Vous le savez, depuis l'avènement des nouvelles technologies, l'imaginaire des consommateurs est de moins en moins sollicité et donc, de plus en plus paresseux. En conséquence de quoiprendriez-vous des risques en leur soumettant des visions ou des idées nouvelles, qui exigeraient d'eux un effort d'intellectualisation. Afin de garantir une immersion immédiate, puisez plutôt dans votre base de références communes - et notamment dans les clichés qui définissent abusivement les genres SF et Fantasy dans l'esprit de chacun, quitte à revendiquer ouvertement votre amour pour la prélogie Star Wars à chaque nouvelle cinématique. Surtout, surtout, j'insiste, n'introduisez rien de neuf.
Faites comme l'auteur d'Harry Potter : restez conscient que les gens normaux n'ont que peu de goût pour un imaginaire qui ne leur est pas familier, ou qui n'est pas inscrit dans un cadre qu'ils connaissent par cœur - ne serait-ce même qu'intuitivement. Ce qui est différent effraie, déroute et nécessite, toujours, des efforts d'appropriation, et c'est pour cette raison que vous devrez veiller à vous éloigner le moins possible du réel.
A l'inverse, vous partirez du quotidien supposé de votre cœur de cible, sur lequel vous plaquerez à la va vite un merveilleux d'épinal, en remplaçant les véhicules par des chevaux ou des poulets géants (héritage honteux de l'époque où votre licence avait encore des choses à raconter ?), les avions par des croiseurs de combat, les minorités ethniques de couleur par des minorités ethniques aux oreilles de lapin, les pommes rouges par des bleues, Brice par des armuriers, LIDL par des apothicaireries, l'Irish Bar du coin par une taverne délabrée, le dollar par le gil, les lobbies par les guildes, notre histoire par une autre (similaire en tous points), notre géographie par une autre (similaire en tous points), nos semblables par des encore-plus-semblables, et ainsi de suite pour tout autre domaine qui se respecte ou non. Préférez toujours une banale transposition à une authentique création.
Au moins, comme ça, on sait où il trouve son vernis à ongles.
Et à chaque élément que vous travestissez, attribuez une appellation exotique, si possible en deux mots avec une apostrophe, un y et un h, histoire de bien dire au joueur : non, ce n'est pas un tabouret, c'est un Rygh'az. Et tout de suite, ça vous pose un machin en bois, ça.
Perdu. C'était un Eidolon.
Un bon univers merveilleux digne de ce nom, c'est notre univers à nous, mais travesti en terres du milieu : un peu plus de verdure, de fausses oreilles pointues, des morceaux d'armure en plastoc, quelques formules magiques tendance, une princesse toute droit déballée du rayon « figurines », et le tour est joué !
"Maman m'a donné la foi" (air connu)
Si vous vous y prenez bien, vous pourrez allez jusqu'à situer l'action dans une administration quelconque ou dans un établissement scolaire du second degré (une fac, même, pourquoi pas, avec des cursus de deux ans en pilonnage de dinosaures). Tout est envisageable, du moment que cela existe en vrai. Votre travail n'en apparaîtra que plus crédible et donc, plus sérieux et plus mûr.
Vous la sentez bien, là, la magie du truc ?
La Fantasy ne doit pas servir d'excuse pour tenter d'explorer d'autres voies, ou plus grave : de faire preuve de fantaisie. Et la fantaisie, c'est bon pour les doux rêveurs, pour les poètes, mais pas pour ceux qui veulent faire du pognon.
Astuce de professionnel (10) : afin de ne pas trop sombrer dans la monotonie non plus, et de laisser le client croire que vous proposez de nouveaux jeu chaque année, et pas toujours le même sous des titres différents, mélangez, par exemple, Fantasy et SF, histoire d'être le plus original possible dans votre manière de ne pas l'être.
OUI ! N'HESITEZ PAS ! CA FONCTIONNE !
...comme permet de le constater cet édifiant témoignage de Gamer (PG 18)
Un immense merci à l'ami Krystal Warrior d'avoir accepté de faire face
à ses traumatismes vidéoludiques pour les besoins de ce dossier !
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