Avant-propos: ces (longs) billets sont la possibilité pour moi de vous parler du jeu qui enflamme le net ces derniers temps, le dernier né de la saga d'Irrational Games, Bioshock Infinite. Le billet est d'abord prévu pour vous donner mon avis élogieux sur le titre qui le mérite clairement, et ensuite d'analyser les richesses que renferme ce titre tant il est bourré de détails dans tous les sens, de sens cachés, de discours sur le jeu vidéo et autres choses passionnantes.notamment la fin.
Au vue de la longueur du texte, comme beaucoup sur la partie Communauté, je me vois dans l'obligation de diviser l'article en trois, pour éviter d'avoir cinq kilomètres de texte en une seule page.
Bioshock premier du nom est une claque que je n'oublierais pas. Une monumentale plongée dans Rapture, cité construite sous l'océan par le mégalomane Ryan, et désemparée suite à la folie de ses habitants, consumé par un pouvoir trop grand pour eux. En sus du discours acerbe sur la linéarité du jeu vidéo, sur les choix du joueur, sur la singularité d'une aventure, sur la volonté de l'homme à se faire dicter sa conduite, Bioshock a su marquer les esprits grâce à une direction artistique splendide en plongeant le joueur dans les années 30 et l'art déco avec une maestria exemplaire, et un gameplay à base de mélanges entre pouvoirs élémentaires (ou non) et armes classiques. Même si ce n'était pas parfait, les défauts étaient gommés par tout le reste, notamment certaines séquences qui resteront dans les mémoires.
Six ans après, Bioshock Infinite tente de marquer les esprits sur une fin de génération de la même façon que le premier l'avait fait au début de celle-ci. On abandonne Rapture et on part dans les cieux de Columbia, fantastique cité flottant dans les nuages en 1912. Booker Dewitt, détective privé et ancien Pinkerton, se retrouve embarqué là-bas pour ramener une mystérieuse fille, Elizabeth, afin d'éponger ses dettes. L'homme a un passif d'homme violent et ne manquera pas de se faire remarquer, notamment par Comstock, le prophète du coin qui cherche à l'éradiquer afin de protéger une ville qui sous ses aspects grandiloquents cache de sinistres secrets et un mal qui ronge ses habitants prêts à tout pour le cacher dans une armure dorée. Evidemment, on tombe aussi sur une histoire de rébellion, qui ne sont pas non plus tout rose, et tout ce joyeux bordel va s'insérer dans un univers incroyablement crédible.
Si le jeu ne partage pas de points communs avec le premier épisode en terme d'univers et d'histoires, la structure du jeu, elle, est identique. Certains bruitages sont similaires, et le jeu vous donne la possibilité de récupérer beaucoup d'objets un peu partout, et cela renforce son côté aventure. Le joueur dispose aussi de l'équivalent des Plasmides, les Toniques. Moins nombreux que les Plasmides (au nombre de 8), elles sont par contre bien plus efficaces. Je me souviens que dans le premier, je n'utilisais qu'à peine les deux tiers de mes pouvoirs et les autres pas du tout (le leurre par exemple). Ils sont moins nombreux dans cet opus mais bien plus pratiques, cherchant à trouver leur utilité dans toutes les situations. Chaque Tonique possède une fonction "piège", plus puissante, et on peut même les cumuler en les utilisant rapidement l'un après l'autre pour parfois créer des mélanges plus puissants. Les pouvoirs fonctionnent diablement bien et même si on retrouve des classiques (l'électricité), il faut dire que le choix est franchement plaisant et chacun y trouvera son compte, sans pour autant que ce soit déséquilibré.
En ce qui concerne les armes, ça reste assez classique avec du pistolet, de la mitraillette et du fusil à pompe, mais elles ont toutes un excellent feeling et une patate d'enfer, ce qui rend les affrontements vraiment dynamiques. L'autre composante importante des combats est l'aérotram. Par moments, le jeu vous proposera dans une arène où on se débarasse des ennemis, un circuit d'aérotram où Booker pourra s'accrocher afin de glisser dessus et d'atteindre des zones élevés ou surprendre les ennemis. Vraiment bien fichu, cet outil rend les joutes encore plus jouissives et on en demanderai presque plus tant ces passages sont juste excellents. Beaucoup regrettent le gameplay en-deça de la narration, pourtant je trouve le rythme du jeu, entre observation, scène narrative et petites séquences en arènes franchement bien fichus, parce qu'elles s'intègrent parfaitement dans la structure du jeu, sans gêner aucune des parties et en proposant des joutes vraiment stratégiques et toujours lisibles. Mélanger ce "grind" avec les pouvoirs, couplés avec le fait de pouvoir demander à Elizabeth de faire apparaître des aides (trousses de soin, tourelle) durant le combat (un à la fois) rend les combats passionnants et bien menés.
Elizabeth, parlons-en d'ailleurs. Intervenant après un petit temps de jeu, la jeune femme vous accompagnera très souvent et vous aidera du mieux qu'elle peux, créant des failles, trouvant de l'argent à vous envoyer, ainsi que des munitions, ou déverouillant des portes. La relation entre Booker et Elizabeth est vraiment le centre de l'histoire, et réservera de jolis surprises durant le jeu, sans qu'elle soit un boulet comme on pouvait le douter. La jeune femme marche vite, discute quand il faut sans être énervante et se révèle même parfois touchante, discute avec les habitants, observe un peu partout... Bref, elle est humaine et on se surprend à l'observer de temps en temps, même si on n'aura jamais à veiller sur elle puisque les ennemis n'ont d'yeux que pour vous. Je ne sais pas comment ils ont réussi leur coup, mais c'est assez rare dans un jeu, le PNJ qui vous accompagne n'est pas insupportable. Pire, c'est son absence dans certaines séquences qui rendent l'attente de la retrouver insupportable, tellement on s'attache à elle, et elle prend presque plus soin de nous que l'inverse. Sa relation avec Songbird, son "gardien", aura même l'occasion d'être assez ambigüe et à l'origine de magnifiques scènes.
Dans sa structure, Bioshock Infinite est peut-être plus linéaire que son aîné, mais on sent moins l'effet "tiroirs" des quêtes. Le premier épisode aborait cette directive même si on ne la sentait pas trop: allez à la batysphère suivante, mais pour cela il faut débloquer le passage gelée, mais pour le débloquer il faut trouver le pouvoir de feu, qui n'est accessible qu'avec la clé qu'on trouve dans cette pièce. Un effet tiroir souvent là pour rallonger la durée du jeu mais qui est moins présente dans cet épisode car on progresse plus rapidement et surtout cet effet est soigneusement camouflé par une histoire très prenante, surtout dans la seconde moitié du jeu. Le rythme pourra en repousser certains, car au final, on passe beaucoup de temps à évoluer dans des décors assez grandioses et à admirer le paysage, et parfois sans véritables ennemis. Mais cette dualité de phases ne gêne pas du tout, puisqu'on est tellement pris par l'univers qu'on ne s'en rend pas compte.
Bioshock Infinite aura sa manière de flatter le joueur, à plusieurs reprises, en proposant des séquences impressionnantes, et des arrières-plans somptueux, Même l'introduction arrive à se démarquer des autres jeux, même si je préfère toujours celle du premier, plus subtile, plus impressionnante dans un sens, et surtout réglé au poil de cul près entre la descente de la batysphère, la musique et le dialogue de Ryan, un vrai must du genre. Bioshock Infinite est fait pour créer quelque chose dans le coeur du joueur, ce sentiment de participer à quelque chose de grand. Même lors des combats sur l'aérotram, on sent qu'on se trouve dans un combat d'envergure, quelque chose de frais, qu'on voit rarement ailleurs. Et puis bordel, un jeu avec autant de couleur, avec cette impression d'évoluer dans un Disney jusqu'à découvrir la crasse derrière le vernis, rien que ça mérite le respect éternel des développeurs quand on compare aux autres jeux tout gris de cette génération.
Le jeu n'est pas dénué de défauts, et certains seront plus flagrants à d'autres, notamment au niveau du gameplay, toujours un poil bordélique, même si personnellement ça ne m'a jamais gêné plus que ça. Le jeu est par contre assez facile (fait en Normal, et je n'ai dû mourir que trois ou quatre fois) et ne présente pas énormément de challenge. Mais c'est peu face au plaisir incroyable de découvrir cet univers fantastique, cette histoire excellente et une aventure comme on en voit pas tous les ans. Et comme tous les grands jeux, celui-ci divise et certains estiment avoir là un bon jeu, mais sans plus. Ce qui n'est pas condamnable, loin de là, chacun son avis. Il faut dire que c'est le genre de jeu dont l'histoire prend le pas sur le gameplay (même s'il est là), et que beaucoup de joueurs ont toujours préféré l'inverse, alors que d'autres recherchent justement une aventure qui plonge le joueur dans son histoire, dans son univers. On sent que le jeu a été fait avant tout pour raconter l'histoire tout en proposant des mécaniques de gameplay amusantes et qui restent cohérentes par rapport à son univers. Et c'est justement sa plus grande force, proposer un jeu où l'on se fond complètement dans cet univers fantastique, et que c'est tous ces petits détails qui renforcent la chose, qui font qu'on est dans quelque chose de grand. Et qu'est-ce qu'il est grand, ce Bioshock!
Les deux autres parties s'attardent principalement sur l'histoire et les rebondissements du jeu, ainsi que les secrets, théories et autres extrapolations que l'on peut voir fleurir sur le net, certaines étant d'ailleurs assez troublantes...