Du mort-vivant, on en bouffe par centaines à l'heure actuelle. Que ce soit au cinéma (Survival of the Dead, La Horde), à la TV / Comics (The Walking Dead), en littérature (Guide de survie en territoire zombie), et bien sûr en jeux vidéo (Undead Nightmare, Left for Dead), ils contaminent tous les médias populaires dans une approche pluriculturelle du phénomène. S'il est désormais établi que cette nouvelle vague agit de façon inconsciente et cathartique sur les masses, difficile de déterminer néanmoins si cet engouement pour le genre est consécutif à la peur de ce nouveau millénaire, aux guerres larvées qui pourrissent le monde, ou encore à la crise économique de 2008, la vérité se situant plus probablement un peu au milieu de tout ça.

L'armée des morts

Après une intro purement jouissive, qui recycle l'habituelle grammaire cinématographique propre aux classiques de George Romero, via un montage d'images d'archives, d'émeutes et de prises de vues vidéo de zombies agressifs, Dead Nation déroule son dispositif de jeu relativement conséquent. On a le choix entre parcourir la campagne en solo ou en coop (en ligne ou en local), et de relancer les missions uniques déjà débloquées dans une optique plus versée vers le "scoring", ce qui, rappelons-le, est la marque de fabrique du studio Housemarque. Rien que du classique en somme, mais qui promet de longues heures de plaisir, d'autant plus qu'il existe un classement indexé sur le nombre de zombies exterminés dans chaque pays, et qui s'actualise en temps réel. Voir les compteurs du monde entier s'affoler continuellement est du reste assez impressionnant, à l'image de celui des USA... à l'heure où j'écris ces lignes, la France est remontée à la 6ème place, on compte donc sur vous, soldats !

Lève-toi et marche

Une fois son personnage sélectionné - ce qui n'a aucune espèce d'incidence au niveau du gameplay -, on est débarqué sans autre forme de procès sur le toit d'un immeuble dévoré par les flammes, avec un pauvre shotgun en guise d'arme de poing. Il s'agira dès lors de traverser la ville afin de rejoindre un point d'extraction situé de longs kilomètres en aval, l'obscure quête du contaminé originel servant de fil rouge à une intrigue entrecoupée de jolis interludes stylisés sous forme de BD. Et d'emblée, le soin maniaque apporté à l'ambiance oppressante de Dead Nation frappe directement à l'estomac. En effet, le moteur 3D en vue isométrique est plutôt du genre costaud, et fourmille d'une multitude de trouvailles graphiques, administrant à l'atmosphère crépusculaire qui s'en dégage une authentique plus-value horrifique. De plus, la progression à travers les différents chapitres (10 au total) s'effectue exclusivement de nuit, ce qui a permis d'implémenter pléthore de jeux d'ombre et de lumière - via la lampe posée sur le canon de l'arme -, le level design s'évertuant ainsi à jouer constamment avec les zones de contraste du cadre, comme source d'angoisse supplémentaire. Sans oublier les conditions climatiques tempétueuses et parfois inattendues, qui achèvent de rendre la direction artistique de Dead Nation tout à fait pertinente. Du travail d'orfèvre en somme.

I shot the zombie

Quant à la faune décrépie qui hante la cité, les développeurs se sont aussi fait plaisir avec maintes déclinaisons de zombies, chacun d'eux possédant un attribut particulier, allant du contaminé lambda au militaire revanchard (et aux mouvements désordonnés inquiétants), en passant par des clowns sinistres et autres créatures bien plus imposantes, qui font alors office de mid-boss récurrents. En outre, il existe dans Dead Nation un mince aspect RPG pas désagréable du tout, puisqu'il est possible à chaque checkpoint d'acheter un arsenal offensif suffisamment varié, ou d'upgrader ses armes de manière conséquente, et ce grâce à l'argent récolté à travers les niveaux (pensez à fouiller tous les coffres de voiture !). On peut également collecter et agencer entre-elles les nombreuses pièces d'armures disséminées un peu partout, chacune disposant de ses caractéristiques propres. On le constate, les concepteurs ne se sont pas tourné les pouces, et ces choix appropriés de game design instaurent des respirations bienvenues dans le rythme soutenu d'une session de jeu souvent tendue, parfois à la limite de la rupture. Car le plus remarquable encore dans Dead Nation provient de l'expertise du studio Housemarque, qui transforme un bête projet de survival-action à priori banal sur le papier, en démonstration de force qui tend vers l'abstraction déraisonnable propre aux shoot 'em up, notamment quand la horde de zombies devient si dense qu'on peine à s'en débarrasser. Ces brefs instant de pression maximale agissent comme des coups de boutoir épiques, et confèrent à Dead Nation une dimension beaucoup plus tactique, nous permettant d'accéder à cet état de grâce caractéristique des shooters.

Certes, Dead Nation n'a jamais prétendu réinventer la roue, débarquant en catimini sur le PSN au prix dérisoire de 12,99 euros tandis qu'il délivre une intensité ludique qui dépasse la plupart des blockbusters de l'année. Son gameplay au cordeau le rend tout simplement jouissif, voire exténuant quand l'action s'emballe. Un jeu efficace, dense, mais qui sait rester modeste. Merci Housemarque.