ainsi, d'autres sont renforcées, ou durent plus longtemps). Certaines augmentations sont passives (comme le radar dans les yeux, par exemple), donc toujours actives. D'autres se déclenchent, et consomment de l'énergie. Celle-ci est gérée par une jauge fragmentée. Lorsqu'on désactive une augmentation consommant de l'énergie, cette dernière se recharge jusqu'au maximum du fragment en cours de dépense. Par exemple, si on dépense 1 fragment et demi d'énergie sur les trois disponibles, la jauge se rechargera jusqu'à 2 fragments complets, mais il faudra un objet consommable pour récupérer le troisième fragment. Je farfouille donc les casiers, tiroirs, bureaux, pour récupérer tous ce qui y traîne, à commencer par de la bouffe pour la vie, des piles pour l'énergie de mes implants, et des munitions. Bien entendu, un inventaire complet (avec ses cases, inspiré de Resident Evil 4 nous a-t-on confié), gère l'ensemble de ce qu'on peut trimbaler : armes, objets, outils, consommables, etc.

Parmi les implants de base, que tout joueur aura dès le début de ce chapitre, citons l'infolink, qui permet de communiquer avec les autres personnages en temps réel (un téléphone crânien, si vous préférez, un peu comme le codec de MGS), et d'afficher les infos de base (interactions avec l'environnement d'une discrète surimpression jaune sur les objets, munitions, énergie des implants, etc.). Et il y a bien entendu l'interface de hacking. Qu'il s'agisse d'ordinateurs ou de digicodes de sécurité, Jensen pourra ainsi tenter de hacker un peu tout et n'importe quoi, mais chaque appareil "hackable" s'avère bien entendu plus ou moins difficile à pirater, et le niveau de l'implant détermine la capacité de Jensen de tenter sa chance. Mais, quoiqu'il arrive, chaque hack donne lieu à un mini-jeu immersif, prenant, et proche du traitement qu'en ont fait les jeux de rôle papier tels que Cyberpunk ou Shadowrun, pour ceux qui connaissent.

Exploration réelle, exploration virtuelle

Si le level design fait la part belle à l'exploration, puisque sur cette première mission on peut déjà passer par plusieurs voies différentes, et que les niveaux semblent suffisamment grands pour qu'on puisse passer à côté de certains recoins que d'autres trouveront, lorsqu'on hacke, c'est un nouvel univers qui s'offre à nous. Alors que dans le Deus Ex original, il suffisait de pointer un ustensile vers ce qu'on voulait hacker pour y avoir accès, cette fois il faudra activement pénétrer le réseau, puis capturer, noeud après noeud, les machines qui nous intéressent (soit pour les données qu'elles renferment, soit pour ce qu'elles manipulent comme dispositifs, tels que caméras, robots, tourelles, etc.). Chaque noeud affiche un pourcentage de difficulté pour le capturer, et chaque tentative risque ainsi, en fonction de ce pourcentage, de déclencher une trace. Si la trace se déclenche, c'est la course : il faut alors atteindre le point névralgique du réseau avant qu'elle ne remonte jusqu'à notre point d'entrée. Il y a bien sûr des implants qui permettent de faciliter l'opération, et des consommables qui facilitent, le cas échéant, l'opération en cours en capturant par exemple des noeuds instantanément. Et la cerise sur ce gâteau, c'est que le jeu continue de tourner en dehors de la matrice. Les écrans sur lesquels sont affichés les réseaux en cours de capture sont dans l'univers de jeu : on peut même continuer de manipuler la caméra pendant le hack.

Les mots pour arme

Je vous passe les détails de mon infiltration de l'installation. Mais les ennemis réagissent plutôt bien, régis par un système d'alerte. S'ils découvrent un corps, ou me voient, l'alerte est donnée et il ne reste plus que l'action pour s'en sortir. Ils peuvent aussi activement me rechercher s'ils ont la puce à l'oreille : un bruit, une vision fugace de mon passage, ou d'autres erreurs sont susceptibles de les attirer. Je me suis d'ailleurs retrouvé obligé d'user de cela pour me faciliter la tâche sur une salle assez complexe, en jetant une boîte en carton pour attirer un garde en dehors de sa ronde et l'assommer en toute discrétion. On notera d'ailleurs que tuer fait généralement plus de bruit qu'assommer, et cela a son importance. Car Deus Ex Human Revolution n'a pas l'air d'être un jeu aussi facile que l'essentiel de la production moderne. Il faut y faire attention, exploiter son environnement, et des ressources limitées, pour espérer s'en sortir sans accroc.

Pour conclure cet avant-goût, c'est un "combat social" qui nous fut offert, à l'issue de cette mission. Un type tenant en otage une employée : pas le choix, il faut parlementer. On peut bien entendu tenter de le menacer verbalement, ou encore de le raisonner, voire de s'en cogner complètement, selon les choix de dialogue entrepris. Et il y en a plusieurs, à la suite : c'est une véritable petite phase de gameplay social, donc, dont l'issue est multiple. La survie de l'otage rapportera bien entendu quelques points d'expérience de plus, et peut-être d'autres choses plus tard dans le jeu... mais chacun découvrira par lui-même la mise en scène de cette fin de mission - qui peut être assez violente, ou même plutôt humoristique (pour ceux qui aiment l'humour noir).

La richesse de Deus Ex Human Revolution semble acquise. Est-ce que j'ai ressenti la même immersion et le même sentiment de liberté que dans le premier ? Oui. De petites surprises ça et là qui m'ont fait dire "ah, ils y ont pensé" ? Aussi. Mais il reste bien entendu encore énormément à découvrir d'ici à la sortie du jeu, prévue à partir d'avril. La mission principale et son scénario, bien sûr, qui devraient prendre 25 heures à compléter d'après les devs, mais aussi et surtout tous les à-côtés, les missions secondaires, qui porteraient ce total à une quarantaine d'heures. Car si ces deux premières heures sont assez linéaires (structurellement s'entend), ensuite, c'est l'ouverture, avec différents hubs comme Détroit, et au joueur de choisir où aller et que faire. Bref, n'y allons pas par quatre chemins : Deus Ex Human Revolution fait toujours partie de mes plus attendus, il est même ancré solidement tout en haut du classement.

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