Depuis sa création par Nintendo, Wario se doit de remplir son rôle de trublion au sein d'une firme très pointilleuse sur l'image qu'elle renvoie. Wario est le double malsain de Mario, on le sait, mais il est surtout l'instigateur d'une licence (les Wario Ware et non Wario Land) dont le but est d'explorer les terres inconnues du jeu vidéo. Là où personne, ou presque, ne va. La saga Wario Ware est un vrai terrain de jeu pour Nintendo qui profite ainsi de cette opportunité pour expérimenter des esthétiques et des gameplays.


 

I) Un humour décapant

Des concepts stupides


Dans ce mini-jeu, il faut que le chien tape dans votre main

La première chose qui marque dans la série Wario Ware, c'est son humour bien particulier. Les mini-jeux que le joueur enchaîne à une cadence chaque fois plus pressante sont tous ou presque d'une profonde stupidité dans leur principe. Le joueur devra, par exemple, fourrer un doigt dans un nez, taper la main d'un vieillard cherchant à voler une orange, donner des coups de tête dans une brique pour la casser, pousser un homme en lui tapant dans les mains, frotter le fessier d'une vache...Cet humour souvent absurde, dont la finalité est l'absurdité même, dénote avec la tonalité générale des jeux vidéo. En bref, on rigole peu.

Parodies et dérision

La plupart des actions proposées dans la saga Wario Ware sont banales mais deviennent originales car elles constituent le cœur d'un jeu vidéo. Quel est l'intérêt de nettoyer les fesses d'une vache ? Atteint-on cela d'un jeu, d'un univers virtuel qui est censé apporter du rêve ou du moins un univers stimulant ? La saga Wario Ware va à l'encontre de tout cela et fonde ainsi la base de son humour.

L'autre élément marquant de la série, c'est le pastiche, la dérision, la parodie. Tout ce qui concerne le détournement des titres Nintendo. L'occasion pour la firme de faire un peu d'auto-ironie (réduire à l'état de marionnettes les grandes mascotte de l'entreprise...) et de créer des liens avec le joueur fidèle, reconnaissant ici et là les références au catalogue de Nintendo. Ainsi, au fil des jeux, on pourra amener un chiot de Nintendogs à vous taper dans la main, réduire un Mario à sa portion la plus sommaire, etc. Dans Wario Ware on se joue de tout. Des codes du jeu vidéo, des créations maisons...

Une esthétique enfantine

Dernier élément participant à l'humour général de la série, son esthétique naïve et archaïque. Ceux qui parlent de laideur passent totalement à côté de l'essence même de Wario Ware. L'esthétique avant la technique, le parti-pris avant le réalisme et la vitrine technologique. Le jeu propose des insertions d'images de mauvaise qualité, des coloriages d'enfants approximatifs, des dessins naïfs, des images de synthèse kitsch...on est clairement dans un univers halluciné et hallucinant où l'intérêt est de nous surprendre à chaque nouvelle session de jeu. Des découvertes qui portent à rire la plupart du temps mais qui relèvent quand même d'une vraie démarche artistique.

II) Un concept qui fait mouche

Le joueur se débrouille


L'idée est simple mais astucieuse. Au lieu de proposer un énième party-game où il faut battre un record ou réussir une épreuve en un temps chronométré pour ensuite débloquer de nouvelles épreuves, la saga Wario Ware nous offre une tonne de mini-jeux incroyablement courts (on tourne la plupart du temps autour de 2/3 secondes) où il s'agit de réagir le plus vite possible en faisant la bonne action. Seulement, niveau indication, point de longs tutoriels rien que des verbes d'actions qui apparaissent dans un coin de l'écran alors que le jeu commence tout juste. Le joueur n'a que quelques secondes pour agir. Frappe, bouge, pointe...on s'exécute en priant pour que nos connexions neuronales soient optimales. Le challenge repose plus souvent sur la rapidité du décodage d'un message volontairement flou que sur l'action à faire.

Tester les réactions

Avec un tel concept, l'idée est de tester ses limites. Plus qu'atteindre un but comme la fin d'un niveau ou un boss, la session ne se termine que lorsque le joueur a échoué à plusieurs reprises et qu'il ne possède plus aucune vie. A chaque victoire, la vitesse d'exécution s'accélère. Un peu comme une course de fond sans fin, le joueur avance jusqu'à ce que la fatigue soit trop forte ou que sa maîtrise du jeu plus assez suffisante. Il y a un peu de masochisme dans ce principe de la locomotive sans frein, avancer et souffrir pour trouver le plaisir.

III) Le lieu des expérimentations

Expérimenter des concepts

Enfin, ne l'oublions pas, la série Wario Ware est aussi le terrain de jeu de Nintendo pour ce qui est des expérimentations les plus diverses. Nouvelle console, nouveau contrôleur, on peut être certain qu'un Wario Ware arrivera pour tester des idées de gameplay. Il ne s'agit pas d'offrir aux joueurs une vitrine graphique, comme Uncharted pour la PS Vita, mais ludique.

La chose a un avantage, on savoure ces possibilités comme un testeur manipule des prototypes, mais a aussi l'inconvénient de nous faire apprécier un concept qui ne sera peut-être jamais approfondi plus tard. C'est tout le problème des expériences. Ce que l'on montre peut parfois ne conduire à aucun réel développement par la suite.

Wario Ware, version Game Boy Advance

Exemples d'expérimentations

Sur Wii, le soft Wario Ware nous proposa de malmener notre wiimote. Par exemple, on se retrouve à poser sur une surface dure la manette pour tapoter juste à côté histoire de remporter une bataille de sumos en papier (Let's Tap approfondira le concept, d'ailleurs cette scène fait penser au film Sonatine de Takeshi Kitano). Pour la Game Boy Advance, Wario nous sortit un jeu spécialement dédié à l'accessoire de la console permettant une reconnaissance des mouvements, Wario Ware Twisted ! La DSi proposant deux appareils photos, Wario nous dégaina un soft expérimentant l'engin avec en bonus des sessions de jeu des résumés vidéos idiots et des BD réutilisant les photos prises. La DS proposait un écran tactile, Wario débarqua alors avec un lot de mini-jeux exploitant les fonctionnalités de la machine (stylet, micro...).

IV) Conclusion


Wario Ware est bien une licence à part, une saga que l'on prend plaisir à suivre et qui ne cesse de nous surprendre à chaque fois. Des expérimentations, un concept qui en fait bien plus qu'un party-game lambda et surtout une identité singulière. Au fil des consoles, Wario et son équipe jouent la carte du défricheur. Ils tentent, expérimentent et d'une certaine manière rassurent les joueurs (en leur montrant le potentiel de la console ou d'un accessoire) et les développeurs tiers (leur montrer des pistes). Wario Ware n'a pas vraiment d'équivalent sur le marché. Moitié vitrine ludique, moitié art primitif, la licence poursuit son chemin en ayant l'avantage de dérouter le joueur par rapport à son devenir. A quoi ressemblera le prochain Wario Ware ? Difficile à dire, il dépendra de la console et de son potentiel. Ce n'est pas si souvent que parier sur le futur d'une saga est délicat, savourons donc cet agréable flottement.

L'article d'origine : https://levelfive.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=192:chronique-wario-ware-la-saga&catid=29:wii&Itemid=28

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