Dans les années 90, alors que je squattais la Mega Drive chez un cousin, entre deux parties de Street of Rage, j'ai lancé un jeu dont l'arrière de la jaquette m'avait intrigué. Les quelques screenshots évoquaient une vue de haut et des sprites semblables à ceux d'un de mes jeux cultes (Zelda III A Link to the Past). Cela fut suffisant pour susciter chez l'ado que j'étais un intérêt certain. Mouhai, après 10 min de jeu sur sa sauvegarde, pas convaincu, j'ai rembarré Soleil dans sa boite sans plus d'égard. Quinze ans ont passé et l'expérience couplée à la maturité me poussent à réévaluer certaines de mes vieilles impressions.

 

Classieusement baptisé Crusader of Centy en Amérique et Ragnacenty au Japon, ce titre de SEGA s'est toujours coltiné une comparaison avec Zelda III (blablabla, tentative de SEGA pour copier Zelda et le contrer blablabli) qui n'a cessé de le desservir. Et ce n'est qu'après avoir fini le jeu, aujourd'hui en 2014, que je réalise l'erreur monumentale.

Autant commencer par cela, je pensais me retrouver avec un Zelda-like sur Mega Drive... mais face à l'intestable modèle, au bout d'une ou deux heures de jeu : déception. Je me rends à l'évidence, c'est manifestement moins bon que Zelda III. Puis, au fil des heures, le jeu révèle des arômes enthousiasmants et des saveurs réjouissantes, totalement différents de ceux que propose Zelda III. Là où je veux en venir, et vous l'aurez deviné, c'est que Soleil doit se prendre comme un jeu original, sans comparaison inutile profondément biaisée.
Car les deux titres ne partagent finalement que peu de choses : le genre (action RPG) et éventuellement l'acquisition d'habilités à utiliser ingénieusement dans le level-design pour progresser.

 

D'un point de vue graphique, riche de 16 MEGA POWER, le titre s'en sort extrêmement bien avec des couleurs joliment étalonnées, des sprites détaillés, des effets peu communs sur MD (pas mal de distorsions etc.) et des petites animations marrantes de partout (le jeu a été peaufiné et cela se voit). Les environnements sont vastes et joliment retranscrits (sauf peut-être le désert, à l'étendue déroutante et pas très attrayante visuellement). Bref, pour faire court, graphiquement, Soleil, sans rayonner outre mesure, est chatoyant. De la bonne 16bits comme je l'aime !

 

La bande son n'est pas en reste avec des compositions bien senties qui habillent de manière plus qu'adéquate les zones explorées. Les fameuses BASS de la Mega Drive resplendissent : je les ai trouvées particulièrement pures dans ce titre, et deux des morceaux de l'OST sont des valeurs sures de mon baladeur MP3 (la musique du camp d'entraînement et celle de la Tour de Babel). Sinon, comme pour Phantasy Star IV, je regrette le manque de mélodies marquantes mais il s'agit là d'une approche sonore différente. Les bruitages sont très bons dans l'ensemble (j'adore le son qui claque quand on tue un monstre) même si l'on peut avoir quelques réserves sur le cri lorsque l'on se fait toucher (haha).

 

Le travail d'écriture est sommaire, mais les dialogues ne sont jamais envahissants. Très ponctuels et allant à l'essentiel (purée ce que c'est bon), ils participent au rythme soutenu du jeu en constituant le plus souvent une source d'informations précieuses.

Après ces quelques considérations futiles sur la forme, intéressons-nous au fond, car c'est vraiment là que Soleil tire toute sa force.

Malgré un début classique mais prometteur, le scénario se révèle rapidement dénué du moindre intérêt car il est... inexistant. QUOI ?!!! Mais comment est-ce possible ?! C'est tout pourris alors ?! Et bien non, car le jeu ne joue tout simplement pas la carte du récit pour motiver le joueur à progresser. Ici, point de quête héroïque mille fois vue et revue ni de princesse crucruche à secourir, ohhhh non, le joueur explore l'univers du jeu tant bien que mal à sa guise, augmentent ses capacités à son rythme et sera vite amené à s'interroger sur ce qui se trame. Pour synthétiser, tout le jeu est une immense mise en abîme des habitudes de joueurs qui charcutent du monstre sans se poser de questions. Le point de vue "animalier" adopté par le jeu (le joueur perdant une grande partie du jeu jusqu'à sa capacité de communiquer avec les humains) m'a véritablement surpris, en bien. Par peur de vous gâcher le plaisir de découverte, je ne vous en dirais pas beaucoup plus (et c'est pas l'envie qui manque) mais Soleil propose, rien que dans son propos, une véritable expérience captivante, émouvante et unique à la fois. Je suis conscient que l'approche ne plaira peut-être pas à tout le monde mais il est bon d'en reconnaître les qualités d'exécution.     

 

Je ne peux éviter de vous citer une scène absolument magistrale où mon avatar se retrouve transformé en monstre sous l'effet d'un mesquin petit sortilège lancé à son encontre. Quel effroi de rencontrer le célèbre héros, modèle de mon village natal, me persécuter vilement, moi ainsi qu'une famille de congénères alors que nous ne faisions rien de mal. La faute à notre apparence, à notre appartenance à la catégorie "monstre du jeu à dézinguer". Rhaaa, et cette scène du passé où des monstres tentent de s'évader des cachots du château et qui, après avoir tenté de convaincre le roi de leurs bonnes intentions, trouvent refuge en sanglotant dans l'église pour finalement ** ***** ****...

 

Les boss, beaux et amusants à combattre, sont nombreux et il ne tiendra qu'à vous de choisir la combinaison de familiers qui vous convient pour en venir à bout !

Rien que pour cet aspect là, je recommanderais Soleil sans soucis. Mais ce n'est pas tout car le titre s'avère très intéressant au niveau de son gameplay. Reposant sur un système de familiers à recruter, le gameplay du jeu est évolutif. Concrètement, au départ, on peut être amené à regretter la relative lenteur de déplacement de notre personnage, à pester contre sa vitesse pour dégainer / porter un coup d'épée, à s'offusquer de la faiblesse de ses coups etc. mais en recrutant les bons familiers, il vous sera possible de courir à toute allure, de manier le fer à la vitesse de l'éclair ou encore de "one shooter" les ennemis avec son arme renforcé par le bon élément. De plus, les familiers peuvent être associés pour permettre une combinaison de leurs caractéristiques et offrir au joueur une expérience de jeu absolument fantastique, au gré des préférences de chacun et des exigences in game (certains environnements impliquent l'utilisation de certains familiers précis et quelques boss s'avèrent coriaces sans la bonne combinaison).

 

La map, très fonctionnelle, est petite mais riche en lieux (qui seront amenés à changer mais chut). Quant au menu de sélection des familiers, il est sobre, clair et efficace... un vrai plaisir !

Petite remarque sur la durée de vie : le jeu est assez court et se termine en une dizaine d'heures. Perso, je ne considère pas du tout cela comme un "défaut", et je trouve même que ce voyage qui ne cesse de se bonifier au fil des heures s'arrête à un bon moment. Certes, j'ai tellement aimé le jeu que je n'aurais pas dit non à une poignée d'heures supplémentaires mais ce n'est pas l'envie de le recommencer qui me manque ; ) (c'est rare de ressentir cela sur le 1er run d'un jeu d'aventure, du moins me concernant).

 

L'artwork de la jaquette japonaise est, à mon humble avis, beaucoup plus représentatif des véritables enjeux du titre que sur les versions occidentales.

Bon éh bien, il est temps de dresser le bilan. Soleil est un action RPG qui n'a finalement rien à voir avec son Némésis historique Zelda III et le comparer à ce dernier m'apparaît caduque, pour ne pas dire totalement inapproprié voire totalement hors de propos. Car ce serait passer devant toute la substantifique saveur du titre de SEGA qui puise son éclat dans un système de "familiers" extrêmement bien pensé, et juste jouissif à manipuler. Quel plaisir de pouvoir moduler certaines strates du gameplay (vitesse, force, aptitudes etc.) selon les impositions du level-design ou nos seules humeurs. De plus, ce système de jeu absolument redoutable est appuyé par une thématique assez exceptionnelle qui se distille en filigrane tout au long de l'aventure pour finir en grande apothéose, le tout traité avec justesse dans la plus grande délicatesse. A n'en point douter, Soleil représente un action RPG extraordinaire, fait avec passion et bourré de bonnes intentions, qui dote la ludothèque de la Mega Drive (assez peu fournie dans le genre) d'un titre de grand choix.

 

PS : 1/ La même équipe de développement a travaillé sur une suite spirituelle sortie (uniquement au Japon) sur Sega Saturn : Linkle Liver Story ( リンクル・リバー・ストーリー ). Plutôt bien reçu au Japon, je ne l'ai pas encore fait mais je vous en reparlerai en moment voulu ! 2/ Soleil sur Genesis (Crusader of Centy) est enfin reconnu en Amérique pour ses qualités et il coûte déjà plus de $100 complet. Mon petit doigt me dit que si vous êtes intéressés par ce jeu, mieux vaut ne pas tarder à l'acheter car nul doute qu'en Europe, on va arriver doucement à ces tranches de prix délirants d'ici quelques années (la Mega Drive étant un peu moins "hypée" ici, à tord !!!).

 

 Liste des Chrono-Test :

-Goof Troop (Super Nintendo) --> ici

-Gravity Rush (PS Vita) --> ici

-Legend of Dragoon (PS One) --> ici

-Phantasy Star IV 4 (Mega Drive) --> ici

-Uncharted (Trilogie) (Playstation 3) --> ici