Crowd funding, ces mots vous disent peut-être quelque chose ? Si ce n'est pas le cas, peut-être que le nom KickStarter sera plus parlant ? Si ce n'est toujours pas le cas (même si je ne vois pas comment ce serait possible vu le buzz que ça a fait) : KickStarter est un site de crowd funding (que l'on pourrait traduire en "financement participatif") et qui permet à des particuliers de supporter des projets en finançant ceux-ci à hauteur d'un montant au seul choix de l'utilisateur (avec généralement des "paliers" de dons avec des récompenses selon le montant donné). Bien évidemment, beaucoup de sites (plus ou moins vieux) sont spécialisés dans ce système. Mais si j'ai évoqué le nom  KickStarter ce n'est pas complètement par hasard.


Double Fine Adventure (Double Fine) Popularisée par Tim Schafer (Double Fine) avec son projet de jeu Double Fine Adventure (qui a remporté un énorme succès, récoltant plus de 3 millions $ alors que Tim Schafer avait fixé la limite minimum de financement à 400,000$), la plateforme de financement participatif s'est vue pousser des ailes et est devenue en quelques jours la référence incontournable du crowd funding pour les projets de jeux (vidéos ou non). Depuis, KickStarter a parcouru pas mal de chemin, et à l'heure où certains projets financés avec succès avancent à grands pas (comme The Banner Saga de Stoic) et où le projet insolite d'une nouvelle console de jeux soulève des sommes astronomiques (OUYA) surpassant ainsi le record détenu par Double Fine Adventure, j'ai pensé qu'il serait pas mal d'analyser ce phénomène (ses avantages, ses inconvénients, le buzz, l'évolution possible du jeu vidéo indépendant, etc.).




The Banner Saga (Stoic) Qu'est-ce qui peut pousser une boîte comme Double Fine à proposer un gros projet sur une plateforme de crowd funding ?

La réponse nous est donnée par Schafer lui-même pour le projet Double Fine Adventure :

Big games cost big money. Even something as "simple" as an Xbox LIVE Arcade title can cost upwards of two or three million dollars. For disc-based games, it can be over ten times that amount. To finance the production, promotion, and distribution of these massive undertakings, companies like Double Fine have to rely on external sources like publishers, investment firms, or loans. And while they fulfill an important role in the process, their involvement also comes with significant strings attached that can pull the game in the wrong directions or even cancel its production altogether. Thankfully, viable alternatives have emerged and gained momentum in recent years.

Crowd-sourced fundraising sites like Kickstarter have been an incredible boon to the independent development community. They democratize the process by allowing consumers to support the games they want to see developed and give the developers the freedom to experiment, take risks, and design without anyone else compromising their vision. It's the kind of creative luxury that most major, established studios simply can't afford. At least, not until now.

Keeping the scale of the project this small accomplishes two things. First and foremost, Double Fine gets to make the game they want to make, promote it in whatever manner they deem appropriate, and release the finished product on their own terms. Secondly, since they're only accountable to themselves, there's an unprecedented opportunity to show the public what game development of this caliber looks like from the inside. Not the sanitized commercials-posing-as-interviews that marketing teams only value for their ability to boost sales, but an honest, in-depth insight into a modern art form that will both entertain and educate gamers and non-gamers alike. 

Pour résumer, développer un jeu peu coûter énormément d'argent. Pour pouvoir assurer le financement de la production, la promotion et la distribution, les entreprises comme Double Fine doivent s'en remettre à des sources externes comme des éditeurs, etc. Problème, ce genre de sources externes viennent souvent avec des inconvénients comme le changement de direction du projet ou son abandon pur et simple. Avec le financement participatif, Double Fine peu faire exactement le jeu qu'ils veulent, faire la promotion selon leur propre vision des choses et distribuer le jeu final selon leurs propres conditions.

 

Le financement participatif a ses avantages...

Le tout premier avantage est donc évident, ni le développeur ni les joueurs ne prennent de quelconque risques financier puisque si le projet n'atteins pas le seuil de financement fixé pour sa réalisation, d'un côté le développeur n'a rien dépensé et de l'autre les joueurs ne sont simplement pas débités (le seul effet négatif au final c'est que les joueurs intéressés ne verront pas le projet se réaliser).

L'autre avantage c'est que le développeur reste en étroite communication avec la communauté de joueurs formée autours du jeu  (les contributeurs)  qui peuvent être sollicités lors la réalisation du projet. Ainsi, il (le développeur) peut directement demander l'avis de ses futurs premiers joueurs sur certaines fonctionnalités, idées, etc.


Mais aussi ses inconvénients...

Certaines nouvelles problématiques font du coup leur apparition. Tout d'abord, être en étroite relation avec son public n'est pas forcément que positif car il est rare que tous les « backers » (contributeurs) aient le même avis. Ici le problème c'est que les joueurs qui n'obtiennent pas ce qu'ils veulent peuvent se sentir plus floués que dans une situation normale (car estimant que sans eux le projet n'aurait pas vu le jour).

Ensuite, du côté du contributeur il y a bien plus de risques en cas de déception puisqu'au final, le joueur n'est plus dans le cas de l'achat d'un objet (le jeu vidéo en question) mais dans le cas d'une donation à un projet avec une récompense pour cette donation ( souvent une copie du jeu une fois qu'il est terminé et plus ou moins de bonus selon le montant du don effectué et la récompense sélectionnée).

Du côté du développeur (et de façon moindre de la plateforme de financement), il y a aussi des risques puisqu'en cas de déception massive des contributeurs, il y a de fortes chances d'écorner l'image de l'entreprise de développement (un « backer » non satisfait a peu de chances de contribuer à un autre projet du même développeur).


Shadowrun Returns (Harebrained Schemes LLC) Et les gros éditeurs dans tout ça ?

Tim Schafer le dit clairement, s'il est passé par une plateforme spécialisée pour faire financer son projet par les joueurs c'est pour éviter le passage obligatoire par un éditeur et être « indépendant ». Ainsi, il peut faire exactement le jeu qu'il veut sans avoir de compte à rendre (mis à part bien sûr, dans un certain sens, à ses contributeurs).

Mais est-ce que les gros éditeurs ont du souci à se faire pour autant ? Est-ce que le fait qu'une entreprise comme Double Fine s'en remette au financement participatif va signifier le début de la fin pour EA, Activision, Ubisoft et autres éditeurs ?

Peu de chances. Certes le projet Double Fine Adventure a récolté plus de 3 millions de $ (ce qui est déjà énorme pour la plateforme et a même été un record jusqu'au projet OUYA -je parle ici des jeux vidéos, sinon le projet Pebble a récolté plus de 10 millions $-) mais quand on parle de gros éditeurs, on parle aussi de sommes largement plus importantes qui seront difficilement atteignables sur une plateforme de financement participatif. Il est donc peu probable que les éditeurs s'inquiètent de ce genre de pratique et il y a même fort à parier qu'ils aient encore de beaux jours devant eux. Il n'en reste pas moins que Double Fine a fait un joli pieds de nez à ces éditeurs qui ne voulaient pas de son projet. D'une part en leur prouvant que ce projet intéressait bien assez de joueurs pour qu'il soit largement rentabilisé et d'autre part en ouvrant la voie à d'autres projets de jeux vidéos qui n'auraient certainement pas vus le jours sans ça (Shadowrun Returns, Wasteland 2, le Project Fedora de Tex Murphy, etc.).

_______________________________

 

Pour terminer, on peut se demander si le crowd funding pour des projets importants de jeux vidéos (sous entendu les projets derrière lesquels se trouvent des entreprises qui passerait normalement par un gros éditeur) n'aura été qu'un effet de mode lancé par Tim Schafer et son projet Double Fine Adventure ?

Possible si on tient compte du fait que depuis la période où de grands noms ont créés leurs projets d'autres n'ont pas suivis (le dernier ayant été, si mes souvenirs sont bons, Dead State). Il est aussi possible que ce projet ait eu autant de succès simplement car les joueurs souhaitaient prouver aux gros éditeurs qu'ils n'étaient pas indispensables (à une époque où ceux-ci cherchent constammant à augmenter leurs profits sans se soucier aucunement de leurs joueurs...même si je pense personnellement que ça a globalement toujours été le cas).

Quant à savoir si l'on pourra voir d'autres projets attendus se créer via financement participatif (certaines suites de jeux sur lesquelles les éditeurs restent très frileux) je pense que cela dépendra surtout des retours sur les projets actuellement en cours. Le premier se terminant étant The Banner Saga (mon coup de coeur) en novembre 2012 (si tout se passe bien) wait & see.


En attendent, je vous conseille d'aller faire un tour des différents projets sur le site, certains pourraient vous intéresser :

Kanzume Goddess Castle Story OUYA