De l'avis général, 2010 semble
avoir été marquée par l'abondance de bons jeux, pas forcément tous originaux
mais globalement très aboutis dans leurs domaines respectifs. La moyenne étant
tirée vers le haut, rares étaient les navets - et par conséquent d'autant plus
faciles à discerner, donc à éviter. Je ne peux pas vraiment dire que j'ai joué
à de « mauvais » jeux cette année. En revanche, il y a eu quelques
« déceptions » : des titres dont on était en droit d'attendre
mieux, plus de fun, plus d'originalité et plus d'intelligence aussi.
Final Fantasy XIII : aussi digeste qu'un chou Fal'Cie
Final
Fantasy XIII était une déception attendue. La
direction prise par la série depuis les épisodes PS2 a tendance à m'ennuyer. Au
cœur du problème : le manque de fantaisie, qui est pourtant l'argument
principal de la licence. Il semblerait que Final
Fantasy n'ait pas réussi son passage au parlant. Lorsqu'ils ne sont pas
carrément stupides, les dialogues reflètent un vide soporifique noyé sous un jargon
aussi abscons que repoussant (ici, les termes lourdauds de L'Cie et Fal'Cie). Au
romantisme naïf japonais, qui avait pourtant marqué les plus beaux moments de
la série (l'histoire d'amour de FFVIII,
les délires introspectifs de Cloud dans FFVII),
se mêle l'atroce accent américain des personnages qui dénature totalement
l'esprit du jeu. Cette greffe entre Orient et Occident donne naissance à une
chimère très peu charismatique. Final
Fantasy n'est plus vraiment japonais, en tout cas pas chez nous. C'est
désormais une caricature de l'exotisme japonais vu par le prisme du concept japo-niais pour occidentaux. Qui peut
supporter les cris (pour le moins ambigus) que pousse Vanille à longueur de
temps ? Qui peut endurer la soupe nauséabonde qui sert de thème officielà cet épisode XIII ?
À force de vouloir draguer le
public occidental, il semblerait que les grandes séries japonaises se soient
complètement reniées. Après Resident Evilet son orientation action, Final Fantasyet sa suite de couloirs. J'ai bataillé pendant des heures, refusant d'abandonner
le jeu tant que je n'avais pas foulé les étendues de Pulse que les critiques
annonçaient paradisiaques. Quand je suis enfin arrivé sur place, j'ai constaté
un espace certes plus grand, mais tout aussi vide que les lieux parcourus
précédemment. Des combats, encore et toujours des combats. Je n'ai pas tardé à
laisser tomber et à recommencer une partie de Final Fantasy VIII qui m'a à nouveau scotché jusqu'au bout.
Il m'a quand même fallu beaucoup de
temps avant de lâcher Final Fantasy XIII.
Premièrement, la réputation de la série a tendance à favoriser l'indulgence.
Deuxièmement, la virtuosité des cinématiques peut donner envie de continuer (je
parle de la mise en scène et de la qualité technique, toutes deux époustouflantes,
évidemment pas du contenu complètement débile). Troisièmement, et c'est ce
point qui fait que Final Fantasy XIIIn'est pas un mauvais jeu : le système de combat est à la fois audacieux et
passionnant. Mais la suppression de la liberté d'exploration, du mystère, des
villes, des personnages non-jouables, des quêtes secondaires, des recoins, des
méchants charismatiques, du grand voyage et surtout l'absence des pères
spirituels Hironobu Sakaguchi et Nobuo Uematsu ont eu raison de moi.
Castlevania: Lords of Shadow : le dilemme du vampire sans âme
Déception paradoxale, Castlevania: Lords of Shadow m'a donné
beaucoup de plaisir de jeu tout en m'attristant par son manque criant de
personnalité. S'il est vrai que le jeu est généreux et complet, on pourrait
ajouter qu'il est plus aisé d'être généreux lorsqu'on a tout volé aux autres.
Qu'importe que l'esprit de la série ait été ou non respecté (je la connais trop
mal pour pouvoir juger), le fait que ce Lords
of Shadow ressemble à un best-of des jeux d'action de ces dernières années
m'a particulièrement irrité. Certains y ont vu des clins d'œil, je n'y vois
pour ma part que des références mal digérées. L'exemple des colosses repris de Shadow of the Colossus (au pattern près)
est d'autant plus critique qu'il s'agit des premiers boss que l'on rencontre
dans le jeu ! Au lieu de nous installer dans un univers propre pour
ensuite s'affranchir de certains codes et s'amuser avec des références
vidéoludiques, Lords of Shadowcommence par une série d'impostures.
La suite du jeu est un voyage à
travers un fourre-tout de créatures, de lieux magiques, d'énigmes et de combats
certes travaillés (hormis de récurrents problèmes de réglage) mais très
superficiels. Finalement, on n'est pas si loin de Final Fantasy XIII et de sa suite de couloirs : on traverse
des mondes aussi hétérogènes qu'éphémères, on multiplie les rencontres avec des
personnages archétypaux qu'on ne reverra jamais par la suite, on avance dans
une surenchère dramatique qui ne laisse que mieux apparaître de grosses
ficelles.
Sur ce point précis, Lords of Shadow m'a déçu. Avec la
présence d'Hideo Kojima au générique, je m'attendais à rencontrer des
personnages plus creusés et à suivre une narration plus complexe. Il n'en est
rien. Lords of Shadow reprend
malheureusement les grands poncifs éculés du jeu vidéo et finit par verser dans
le grand guignol. Un satyre se transforme en robot. Satan en personne apparaît
pour finir... à poil (son sexe et ses fesses restent cachés par un nuage
providentiel). Quant au « twist » final, il me fait penser qu'Highlander III n'était peut-être pas un
si mauvais film...
Bref, les monstres sont
impressionnants mais on reconnaît trop souvent les seconds rôles de certaines
scènes du Seigneur des anneaux. Le
vieux Zobek est sympa mais je préférais quand il était joué par Sean Connery.
La femme de Gabriel me rappelle celle de Kratos. Le moine aveugle, je croyais
qu'il était mort dans l'incendie du Nom
de la rose. Quant à mon ami Pan, je ne comprends toujours pas pourquoi il s'est
pris pour un Transformers.
Il est triste qu'un jeune studio comme Mercury
Steam n'ait pas su faire preuve de plus d'audace, de plus d'originalité, en
imprimant une vraie patte à cette sorte de reboot.
Certes, Lords of Shadow est un bon
jeu mais il souffre d'un manque d'imagination qui me désespère. Reprendre des
éléments éculés pour les resservir tels quels me laisse perplexe. Prions pour
que le jeu vidéo ne reste pas aussi peu aventureux dans son cheminement artistique.
Les références sont faites pour être digérées ou perverties, mais Lords of Shadow, lui, se prend au
sérieux. C'est là le pire. On est très loin du second degré kitsch et de l'énergie
punk de Bayonetta. Très, très loin.