Quand vient l'heure de faire un top, je n'aime jamais restreindre ma sélection. Après tout, je joue à beaucoup de jeux au cours de l'année, et il n'y a pas forcément un clair vainqueur. Il faut dire que je touve le terme "meilleur" passablement vague. J'ai différents critères d'appréciation d'un jeu, et selon le critère retenu, les résultats peuvent varier considérablement. Ca semble être une bon moyen pour vous donner, comme l'année dernière, une liste désordonnée de titres. Mais pour me prouver que ce n'est pas seulement une excuse pour me donner bonne conscience, j'ai décidé de détailler mes différents critères pour montrer ces différents résultats. Vous pourrez me dire quel critère vous semble le plus pertinent, ou comment vous jaugez les uns par rapport aux autres, sachant que j'ai déjà exprimé mes préférences musicales et visuelles. Bref.
Le plus surprenant :
Driver San Francisco
Sans hésitation ma surprise de l'année. Je n'ai jamais été un grand fan de la licence, et je n'avais pas spécialement suivi ce jeu ni attendu sa sortie. Gagné lors d'un concours de Gameblog, je comptais pour être franc le revendre promptement. Par acquis de conscience, j'ai tout de même lancé le disque, et après les facepalms de rigueur en voyant l'intrigue à base de coma et de shifts s'installer, je me suis petit à petit pris au jeu. L'ambiance décalée et la qualité de l'écriture fonctionnent à merveille, avec une tonne de petits dialogues au ridicule bien senti quand on investit le corps d'un nouveau conducteur. Le gameplay est original et libérateur, en levant un tas de contraintes inhérentes à l'open world comme la nécessité d'aller aux marqueurs de missions. Et si la ville est assez moche, la conduite reste assez agréable pour produire des courses poursuites spectaculaires. La vue cockpit est aussi la plus réussie qu'il m'ait été donné de jouer, viscérale tout en restant parfaitement jouable. Le garage bien fourni en voitures de rêve permet aussi de donner une saveur et une célérité particulières à nos virées motorisées.
Le mode multijoueurs a bénéficié du même soin, et les parties disputées aux modes variés s'enchaînent sans répit.
Tout cela couronné par une bande son aux petits oignons suffit à propulser Driver San Francisco comme le jeu qui ne paie pas de mine mais assure sur tous les fronts pour délivrer une expérience réjouissante.
Runner up : Motorstorm
Acheté sur un coup de tête sur la base de sa bonne réputation sur les forums et son prix attractif de 5 euros, je n'attendais pas grand chose de ce jeu de lancement de la PlayStation 3. Ce qui m'a d'autant plus surpris quand j'ai trouvé une réalisation au grain bluffant, et un gameplay viscéral, au service de courses frénétiquement chaotiques. Un vrai tourbillon d'adversaires turbulents, un tsunami de tôle froissée, mais une tempête festive, crânement insolente et assumée, à la joie infectieuse, bien aidée par une bande son puissante.
La fermeture du online empêche au titre de se maintenir sur la durée (en plus d'empêcher de profiter des mises à jour et DLC pourtant disponibles sur le Store, aberrant !), mais un titre étonnamment solide pour son âge.
Le plus addictif :
Might & Magic Clash of Heroes
Mon premier puzzle-RPG, il m'a diablement accroché. Mécanique d'apparence simple, on combine des unités en ligne ou en colonne, en fonction de leur type et de leur couleur, on tient compte du temps de charge, des chaînes, des fusions, des pouvoirs spéciaux, des unités spéciales, des points de vie du héros, de son sort, de l'item équipé. Pas mal de paramètres à considérer, d'autant plus qu'il faut gérer l'expérience de ses unités, et composer avec le facteur chance lorsqu'on appelle les renforts. On vit dans l'anticipation de notre prochain coup, pour montrer notre supériorité à l'adversaire. On continue juste un tour de plus, juste un combat de plus, juste un niveau de plus pour s'approcher de cette domination. J'y ai rapidement englouti des dizaines d'heures.
Malheureusement, la mécanique repose un poil trop à mon goût sur l'xp, et la stratégie ne vaut pas grand chose contre un peu de grinding. Le jeu nous force à reprendre cinq personnages du début lors de la campagne, ce qui n'aide pas à dissiper cette mauvaise impression. Heureusement le jeu en multi, où l'expérience est très rapidement plafonnée, devrait satisfaire mes penchants guerriers. Mais comme je n'ai réussi aucun des combats-puzzles de la campagne, je crains d'aller au devant de quelques désillusions quant à mes compétences réelles...
Runner up : Final Fantasy Tactics
Pour des raisons un peu similaires, j'ai aussi été soumis au charme de Final Fantasy Tactics, où je me suis plu à me perdre des heures durant pour leveller mes compétences. La classe calculateur, une grande première et une grande réussite pour moi, s'est peut-être avérée trop avantagée, mais elle a tout de même nécessité un grand investissement. Les combats aléatoires s'adaptant au niveau de mon équipe, je n'ai cessé d'y trouver des affrontements intéressants et disputés. L'histoire m'a également satisfait, même si je regrette qu'elle donne lieu à un défilé peu intelligible d'adversaires, sans toujours donner les clés de la compréhension globale. Une carte complète des forces en présence au début du jeu aurait été utile, d'autant plus que les personnages semblent tous avoir une bonne vue d'ensemble de la situation, pour se faire des coups dans le dos avec une telle régularité.
Le plus fun :
Supersonic Acrobatic Rocket Powered Battle Cars
Sous ce titre invraisemblable se cache un principe confondant de simplicité et de stupidité, celui de faire du football avec des voitures télécommandées. Avec une bonne dose de technique, puisqu'on doit penser ses déplacements comme au billard, et une bonne dose de chance, puisque tout se joue en temps réel dans un joyeux chaos, on obtient un jeu qui produit les actions les plus improbables et les plus spectaculaires. Entre vols planés plus ou moins contrôlés, destructions des véhicules de l'équipe adverse, passes et têtes orientées, l'inimaginable se produit à chaque match. Si l'on s'amuse dès l'entame de match, il faut du temps pour réellement maîtriser les fondamentaux, et les buts sont alors réellement gratifiants. Devant impérativement se jouer en multijoueur local ou online avec des amis pour révéler tout son potentiel, il s'agit juste du titre le plus grisant auquel j'ai joué cette année, la singularité du concept n'ajoutant qu'à l'exaltation qu'il provoque.
Runner ups : Portal 2 et LittleBigPlanet 2
Le mode coopération de Portal 2 n'est pas loin derrière en tant qu'expérience purement plaisante. Les dialogues de GladOS font bien mouche, les mimiques et animations des deux robots sont tordantes, les crasses qu'on peut se faire sont classiques mais exquises, et la coopération réelle qui se développe pour résoudre les énigmes est véritablement électrisante.
En fournisseur de fous rires et de joie, LittleBigPlanet 2 a aussi assuré son quota lors des parties multijoueurs, avec son lot de nouvelles fourberies à base de grappin et de creatinator venant s'ajouter à l'indémodable « baffe à côté du fossé ». Malheureusement, j'ai beaucoup moins joué à cet épisode qu'à son prédécesseur. Moins ébahi peut-être, moins disposé à découvrir les merveilles de niveaux de la communauté, même si tout est mieux fini dans cet épisode. Une occasion manquée de l'année sans doute. Carton rouge cependant pour les sauvegardes qui sont planquées dans les données de jeu, ce qui m'a fait perdre par deux fois ma progression cette année, alors même que j'avais le cloud saving avec le PS+.
Le plus stimulant :
SpaceChem
J'en ai déjà parlé ici ou là, donc je ne vais pas trop élaborer, mais SpaceChem place vraiment le joueur face à ses responsabilités. Il y a quantité de manières de résoudre le problème en cours, quantité de principes théoriques sous-jacents à mettre au jour, à expliciter et à appliquer pour pouvoir progresser. Le joueur s'investit autant ou aussi peu qu'il le veut, mais le jeu estime assez le joueur pour ne pas lui mâcher le travail ou abaisser la barre. Un puzzle game intelligent et gratifiant, doté également d'une musique grandiose et d'une écriture d'une qualité surprenante.
Runner ups : Blocks That Matter et Minecraft
Également exigent de nos méninges, Blocks That Matter est un poil plus conventionnel dans le sens ou la présence d'une solution optimale conçue par les développeurs est plus sensible. Mais si l'expérience est clairement plus encadrée, avec ses cubes expertement disposés dans les niveaux, la solution n'est jamais donnée, et demande souvent d'élaborer sa réflexion et de penser à des alternatives innovantes, surtout pour récolter les blocs secrets les plus difficiles d'accès.
Enfin, la liberté d'un Minecraft fut aussi une des expériences les plus stimulantes de 2011, l'absence d'objectifs ou de fil narratif imposé créant tout un espace vierge à s'approprier pour façonner son expérience. Libéré des développeurs qui nous disent quoi faire, on réfléchit au sens de nos actions, et on a alors d'autant plus à cœur les objectifs qu'on finit par se fixer.
Le plus efficace :
Batman Arkham City
C'est le prix du jeu pas foncièrement original, le blockbuster carré, poli à l'extrême, avec un tas d'attributs gamer (par exemple monde ouvert, quêtes secondaires, objets à collectionner et power ups à débloquer) et qui ne s'encombre pas vraiment de son scénario. Et sur ce créneau là, Batman Arkham City est quasiment intouchable. Le personnage de Batman est naturellement doté d'un charisme particulier, les séances de bourrepifs sont suffisamment aisées pour faire transparaître la puissance du héros, mais assez relevées pour conserver le challenge adéquat, les phases de prédateur assez tactiques pour mettre en avant son côté réfléchi, l'Homme Mystère fournit un fil rouge de challenges optionnels tout au long de l'aventure, planer entre les immeubles est particulièrement grisant, et la liste est longue. Au côté des toujours excellentes phases de prédateur, qu'elles soient scriptées en intérieur ou plus émergentes dans la ville, j'ai apprécié l'accent mis sur l'utilisation ingénieuse des gadgets et des capacités de Batman lors des challenges de l'Homme Mystère. Bon, on doit encore se farcir une progression archaïque à la Metroid/Zelda comme si on avait oublié les joujous à la maison, et on doit supporter une histoire qui n'est guère plus qu'un prétexte à voir défiler une ribambelle de personnages, mais c'est un jeu gamer de 2011, donc personne ne s'en émeut guère.
Runner up : Killzone 3 et Lara Croft & The Guardian of Light
Dans le même moule, on trouve Killzone 3, qui nous fait vivre le rollercoaster attendu, avec son lot d'environnements identifiables à leur dominante chromatique. Effectué en coop locale (offrant à l'expérience une variation anecdotique mais particulièrement bienvenue), le jeu a parfaitement satisfait le cahier des charges du titre calibré et un peu bas du front.
Lara Croft & The Guardian of Light donne également dans la formule efficace, en combinant combats de twin sticks shooter et énigmes rudimentaires à base de plateforme. Il y a des scores à battre, des armes à débloquer, des reliques à collecter, ce qui dote apparemment le jeu d'une profondeur appréciable. Mon expérience en coop fut donc conforme aux attentes : un périple rythmé avec une précision métronomique de challenges adéquatement équilibrés. Mon aspect préféré du jeu est l'influence du pack Kane & Lynch sur le scénario de l'aventure : les deux protagonistes réagissent avec cynisme et désinvolture à tous les événements, et leurs dialogues sont tellement truffés d'injures et par conséquent tellement censurés qu'on les entend parfois à peine s'exprimer. Cela nous évite au moins de subir l'ineptie de l'ensemble au premier degré.
Le plus ambitieux :
L.A. Noire
S'il ne partage pas les mêmes aspirations de bac à sac hyper complet que son cousin Grand Theft Auto, L.A. Noire n'en est pas moins ambitieux. C'est même sa volonté farouche de ne rien sacrifier aux attentes des joueurs qui révèle sa détermination. Les mécaniques de jeu sont contraignantes et le rythme lent imposé, mais l'objectif visé en vaut la chandelle. L.A. Noire prend tout le temps nécessaire pour installer le quotidien d'un inspecteur. La formule permet de dresser au fil des enquêtes un portrait de la société de l'époque et de la ville de Los Angeles et de nous immerger complètement dans cette atmosphère. Les interrogatoires frustrants nous mettent face à nos erreurs, et privent les joueurs capricieux des runs parfaits auxquels ils avaient pris goût. L.A. Noire ose remettre le joueur à sa place, dicter ses termes pour développer son canevas narratif comme il le mérite. Le cheminement est lent, mais le résultat est là. Avec une interprétation impressionnante et une maîtrise rare, L.A. Noire arrive à nous proposer un scénario ambitieux, à défaut d'être révolutionnaire.
Runner up : Deus Ex Human Revolution ?
Deus Ex Human Revolution prétend vouloir rivaliser avec le nom de son illustre aîné. Proposer des alternatives significatives avec des conséquences à méditer, dans des environnements riches et crédibles. Nous faire nous interroger sur des problèmes de société. Et c'est vrai que le jeu s'y atèle sincèrement. Mais malgré cette ambition affichée, le jeu m'a paru bien balisé, se tournant vers une expérience très orientée vers celle de l'ange vengeur : les situations sont tournées pour faire du joueur un super héros tout puissant, maîtrisant le terrain et dominant ses adversaires grâce à ses augmentations. L'environnement est bien moins souvent un obstacle qu'un moyen d'exploiter son potentiel. Si le jeu n'est pas facile, tout est fait pour mettre en scène le héros joueur, quitte à avoir recours à un reload rapide. Malgré tous les discours du développeurs sur les choix et les conséquences, j'ai eu un contrôle surprenant sur mon expérience. Seuls les affrontements sociaux (et la mort de Malik) m'ont réellement mis face à mes propres limitations en proposant un challenge original et stimulant. L'acquisition rarement contraignante de nouvelles augmentations, et la multitude d'alternatives disponibles pour chaque objectif font qu'il m'a presque toujours été possible d'arriver à mes fins.
L'histoire aurait pu être ambitieuse si elle arrivait à se défaire du thème du transhumanisme. Le fait que tous les livres parlent de ce sujet finit par limiter la portée du scénario et entâcher la crédibilité de l'univers. Le scénario est cependant plus maîtrisé que celui de son ancêtre, en se dispensant notamment des conspirations à tiroir et d'autres éléments un peu kitsch du cyberpunk.
Au final, un excellent titre aux ambitions probablement plus mesurées qu'attendu, qui descend autant de Metal Gear Solid et de son gameplay encadré que de Deus Ex, qui lui lègue principalement, approche occidentale oblige, son côté jeu de rôle.
Le plus abouti :
ICO & Shadow of the Colossus Collection
Shadow of the Colossus est cette année encore plus qu'à sa sortie un titre parfaitement abouti. L'histoire du jeu est simple mais subtilement racontée, à travers une courte exposition marquante puis entretenue par la kyrielle de combats contre les colosses et les balades qui nous y mènent. Chaque affrontement oppose un nouveau challenge, mais la répétition de la formule fait bien transparaître progressivement la cruauté et le caractère paradoxalement égoïste de cette quête qu'on entreprend pourtant en se sacrifiant au bénéfice d'une autre. Les gigantesques environnements vides soulignent la solitude du héros, et la détermination désespérée qui l'a poussé dans cette lande interdite. Ils mettent aussi magnifiquement en valeur les formidables colosses, qu'on apprend à respecter, pour leur innocence et leur pacifisme initiaux et pour les combats titanesques qu'ils livrent. Littéralement surmonter un colosse est une expérience viscérale.
Un titre de peu de mots qui tient un propos classique mais universel, mais qui le fait avec une retenue, une élégance et une maîtrise rares, à travers l'expérience même du jeu. Le game design informe la narration et réciproquement. La maîtrise du médium est époustouflante.
Et il y a ICO sur la galette également, si c'est plus votre tasse de thé.
Le plus chronophage :
Uncharted 3 Drake's Deception
On le dit plus court que son aîné, et je l'ai c'est vrai dévoré d'une traite, mais Uncharted 3 est de loin le jeu qui m'a pris le plus d'heures de jeu cette année. Ce n'est pas qu'il soit particulièrement addictif, rien ne force réellement le joueur à compulsivement continuer sa partie, au delà de son accessibilité et de sa qualité intrinsèque. Il était de plus assuré de cette place avant même sa sortie fin octobre, de part les deux longues phases d'essais de son multijoueurs, auxquelles j'avais pu consacrer plusieurs dizaines d'heures. J'ai en définitive bouclé le solo une bonne demi-douzaine de fois, et enregistré plus d'une centaine d'heures en multi, principalement compétitif. C'est que je me suis attaché aux personnages, et que j'ai pris goût aux situations spectaculaires offertes aux joueurs seuls ou accompagnés. Uncharted reste donc encore mon Third Person Shooter préféré, de loin, et les ajustements faits à cette suite, comme l'accent mis sur les combats à mains nues et les courses poursuite, s'ils n'améliorent pas nécessairement l'expérience, restent d'intéressants essais. L'apport des powerplay et des phases en mouvement dans le multi est par contre indéniable de mon point de vue.
Bref, j'adore toujours autant me jouer de mes adversaires et me sortir miraculeusement de situations improbables, contre l'IA ou contre des joueurs humains que je jubile secrètement (lire « ouvertement ») d'humilier. Le jeu est étonnamment moins satisfaisant quand mon précieux ratio faiblit...
Runner up : Top Spin 4
Sorti dans un bon creux de mon année vidéoludique, et offrant un challenge mi-figue mi-raisin dans la carrière mais une marge de progression intéressante, Top Spin 4 a englouti un nombre inavouable d'heures de jeu. J'ai perdu des litres de sueur sur ma manette, mais j'ai arraché de belles victoires à Nadal à Roland Garros pour monter l'échelle. Entre deux déboires (hack du PSN, soucis de matchmaking et multi déserté, etc), j'ai aussi eu mon lot de matchs enivrants en ligne. J'ai aussi pu y constater la polyvalence du gameplay, bien moins limité qu'il peut y paraître au premier coup d'oeil avec mon utilisation un peu paresseuse du jeu défensif de fond de court.
Conclusion
J'arrive au bout de mes catégories, et je n'ai même pas abordé tout ce qui est écriture, scénario, dialogues, personnages, univers. Ce sera pour un prochain post. Vous pouvez cependant déjà constater qu'il n'est pas évident d'établir un classement unique et définitif cohérent. Cela m'aura au moins permis de discuter sous un angle différent quelques uns de mes jeux de l'année.