Quand j’étais enfant et que je me sentais petit ou trop seul, je levais la tête vers les étoiles et je m’imaginais… ben que les scénaristes de cinéma étaient des gens talentueux, déjà, qu’on les payait pour fournir du bon travail et que c’était grâce à eux qu’on pouvait rêver, un peu, de temps en temps, les yeux ouverts.

« Nous nous trompions », comme disait l’autre, « mais il a fallu céder quelque chose pour l’apprendre ».
En alchimie, c’est ce qu’on appelle le prix d’une place de Multiplex.

Alors que les horizons de l'imaginaire voient leur cieux s'assombrir (à mesure qu'on bétonne leurs panoramas), et que le jardinet des salles obscures ne produit plus que des navets (faut dire qu'avec tout ce compost, aussi...), il semble plus sage de prendre le parti d'en rire, quand bien même la situation est-elle triste à pleurer. Ce qui tombe plutôt bien, en fait, vu qu'il est impossible de ne pas s'esclaffer face à tant médiocrité, d'indigence et de grossièreté superfétatoire. Blockbuster-roi de la sainte année 2013, Pacific Rim en est d'ailleurs l'exemple imparfait (n'en déplaise à "un certain public") - lequel atteindrait, selon les spécialistes en soupe aux légumes, les 8/10 sur l'échelle d'Highlander 3 et les 10/10 sur celle de Dragon Ball Evolution.

Quatre potes, quelques tablettes de chocolat, un blu-ray du film et le micro du Mac : le calcul est vite fait. On clique sur "enregistrement" en mode total impro, on verra bien ce qui en ressortira, s'il en ressort quelque chose et advienne que pouic-puic.

Soit, le cas échéant : des interventions difficilement audibles dès que ça crie ou que ça explose dans la télé - c'est à dire approximativement toutes les trois secondes, compte tenu du caractère profondément cérébral du film (chaussez vous d’un casque audio et prêtez l’oreille), mais sauvées pour moitié (plus ou moins) grâce à Audacity (l'occasion pour moi de rééditer le potecast sur Xenoblade Chronicles X, au passage).

Après un démarrage un peu diesel (technologie Jäger oblige), au programme : vannes moisies, réflexions à chaud et éclats de rires - que vous êtes chaleureusement invités à partager ici si les zygomatiques et/ou le désespoir vous en dit. Après quoi s'ensuivra, dès demain (à un ou deux jours près, hein, c'est pas une science exacte), une longue et passiooooooooooooonnante discussion sur tout et sur rien, dont je ne vous épargnerai aucun dérapage ni aucune digression. Vous l'aurez compris (ou en tout cas, faisons comme si) : ce sera une demi-semaine placée sous le signe du potecast.

Mais dans l'immédiat, laissons le sulfureux tandem "Monsieur Zizi X Comte Zaroff" contextualiser tout ça et nous (enfin, "vous", pour être exact) épargner deux heures de visionnage à l'aune du nanar AAA.

Silence, on routourne !

 

PACIFIC RIM POUR LES GROS NULLOS

 

Pacific Rim (comme nous le raconte un héros tellement viril que même sa voix est pleine de muscles), c'est l'histoire de méchants gros monstres gluants pas comme nous (les Kaijus) qui sortent de sous l'eau pour attaquer les gentils humains agréables à l'oeil et semer le chaos dans des villes comme Mulhouse ou Dunkerque. Les gentils humains, qui veulent bien tendre la joue droite, mais pas trop non plus, décident de ne pas se laisser faire et ripostent de la façon la plus logique et la plus rationnelle possible : en construisant des robots géants humanoïdes aux noms rigolol (les Jägers), afin d'affronter la menace au corps à corps.

C'était ça ou la catapulte en bois.

Au début du film, on suit Kéké 1 et son frère Kéké 2, deux cadors du pilotage qui enchaînent victoire sur victoire, mais ne sont pas fichus de jouer la comédie convenablement - au point qu'ils n'arrivent même pas à être convaincants dans le rôle du gars la tête dans le cul (ça donne une idée de la contre-performance). Par chance, un nouveau Kaiju fait son apparition et les sauve de ce grand moment d'embarras cinématographique : ni une, ni deux, les frangins retournent au front en roulant des mécaniques (littéralement, du coup) car après tout, qu'est-ce qui pourrait mal tourner ? C'est pas comme s'ils pouvaient perdre le combat, comme si leurs personnages faisaient doublon ou comme si le scénariste pouvait décider arbitrairement d'en sacrifier un des deux...

 

 "Je suis pas trop convaincu par le prototype du nouveau Kinect".

 

Ils montent donc dans leur gros machin tout moche et c'est là que, selon notre expert en mecha-design, ça commence à vraiment, mais alors vraiment chier dans la colle (n'essayez pas chez vous, les enfants - ou soyez prêts à assumer les conséquences et à appeler les pompiers). On les affuble de scaphandres high-tech avec un liquide inutile qui se vide dans la visière pour faire joli et qu'on ne revoit plus du film, puis on les branche en "dérive" - ce qui revient à connecter leurs deux esprits et à leur permettre désormais, on le suppose, de résoudre des problèmes mathématiques simples tels que les additions à deux chiffres, mais toujours pas de jouer la comédie. Si on en croit la brochure officielle (que la voix-off continue de nous lire maladroitement), un Jäger se pilote à deux et par la pensée, chacun contrôlant un hémisphère du cerveau électronique (ce qui sent un peu l'arnaque vu que dans les faits, le pilotage consiste à faire de grands gestes en simultané, que le robot reproduit à l'identique comme s'il était compatible Kinect. ça valait bien le coup d'emmerder le monde avec un contrôle par la pensée si au final, c'est pour tout faire en mécanique comme s'il s'agissait d'un banal exosquelette. Mais bon. Sur ce plan-là comme sur tous les autres, ce n'est que le début de la foire au facepalm).

Bref.

Les Kékés brothers décident de secourir un bateau de pêche dont le capitaine, de toute évidence, n'a pas lu le synopsis vu que quand il voit sur le sonar un machin énorme qui fonce sur son navire, à aucun moment, ça fait tilt dans sa tête du genre "gros truc qui se déplace sous l'eau à toute vitesse = Kaiju". Le supérieur hiérarchique des Kékés Brothers (qui, lui, a lu le script) se met très très en colère quand ils décident de désobéir à ses ordres, alors il leur crie dessus très fort comme dans les films des années 90 - sauf qu'il a 40 kilos de moins, qu'il ne renverse pas son café sur son entrejambe en mode lourdeau et qu'il n'a pas de donut à la main. Mais il est toujours noir, parce qu'il ne faut pas déconner avec les stéréotypes non plus.

Le clash se solde par une nouvelle victoire des Kékés Brothers mais au moment où on s'y attend le moins, c'est-à-dire au moment où on s'y attend le plus, le Kaiju revient à la charge, arrache la moitié du cockpit avec une précision chirurgicale histoire de ne pas faire mal à Kéké n°1, et mange Kéké n°2. Fou de colère, de chagrin et de douleur, bien qu'il soit incapable de jouer l'un ou l'autre, Kéké n°1 envoie le principe de dérive se faire foutre et se débarrasse de son adversaire tout seul comme un grand. Le film n'a pas commencé depuis un quart d'heure que déjà, il défèque sur les règles qu'il vient de mettre en place.

Et vu comment ça tourne ensuite, ça doit être une gastro.

Après, il y a une ellipse parce que ça fait genre "vrai scénariste" : on suit les déambulations d'un vieux et d'un gosse sur une plage, flanqués d'un détecteur de métaux. Stupéfaction : ça bipe, ils déterrent un jouet dont on se demande bien ce qu'il fout là, c'est la déception. Stupéfaction : ça bipe encore mais cette fois, c'est à cause du robot de Kéké n°1 qui s'échoue sur la plage, genre il fait quarante mètres de haut mais ils ne l'ont ni vu, ni entendu approcher.

J'espère qu'ils ont gardé le ticket de caisse de leur détecteur de métaux.

 

 "Allez, on se fait la revanche au Bitch Volley ?"

 

Fin du prologue, tout le monde a déjà envie de se coucher, à commencer par Kéké n°1, devenu Kéké-tout-seul par la force des choses (mais pas pour longtemps).

Nouvelle ellipse.

A sa grande surprise, l'humanité découvre que les robots géants humanoïdes n'étaient pas une si bonne idée que ça, ce qui l'oblige à revenir à la réalité et à privilégier l'efficacité au style, et la crédibilité à la créativité - raison pour laquelle elle ordonne la construction d'un... mur. Géant. Ce qui est certainement le coup de génie du siècle, considérant que certains Kaijus peuvent voler et que la totalité d'entre eux peut tout défoncer (mais qui sommes-nous pour juger ?).

 

Il faut dire que le plan des citrouilles tueuses avait "un peu" mal tourné, aussi. 

 

Traumatisationné par la mort de son frère, Kéké a quitté l'armée, s'est retiré loin de la société et passe de petit boulot en petit boulot, en mode badass-meurtri-je-souffre-je-ne-me-rase-plus. Là, il postule pour travailler à l'édification du mur, notamment à l'installation de la sonnette, du verrou et du judas de la porte géante, indispensables pour repousser les Kaijus-Témoins-de-Jéhovah. De toute évidence, le monde traverse une crise de chômage sans précédent vu le nombre vertigineux de personnes intéressées par ce job ingrat - numéro 1 des statistiques en matière d'accidents mortels -, et vu combien le gouvernement semble se foutre éperduement de ces malencontreux dommages collatéraux (y compris sur le plan pénal).

Hélas, Kéké n'a pas le temps de se sangler que déjà, Chef Blacky débarque en faisant une tronche de six pieds de long pour venir le chercher, comme quoi son pays a besoin de lui, comme quoi il ne peut pas fuir ses responsabilités, comme quoi ça va être la fin du monde et comme quoi le projet "robots à la con" va être démantelé. Kéké, qui a beaucoup aimé le premier Rambo, se laisse convaincre de mauvaise grâce par cette imitation somme toute de plus honorables.

Arrivée à la base (que son service com' a baptisé Shatterdome, parce que ça fait troD4rk et parce qu'Harmaggedondu9-3 était déjà pris). Kéké y fait connaissance de ses nouveaux collègues en fonction d'un cahier des charges très strict :

- Geeks excentriques à lunettes pour la caution scientifique et l'élément comique : 2

- Jolie jeune officier au charme "de loin là-bas de là où ils sont pas comme nous mais pas comme des Kaijus non plus" timide mais forte mais timide mais belle mais timide mais teinte des cheveux pour la tension sexuelle : 1

- Casting de collègues pluriethniques sans une seule ligne de texte pour pas qu'on s'y attache (de toute façon, qui le voudrait ? Ce sont des étrangers), à dégommer ultérieurement pour la dramaturgie : 5

 

 On est tellement clichés que quand on nous prend en photo,  on apparaît en surimpression.

- Robots géants humanoïdes : 4 différents (parce que se concerter à l'échelle mondiale pour créer un modèle unique, de façon à ce qu'il soit le plus fonctionnel possible, ça faisait trop chochotte, il a fallu que chaque pays développe son modèle à lui comme s'il voulait finir premier à l'Eurovision du Mechadesign).

- Rival Kéké méchant qui dit des choses méchantes rien que pour faire de la peine à Kéké n°1 mais qui finira par se sacrifier pour le protéger quand même : 1

- Chien inutile pour faire plaisir aux enfants et à Mamoru Oshii : 1

 

"Au secours. Aidez-moi".

Dans la foulée, un des scientifiques lui montre un tableau plein d'équations compliquées tracées à la craie comme ils font les scientifiques depuis la nuit des temps, tout en lui expliquant qu'en fait, grosso modo, ses calculs se résument à diviser des périodes de temps par deux. Puis il s'engueule avec son collègue et c'est rigolo parce qu'ils ont des lunettes et qu'ils disent des trucs de geek que personne ne comprend.

La priorité, maintenant, c'est de sélectionner un pilote psychologiquement compatible avec Kéké n°1 et pour ça, il faut qu'il puisse y avoir osmose (même s'il ne connaît ni ce mot, ni sa signification) - ce qui complique grave les choses, vu que les amibes ne sont pas admises dans l'enceinte de la base. En guise d'entretien d'embauche, il doit donc se battre contre des gens avec des sabres en bois. Logique. Les gens qui font du speed-dating ont tout faux : pour trouver l'âme-soeur, c'est à un Mortal Kombat, qu'il faut participer.

Au grand étonnement des spectateurs naïfs et/ou n'ayant aucune culture cinématographique, c'est Jolie Madame qui l'emporte, elle est faite pile poil pour Kéké n°1, ce qui n'est pas une bonne nouvelle pour elle vu que quelques minutes plus tôt, elle lui reprochait son impulsivité et son caractère indiscipliné. Heureusement, comme d'habitude, Chef Blacky fait son Grumpy Cat et s'oppose à la constitution de ce binôme, pour une raison mystérieuse qu'on ne devine absolument pas. Idriss Elba, qui l'interprète, aimerait sans doute jouer la comédie mais comme il serait le seul sur tout le plateau à s'y essayer, il risquerait d'être mis à l'index par le reste de l'équipe.

Après, ça ronronne, les scientifiques font des trucs de scientifiques, Jolie Madame fait des trucs de Jolie Madame (genre minauder ou se tromper de chambre), Chef Blacky râle, Kéké n°2 dit des choses méchantes aux gens pour les faire pleurer, le chien court dans les couloirs (c'est le seul qui est à peu près dans le rôle) et le reste du casting fait semblant de s'agiter dans le champ de la caméra. Finalement, je ne sais plus trop comment Kéké n°1 et Jolie Madame obtiennent la permission de faire un test de dérive ensemble mais ça tourne mal et Chef Blacky ronchonne parce qu"il l'avait bien dit" : en effet, au lieu de partager des souvenirs cochons comme deux personnes de sexe opposé attirées l'une par l'autre, ils préfèrent fusionner leurs traumas respectifs et bon, ça va, ça ne pose pas trop de problème à Kéké n°1 parce qu'il est fort et que même ses traumas ont des muscles, mais Jolie Madame, elle, qui est timide et belle et fragile et teinte des cheveux, pète une durite comme si elle faisait les soldes chez Casa - et, accessoirement, comme si c'était la toute première fois de sa vie qu'elle tentait une dérive alors qu'elle est censée être une pilote d'élite.

C'est par le truchement de ce procédé narratif génial qu'on découvre le passé tragique (SURPRISE !) de cette orpheline (SURPRISE !) dont la famille a été tuée (SURPRISE !) lors d'une attaque de Kaiju (SURPRISE !) et qui ne rêve que de se venger (SURPRISE !) - on appréciera d'ailleurs avec quel soin le scénariste veille à ne proposer que des rebondissements cousus de fil blanc, histoire de ne jamais exposer le spectateur au moindre sentiment d'inconfort, de stress ou d'insécurité. Ainsi, alors que la situation est en train de dégénérer, un membre du staff a la brillante idée de couper l'alimentation du robot en débranchant un câble... dans la salle de contrôle (!). Du coup, on sait désormais des Jägers :
 
- Qu'ils fonctionnent grâce à un réacteur nucléaire.
- Qu'ils se déplacent grâce à des moteurs diesel.
- Qu'on les contrôle par la pensée, en binômes compatibles - sauf quand on n'est pas deux ou qu'on n'est pas spécialement compatibles.
- Que leurs commandes numériques sont analogiques, même si ça veut rien dire.
- Que leur source d'alimentation se trouve dans le poste de commande et tant pis si le tout n'a aucune espèce de cohérence : c'est le futuuuur !

De son côté, un des scientifiques construit un truc de scientifique (ça a l'air compliqué, avec des tubes, des câbles et des machins, c'est donc forcément de la science) et se le colle sur la tête façon Doc Brown pour dériver avec l'esprit d'un Kaiju. Ce qui implique incidemment que soit il sont tous les deux des âmes-soeurs, soit les principes qui régissent la dérive sont complètement bidons, ce qui expliquerait bien des choses. Quoi qu'il puisse en être, l'idée est lumineuse (une de plus !) puisqu'il accède directement à l'intégralité du synopsis ! Révélation de folie : en fait, les Kaijus sont des clones produits artificiellement en série, ils ont un esprit de ruche et ils servent d'armes de destruction massive à une race extra-terrestre qui veut nous envahir et qui n'a rien trouvé de plus efficace que des monstres baveux pour y parvenir (genre, je sais pas, moi, des bombes ou des canons lasers). Tout ça parce qu'ils avaient déjà tenté le coup des millénaires auparavant, mais qu'ils avaient dû renoncer parce que l’atmosphère de la terre n'était pas assez polluée pour eux - et aussi parce que polluer soi-même, c'est vachement plus compliqué que d'attendre patiemment 65 millions d'années et des brouettes, surtout quand on a une technologie qui nous permet de voyager entre les dimensions (mais enfin, comme ça, ça explique la disparition des dinosaures et tout le tralala - pardon de vous spoiler les grandes révélations de Pacific Rim 2). En résumé, entre les envahisseurs qui envoient des dinosaures king size pour soumettre leur adversaire après une éternité de glandouille, et les défendeurs qui utilisent des robots géants pour contre-attaquer, ça fait quand même une belle bataille de bras cassés. Sans compter qu'on serait en droit de se demander aussi pourquoi (et comment) ces gros monstres primitifs peuvent être au courant des plans de leurs créateurs (et de tout le background qui va avec), ainsi que la raison pour laquelle ils sont envoyés un par un au casse-pipe, et par ordre croissant de puissance.

ça, seul le Grand Stratéguerre pourrait peut-être nous l'expliquer.

 

Sans crier Grouar, deux Kaijus de catégorie 3 (il n'y en a pas deux pareil, soi-disant, mais on les classe quand même par catégorie pour faire genre) surgissent de la faille pile au moment où le rythme du film commence à retomber, ce qui montre à quel point le scénariste maîtrise son art. Il envoie donc les russkofs et les chinetoques pour les intercepter et, à notre grande surprise (bis bis repetita), ceux-ci se font piler l'oignon à sec en deux temps trois mandales, ce qui oblige Kéké n°2 et son paternel à intervenir, mais avec de bien meilleures chances de survie vu qu'ils sont anglophones. A notre re-grande surprise (bis bis bis ter), ceux-ci prennent une peignée aussi ce qui, à notre re-re-grande surprise (bis, ter, ad lib), oblige Kéké n°1 et Jolie Madame à intervenir à leur tour, après avoir réussi l'exploit de sortir un robot de 40 mètres de son hangar sans que personne ne s'en rende compte ni n'essaie de les arrêter (scène dont on ne nous montre rien. CURIEUSEMENT). Une aubaine, d'ailleurs, car à notre re-re-re-grande surprise (NON), ils réussissent à deux ce que sept personnes n'avaient pas pu accomplir, après avoir pulvérisé une partie de Honk-Kong, piétiné des voitures de luxe, involontairement mis en mouvement un pendule de Newton (ça sent l'oscar), utilisé un super tanker comme batte de base-ball (au mépris des lois de la physique), sorti de leur sac à dos magique une épée laser super-surpuissante dont tout le monde avait mystérieusement oublié l'existence et, pour couronner le tout, transformé leur réacteur nucléaire en moyen de propulsion façon Iron Man. Parce que c'est bien connu, si tu pilotes une machine qui fonctionne au nucléaire, il est conseillé de laisser le noyau à découvert, sans coque protectrice, et de l'installer pile en plein milieu du plastron pour faire une cible facile. ça fera autant plaisir aux adversaires qu'à la population.

 

Les roquettes lasers ne font aucun dommage à l'adversaire ? Sortons l'épée.

Et si ça ne marche pas, il nous restera encore le coupe-ongle.

 

Mais las !

 

Après ce choc titanesque riche en pépites de scénario, toute la base fête cette belle victoire sans faire le moindre cas des dégâts matériels, de l'insubordination de notre couple-vedette ou, accessoirement, de la mort tragique des ruskoffs et des chinetoques. Le chien est vivant, c'est tout ce qui compte. De toute façon, ils étaient pas comme nous. Du coup, c'était presque des Kaijus, eux.

Arrivé à ce point du film, on a déjà entendu plus de soixante fois les 6 notes du thème principal (enfin, quand je dis 6, je suis gentil : en l'occurence, c'est plutôt "trois", jouées dans les deux sens. GENIUS), et on se dit qu'on ne tiendra jamais jusqu'au bout à ce rythme sans tuer un étudiant en musicologie ou un fabriquant de violons.

En parallèle, toujours à Hong Kong, le scientifique le plus dégourdi (comprendre : le plus américain des deux) a rencontré Ron Perlman, qui joue Ron Perlman à la perfection et qui, en dépit d'un cursus universitaire visiblement écourté, en sait plus que notre cador au sujet des Kaijus. Ensemble, ils essaient de récupérer le cerveau d'un des deux spécimens fraîchement déssoudés mais se retrouvent vite pourchassés par celui que nous baptiserons avec tendresse "Junior", rejeton nouveau-né de ce dernier - parce que oui, absolument, le Kaiju-clone-arme-de-guerre-créé-en-laboratoire-sorti-de-sa-capsule-une-heure-plus-tôt attendait un heureux évènement, au mépris des règles les plus élémentaires de la biologie niveau 3ème (genre avant qu'il y ait naissance, il faut qu'il y ait gestation - ou ne serait-ce qu'accouplement, ça peut aider). Déjà que le coup des créatures artificielles qui ont leurs propres parasites rien qu'à elles, c'était un peu perturbant, alors... que penser de cette immaculée conception ? De deux choses l'une : soit ces bestioles font dans la grossesse express et cela implique qu'elles ont tiré un petit coup vite fait en sortant de la faille, soit il faut partir du principe qu'une fois par mois, quand leurs créateurs s'absentent du labo, elles éteignent les lumières, elles sortent de leurs bocaux et elles font des partouzes géantes.

 

C'est tout de suite plus impressionnant à Sarcelles.

 

Toujours est-il qu'après une brève et haletante course poursuite, Ron finit dévoré de manière rigolote, puis le bébé meurt parce qu'il n'était pas viable (même s'il était quand même déjà vachement alerte, pour un nouveau-né), après quoi le scientifique récupère l'organe tant convoité. Ensuite, son collègue scientifique empoté (comprendre : le plus anglais des deux) le rejoint pour un moment de pur bro-fist homoérotique, doublé d'une nouvelle dérive en milieu dinosaure, mais à deux.

Tout est bien qui finit bien.

 

Ha merde, non, le film n'est pas terminé.

 

- Ma pauvreté consent, mais pas ma volonté (Idriss Elba)

- Je paie ta pauvreté, et non ta volonté (Guillermo del Toro)

Dans une tentative désespéré pour caractériser son personnage, Chef Blacky explique que s'il remonte un jour dans un Jäger, il mourra, ce qui laisse peu de doutes sur le sort que lui réserve notre ami le scénariste : il y a en effet gros à parier que dans les dix prochaines minutes, il va monter dans un Jäger et y laisser la peau, tout ça parce que les normes de sécurité des anciens modèles nucléaires analogiques n'étaient pas ce qu'il y avait de plus fiables, et parce que (SPOILER ALERT !) c'est lui qui a sauvé Jolie Madame (COMMENT ON S'Y ATTENDAIT TROP PAS !), jadis, dans un robot tout cassé et sans coéquipier en vie pour gérer la dérive (qui est décidément vachement surfaite). ça n'y coupe pas : deux minutes plus tard, nouvel assaut de Kaiju, il annonce qu'il va piloter avec Kéké n°2, vu que son papounet est encore HS (on n'est pas compatibles mais on s'en fout, qui ça intéresse encore, ces histoires de principes à la con ?) pour une opération de la dernière chance, un plan complètement foufou auquel personne n'avait pensé jusque là : faire exploser la faille avec une bombe !

OMG !

Mais c'est génial !

Raison de plus pour ressortir les violons et le script d'Independance Day, et pour se fendre du discours galvanisant le plus planplan et le plus laborieux de l'histoire de l'humanité. "Today we are éventuellement canceling le jour de notre indépendance mais pas trop (motherf*cker) !". Après quoi tout le monde, c'est-à-dire quatre personnes, saute dans son cockpit, se branche à la dérive (ou pas, on s'en fout) et part pour livrer le combat de la dernière chance. Ils peuvent encore sauver la terre du désastre.

A défaut du film.

C'est là que les scientifiques reviennent avec le twist n°2 dans leur sacoche : la faille est protégée, elle scanne tout ce qui entre ou sort et si t'as pas le code barre approprié avec toi, c'est comme chez Monoprix ou la sortie de la Moria, tu passeras pas. Il faut donc qu'un des deux Jägers plonge dans la faille avec la bombe sous un bras et le cadavre d'un Kaiju sous l'autre pour bénéficier de son passe illimité (parce que oui, ça scanne dans les deux sens, des fois qu'un Kaiju aurait le mal du pays et voudrait rentrer chez lui en pleurant comme une petite pucelle).

Surprise entre toutes les surprises : l'affrontement sous-marin est d'une violence telle qu'on entend les explosions sous l'eau et que le binôme Chef Blacky-Kéké n°2 doit se sacrifier pour permettre à Kéké n°1 et à Jolie Madame de se sacrifier aussi, mais plus profondément et de manière moins inutile.

-Tiens, prends ça , vil lézard 

- Aïe, salaud ! A cause de toi j'ai un cil dans l'oeil !

 

Sans doute qu'à un moment, ça crie "noooooon, pourquoiiiiiii ?" et que ça mouille des yeux, ou un truc dans le genre, mais ça ne dure que le temps d'un bâillement affligé. Miss et Mister Jäger 2013 plongent donc dans les tréfonds des tréfonds de la faille, qui évoquent métaphoriquement ceux du scénario, et débaroulent dans le monde des vilains extraterrestres, un truc tout moche à leur image que personne ne va regretter (des fois que la perspective d'assister à un génocide en bonne et due forme aurait pu doucher l'enthousiasme d'un ou deux spectateurs, sait-on jamais ?).

Une fois sur place, je ne me souviens plus pourquoi (et je m'en fous) mais notre fine équipe décide de faire exploser son robot pour apprendre la politesse à leurs adversaires (sans doute ont-ils volontairement paumé la bombe entre temps au nom du dieu Suspens). Galant jusqu'au bout des quadriceps, Kéké n°1 oblige Jolie Madame à s'éjecter manu-militari - si bien que celle-ci repasse par la faille sans code barre ni rencontrer de problème particulier (non mais quelles brelles, ces scientifiques...)-, puis il appuie sur un gros bouton rouge pour déclencher l'explosion manuellement (contrôles analogiques, vous vous souvenez ?), après quoi il s'éjecte aussi, parce qu'il veut bien se sacrifier mais pas trop quand même. Très intrigués, les aliens regardent le robot leur exploser à la gueule en gros plan comme dans Independance Day, parce que c'est bien fait pour eux et que c'est cathartique. Oh, bien sûr, l'explosion d'un petit réacteur nucléaire waterproof ne sera jamais assez puissante pour anéantir leur monde tout entier et écarter toute menace mais hé ! Ce n'est qu'un détail, on n'est vraiment plus à une connerie près et puis il faut bien laisser de la matière pour l'épisode 2.

 

COMMENT ON LEUR A TROP POUTRE LA FACE A CES METEQUES DE L'ESPACE LOLILOL !

Dans le nôtre, de monde, l'armée profite d'un surplus de crédits pour envoyer quarante hélicoptères chercher deux personnes en pleine mer juste parce que leurs radeaux gonflables colorent la flotte en fluo. Pendant un instant, on croit (LOL) que Kéké n°1 n'a pas survécu mais en fait si, il voulait juste faire une blague à Jolie Madame. Ha, quel boute en train, ce Kéké n°1. C'est vraiment l'homme idéal. Raison de plus pour que Jolie Madame l'embrasse à pleine bou... OH WAIT !

M... Mais...

Qu'est-ce qui se passe ? !

Je n'y comprends plus rien !

Ils... ils ne s'embrassent pas, tous les deux ?

Comment est-ce que...

Je...

Il...

c'est...

Tout le film était prévisible de bout en bout, alors pourquoi ?

Pourquoi ?

POURQUOIIIII ce sursaut de non-conformisme dans les dernières secondes ? 

Parce que deux personnes sexuellement attirées l'une par l'autre qui viennent de frôler la mort en sauvant le monde et qui s'embrassent, ce serait cohérent - et que du coup, ça jurerait avec le reste du bouzin ? 

Sans doute.

Remarquez, finalement, on s'en fout de ça aussi. Les méchants sont présumés morts, les gentils de second ordre sont morts pour de bon, l'humanité est hors de danger, les scientifiques font des équations, le chien est sain et sauf.

ça, c'est ce que j'appelle un Happy Ending.

Séquence-bonus : à Hong Kong, le corps du bébé Kaiju se déchire en deux et Ron Perlman s'en extirpe au couteau, en balançant une réplique rigolote.
Tout le monde s'en fout de ça aussi.

Fin.

Putain, la vache.

Qu'est-ce que c'était bien. 

 

*

 

Raison de plus pour s'en resservir une bonne tranche. 

 

 

 

A suivre, comme on dit dans le milieu (et un peu sur les bords aussi)...