Quand on observe le monde vidéoludique de l'extérieur, quand on le regarde sans forcément détester les jeux vidéos mais sans forcément connaître non plus, on doit quand même se poser des sacrés questions, se demander pourquoi toute cette hargne, pourquoi cet élitisme chez certains, pourquoi ce déversement de haine chez d'autres? Pourquoi on trouve peu de modérateurs (mais il y en a) à tous ces débats qui, franchement, vu de loin, s'apparente à une grande farce. La dernière "farce" en date est la colère des joueurs contre la jaquette de Bioshock Infinite. Une jaquette, bordel.

Alors je peux comprendre le possible mécontentement de quelques uns, attachés à leur boîte. Mais ce n'est pas comme si elle était moche, mal photoshopée. Non, la véritable raison qui anime les joueurs c'est simplement sur les idées qu'elle peut véhiculer, sur ce qu'elle représente dans le milieu du jeu vidéo. Un simple drapeau américain (bordel, Spec Ops The Line en a un en grand dans son écran titre!), un homme dans une posture classe, un doigt sur la gâchette, aucune présence d'Elizabeth. La vraie raison, c'est que les joueurs ont l'impression de se retrouvera avec un jeu d'action lambda et sans âme, ce qu'il n'est pas, évidemment. Et puis, merde, c'est qu'une jaquette! Ce n'est pas ça qui changera le jeu. C'est uniquement fait dans un but marketing et les propos de Ken Levine sur la volonté de sortir du lot dans un magasin sont plutôt légitimes tellement le marché du jeu est souvent obstrué, saturé; surtout dans la période où sortira le jeu. C'est sûr que ça ne changera pas la mauvaise image du jeu vidéo, mais sincèrement, il y a matière à agir autrement qu'enfoncer une jaquette pour faire réagir. J'ai l'impression que cette mode du bashing parvient à un point vraiment étonnant où une simple jaquette provoque la ire des joueurs de la planète. Et le pire, c'est que ça marche: Irrational a proposé plusieurs visuels pour créer une jaquette réversible. Tout le monde est content, et les joueurs ont gagné.

S'il y a bien une chose que je retiendrais en 2012, c'est le pouvoir des joueurs. D'abord sur les jeux eux-même, où les développeurs se retrouvent complètement prisonniers de la volonté des joueurs. C'est d'ailleurs assez ironique: les joueurs qui vont connaître leur voix sont ceux qui reprochent aux jeux de se conformer à une base alors que la conséquence principale de ces actions c'est d'adapter leur marketing à ce que veulent les joueurs. On se souvient du tollé de Mass Effect 3, probablement le point de départ de cette succession de coups de sang. A partir du moment où les joueurs se sont rendus compte qu'ils avaient autant de pouvoirs, ils ont continué à se plaindre dès que quelque chose n'allait pas. On pense évidemment aux réactions sur Bayonetta 2 annoncé sur WiiU, qui peut décevoir mais qui n'aurait jamais existé sans Nintendo et son soutien financier, chose que les gros fans ont visiblement oublié et n'ont pas manque de le faire savoir. 

Dernière mode: le bashage des jeux. On le sait, Metacritic est un site important dans le milieu et les notes attribués jouent énormément sur le monde vidéoludique, que ce soit les ventes ou l'action de certaines boîtes. Du coup, lorsque les joueurs ne sont pas contents, ils le font savoir en attribuant tout simplement des 0 aux jeux qu'ils détestent. Comme Resident Evil 6, qui ne peut pas plaire à tout le monde mais dont la réaction exagérée a conduit à une User Note de 0.5 sur 10 (elle est remontée à 4.7 depuis). Diablo 3 aussi a subi la foudre des joueurs qui, en lieu et place de tout objectivité, ont bashé le jeu qui se retrouve avec une note de 3.8 sur 10 pour les joueurs et 88 sur 100 pour la presse. Le jeu est de qualité et j'imagine mal la presse encenser un titre qui ne le mérite pas. Un vrai manque de sincérité est juste un moyen de faire connaître sa déception sans prendre du recul ou réfléchir tout simplement aux qualités évidentes du jeu. On se retrouve donc à ne même plus prendre en compte ces notes tellement elles ne représentes plus rien.

Le véritable problème, surtout quand on regarde Mass Effect 3, c'est que cela influe sur l'intégrité artistique. On pouvait cracher tant qu'on voulait sur la fin du jeu, dire qu'elle ne nous plaisait pas, que la fin n'est qu'un changement de couleur dans le laser, qu'elle était mauvaise et incohérente, c'était celle de Bioware. C'est leur jeu à la base. Si la saga a eu autant de succès, c'est que les joueurs ont apprécié et ont fait confiance à Bioware pour leurs histoires. Demander de changer la fin est clairement un manque de confiance, une volonté de vouloir ce qu'on veut sans respecter les décisions de ses créateurs. Si on achète les jeux, c'est justement parce qu'on aime ce que les développeurs nous proposent. Cette affaire est clairement représentative d'une génération où les joueurs ont déja une idée bien précise du titre qu'ils convoitent et s'il n'est pas à la hauteur de leurs espérances, ils le font savoir, et violemment. Le pire, c'est que ce soulèvement a fonctionné: certes, Bioware n'a pas modifié la fin, mais a apporté quelques lumières sur les dernières séquences, certaines apportant plus de cohérences, d'autres où on sent la volonté de tout expliquer au maximum. Un choix raisonnable, même si ça n'a pas suffi à beaucoup qui voulaient carrément modifier toute la fin. Un non-respect de l'auteur qu'il est dommage de voir.

Dans une tout autre forme, cette année a marqué véritablement un tournant dans la presse vidéoludique, où on a remis en question l'intégrité des journalistes. En France, évidemment, un certain JulienC est devenu le bouc émissaire d'une frange de joueurs qui l'accusent de se laisser corrompre par les éditeurs. Il n'est pas tout seul, ce n'est pas le seul rédacteur, et c'est amusant de constater qu'il est la cible constante de ce genre d'allusions. D'autant plus que de son côté, je suis de moins en moins d'accord avec certains de ses propos, ce qui n'engage que lui et ça ne m'empêche pas de traîner sur la partie Communauté. Encore plus avec le lancement de son MAB suite justement à la mode du bashing qui dévoile un bon nombre de joueurs blasés sur Gameblog, une initiative très louable. Gameblog, qui est censé regrouper les joueurs autour d'une même passion dans la bonne humeur et suite aux commentaires acides, le MAB est une sorte de coquille pour se protéger des répercussions et se retrouvent à l'extrême opposé de ceux dont ils se défendent. Chacun dans son coin.

Le "Dorito's Gate" a fait parler de lui, et généralise la situation de cette corruption, et qui représente une réalité vis-à-vis des éditeurs. Les joueurs étant de plus en plus difficile à convaincre, ils ont parfois recourt à des méthodes un peu douteuses pour satisfaire le public, tout comme le cinéma ou autre média qui engrange un minimum d'argent. Le marketing est là pour faire le boulot, et on voit qu'un mauvais traitement peut parfois conduire au licenciement d'un journaliste. Des conséquences quand même très graves pour un métier qui est censé représenter la liberté d'expression.

L'article du "Point" qui a fait le buzz récemment est une autre vision du monde des joueurs. La journaliste s'est complètement lâché sur un média qu'elle considère dangereux, même si elle a tenté de faire son mea culpa après la réaction des joueurs, mea culpa plus ou moins dans la même veine que l'article original, et donc sans grand intérêt. Malheureusement, la réactions de certaines personnes sont comme d'habitude complètement démesurées (souvenez-vous des réactions après le tweet de Laure Manaudou), et ne font que renforcer cette mauvaise image du jeu vidéo. Se lancer dans de tels commentaires, c'est jouer le jeu des journalistes qui n'auront qu'à piocher dans cette sélection pour alimenter leurs prochains papiers.

Plus encore cette année, les joueurs se sont rendus compte qu'ils pouvaient changer les choses. Réagir aussi violemment pour une simple jaquette montre qu'on n'hésite plus. L'anonymat du web aidant, chacun peut réagir puisque c'est aussi la richesse de l'internet: une expression sans limite, sans peur de se retrouver au devant de la scène et pouvoir apporter sa pierre à un édifice qui manque clairement de maturité et de prise de recul. Evidemment, tous les joueurs ne sont pas comme ça, et comme d'habitude, ce n'est pas toujours la majorité, beaucoup de joueurs n'ont pas forcément besoin de s'exprimer quand ça ne les touche pas ou quand ils ne sont pas blasés ou en colère. Toujours est-il que l'année 2013 va être intéressant, car les grosses licences connus deviennent de plus en plus sacralisés par des joueurs qui ont du mal à grandir. Wait and see...